Congrès des maires – Les élus ruraux contre les normes et la "politique zigzag"
Au diapason avec les maires ruraux sur le poids des normes et leur coût exorbitant, sur les délais trop longs pour mener les projets ou encore sur ces lois décidées depuis Paris sans prise avec les réalités locales, la ministre déléguée chargée de la Ruralité, du Commerce et de l'Artisanat, Françoise Gatel, a réussi son examen de passage au Congrès des maires.
Dans un climat de "colère" face aux coupes budgétaires de 5 milliards d'euros envisagées dans le projet de loi de finances, et au désarroi des élus de plus en plus nombreux à jeter l'éponge, la nouvelle ministre déléguée chargée de la Ruralité, du Commerce et de l'Artisanat aura réussi son pari à l'occasion du 106e congrès des maires : restaurer la confiance des maires ruraux. "La ministre nous a porté le message d'une personne engagée et qui a incontestablement un vrai projet pour la ruralité", se rassure Christian Montin, maire de Marcolès, commune du Cantal de 590 habitants, mercredi 20 novembre, à l'issue d'une matinée consacrée à la ruralité. "Je veux lui faire confiance", poursuit-il. "Savoir que nous avons des gens qui sont de chez nous, qui ont la compréhension de nos problèmes et de notre difficulté à agir pour ne pas subir, c'est quand même un message d'espoir", voit-il dans celle qui a été maire pendant vingt ans. Un peu plus tôt, l'ancienne sénatrice d'Ille-et-Vilaine a brièvement rappelé ses origines : née à Rochefort-en-Terre, petit village de 600 habitants, dans le Morbihan, qui accueille aujourd'hui 800.000 touristes par an, élu en 2016 "Village préféré des Français"... "On accueille de nouveaux habitants qui vivent à la campagne comme à la ville et ont les mêmes exigences", évoque celle qui préside toujours l'association Petites Cités de caractère de France qui œuvre pour la sauvegarde et la valorisation du patrimoine.
Mise sous cloche
Pendant plus de deux heures, les maires égrainent devant elle les barrières qui les empêchent d'agir : les "normes", l'administration qui bloque les projets, le ZAN vu comme un instrument nécessaire mais mal conçu et qui entrave au développement des territoires... Certains, comme Jocelyn Sapotille, maire du Lamentin en Guadeloupe, dénoncent une "mise sous cloche". "Si les gouvernants gouvernent, on va mettre de l'ordre dans la maison", éructe Thierry Boidé, maire de Saint-Géraud-de-Corps dans la Drôme. Quoi de plus parlant que cet exemple d'un maire de Lozère, éleveur de brebis qui, depuis la salle, expose son quotidien : 8 réserves DFCI sur sa commune dont 5 hors service car elles ont été bouchées après des épisodes cévenols. Plutôt que de laisser les élus les déboucher, l'administration les a obligés à en construire de nouvelles à un kilomètre de là, avec des bâches de rétention. "Une pure folie" qui aura coûté 120.000 euros au lieu de 500 euros par réserve. "J'imagine au niveau national ce que cela peut représenter." L'élu poursuit sur un ambitieux projet de centrale au sol qui aura demandé 8 ans avant de voir le jour, quand il faut un an et demi en Chine et quatre ans en Allemagne. Un maire de Charente-Maritime embraye avec le coût des nouvelles normes imposées en 2023 aux collectivités évalué par le Conseil national d'évaluation des normes à 1,6 milliard d'euros (voir notre article du 10 juillet)…
"Politique zigzag"
"Notre gros problème, c'est que l'Etat change la règle du jeu en permanence", renchérit Jean-François Guillaume, maire de Ville-en-Vermois (Meurthe-et-Moselle), dénonçant la "politique zigzag". Exemple de ces allers-retours : la compétence eau et assainissement. Le renoncement au transfert obligatoire de cette compétence à l'intercommunalité en 2026, décidé par l'actuel gouvernement, est une preuve de bon sens pour Françoise Gatel. Confier l'eau à l'intercommunalité ? "Il faut avoir quitté le primaire avant le CM2 pour dire ça. Vous apprenez en primaire que l'eau coule dans un bassin versant et pas dans un périmètre administratif", tance-t-elle. Ce renoncement est une bonne décision pour Coraline Saurat, présidente de la communauté de communes de la Matheysine, seulement "aujourd'hui, après tout ce chemin parcouru, cet argent public dépensé, peut-être à bon escient parce que les études vont nous servir, c'est un peu un gâchis de l'argent public !"
"C'est la preuve qu'avant de sortir des lois de cette nature, il doit y avoir des études d'impact", acquiesce Françoise Gatel. Or, "aujourd'hui les études d'impact sont faites par un ministère qui défend un projet de loi (…) Il faut de l'expérimentation, de l'évaluation, je ne peux que vous offrir mes plus plates excuses".
Statut de l'élu : "ça urge !"
Pour autant l'ancienne présidente de la communauté de communes du Pays de Châteaugiron se présente comme "une fervente partisane de l'intercommunalité". "Mais ne nous trompons pas, l'intercommunalité est un espace de coopération, ça n'est pas une collectivité locale qui décide pour les communes. Et de rappeler la position du Sénat à ce sujet : "La loi doit vous permettre de confier à l'interco le PLU, les écoles, la voierie, la petite enfance, mais si vous ne voulez pas, vous ne devez pas y être contraint."
Sur les délais, "c'est juste pas possible", concède encore la ministre, évoquant les 15 ans nécessaires au projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes avant son abandon. Mais elle se refuse à faire de "l'administration bashing". En 22 déplacements (depuis sa nomination), "je n'ai pas entendu un élu critiquer son préfet ou sous-préfet".
Pour redonner un souffle à l'action des maires, Françoise Gatel compte sur la proposition de loi sur le statut de l'élu qu'elle a elle-même portée en tant que sénatrice (voir notre article). Adoptée par le Sénat à l'unanimité, cette loi doit "prospérer", "arriver à l'Assemblée nationale en tout début d'année". Ce que le Premier ministre doit venir confirmer en clôture du congrès jeudi. Cette loi vise à "favoriser l'engagement" des élus comme à "sécuriser la sortie du mandat", rappelle-t-elle. A deux ans des élections municipales, "ça urge", lâche la ministre.