Congrès des maires – Le ministre de l'Éducation nationale sous le feu des questions
Très attendu au Congrès des maires, Gabriel Attal a fait face à des élus soucieux de défendre leur rôle en matière d'éducation mais aussi de nouer un dialogue sur de très nombreux sujets.
Il y avait foule, mercredi 22 novembre, pour assister au forum intitulé "l’école se transforme, mais pas sans les maires", organisé dans le cadre du Congrès des maires. Foule au point que Frédéric Leturque, maire d'Arras et coprésident de la commission de l'éducation de l’Association des maires de France (AMF), a demandé, pour l'an prochain, un espace plus vaste… Si les maires étaient si nombreux, c'était pour entendre les réponses du ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal, à leurs nombreuses questions. Des questions qui balayaient un nombre impressionnant de sujets.
Sur la sécurité, Jocelyn Sapotille, maire de Lamentin, y est allé de sa phrase choc : "Avant, il y avait des incivilités à l'école, on est maintenant passé à l'insécurité." Quand certains ont déploré des fermetures de classes sans concertation, le maire de Montpellier, Michaël Delafosse, a fustigé les effets du ZAN (zéro artificialisation nette) sur la problématique inverse : les ouvertures de classes dans les territoires dynamiques démographiquement. Puis, inévitablement, le sujet de la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, un chantier de 40 milliards d'euros, n'a pas manqué de venir sur le tapis. Mais l'élu héraultais s'est empressé de préciser qu'en matière d'éducation, les collectivités faisaient "plus que du bâtimentaire". On a alors parlé périscolaire, et on s'est interrogé sur l'avenir du fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP), censé disparaître au 1er septembre 2025. Puis on a glissé vers l'accompagnement des projets pédagogiques lancés par les enseignants, qui posent, entre autres, des problèmes liés aux transports. Un autre thème s'est invité dans de nombreux témoignages, résumé par ces quelques mots de Mickaël Delafosse qui ont provoqué les premiers applaudissements de la salle : "L'école est sous pression du fait religieux."
Le poids financier de l'enseignement privé
Le public s'est encore enflammé quand il fut question du protocole signé au printemps dernier entre le ministère de l'Éducation nationale et le secrétariat général de l'Enseignement catholique. "Un accord qui nous a échappé", a regretté Frédéric Leturque. Ici, le maire de Saintes, Bruno Drapron, a d'abord pointé une "facture qui s'alourdit", allusion faite à l'abaissement, en 2019, de l'âge de l'obligation scolaire à trois ans qui a entraîné la prise en charge par les mairies de charges non compensées en faveur des écoles privées sous contrat. "C'est 100.000 euros supplémentaires chaque année", a confié l'élu charentais avant d'en venir à la faculté laissée aux mairies par le récent protocole de prendre en charge la cantine des élèves du privé les plus modestes. "Ça gratte un peu les cheveux", s'est-il emporté. Représentant de l'Enseignement catholique, son secrétaire général Philippe Delorme n'était pas en terrain conquis. Il a toutefois réussi à se faire applaudir quand il a déclaré qu'il attendait des moyens de l'État pour la prise en charge des AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap) sur le temps de la pause méridienne, une prise en charge aujourd'hui assurée par les communes pour les écoles publiques et par les parents pour l'enseignement privé.
Régulièrement, au cours des échanges, un vœu revenait comme un refrain dans la bouche des élus : il faut un dialogue fort entre les collectivités et le ministère. Tout frais sorti du conseil des ministres, visiblement désireux de débattre, Gabriel Attal est patiemment, parfois passionnément, revenu sur tous ces sujets.
Le ministre a commencé par reconnaître que "notre école est traversée par un certain nombre de maux". Pour y remédier, il a plaidé pour un retour "à l'essentiel". Comprendre la formation des citoyens – son arme face aux atteintes à la laïcité – et la transmission des connaissances – pour laquelle il annoncera début décembre des mesures en faveur du collège. Et après s'être félicité du "travail constructif" mené avec David Lisnard, président de l'AMF, il a plaidé pour une "alliance profonde entre l'Éducation nationale et les collectivités", réclamant notamment "un égal investissement au service d'un continuum", en l'occurrence, celui des différents temps de l'enfant.
AESH : un numéro d'équilibriste
Puis, revenant point par point, par le jeu des questions du public, sur les thèmes principaux, il a commencé par confirmer une projection sur trois ans des futures cartes scolaires, à travers des instances qui évalueront, avec les collectivités, les projections démographiques. Sur le volet éducatif du Conseil national de la refondation (CNR), il s'est félicité des quelque 11.000 projets financés tout en reconnaissant qu'"on peut faire mieux sur la participation des élus locaux".
Pour remédier au manque d'éducateurs périscolaires, Gabriel Attal a rappelé la baisse de la limite d'âge pour passer le Bafa (brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur) et a indiqué qu'il allait continuer dans cette voie. Il était alors temps de répondre aux inquiétudes sur le financement des AESH. "Je suis tenu par la décision du Conseil d'État", a-t-il d'abord affirmé. En décembre 2020, la Haute Assemblée jugeait en effet que seule l'intervention des AESH sur les temps scolaires devait être prise en charge par l'État. La position du ministre est alors peu compréhensible. D'une part, parce que la décision du Conseil d'État pourrait être contournée par une loi… que le ministre n'envisage visiblement pas de proposer. D'autre part, parce qu'il a annoncé qu'il était sur la question "très ouvert, y compris sur le plan financier", ajoutant qu'il envisageait des conventions au niveau local. Or, toute convention de financement d'AESH serait en contradiction avec la décision du Conseil d'État… D'où l'impression d'un numéro d'équilibriste de la part du ministre.
Un travail "plus fin" sur le fonds périscolaire
Autre "sujet sensible", dixit Gabriel Attal, le fonds de soutien aux activités périscolaires. "Je ne sais pas vous dire à quoi cela va aboutir", a-t-il assuré, après que des négociations avec les élus ont repoussé d'un an la date prévue de sa disparition. On devine cependant que son maintien en l'état n'est pas à l'ordre du jour. Le ministre a ainsi confié qu'un tiers du budget de ce fonds profitait à seulement cinq grandes villes, et qu'il entendait mener un travail "plus fin" pour, éventuellement, le maintenir au profit des seules collectivités qui en auraient encore réellement besoin.
Enfin, au chapitre de la rénovation énergétique, le ministre de l'Éducation nationale a rappelé que le Fonds vert prévoyait une enveloppe de 500 millions d'euros par an et a invité les élus à se rapprocher de leur Dasen (directeur académique des services de l'Éducation nationale) pour en profiter.
"On est au rendez-vous de nos responsabilités", a conclu Gabriel Attal, citant les 15 milliards d'euros supplémentaires du budget de son ministère depuis 2017. Soucieux d'un accompagnement financier plus soutenu et, surtout, d'un dialogue profond et constant sur tous les sujets qui les concernent, les maires ont pris acte sans pour autant partager cette position.