Congrès des maires – Éducation artistique et culturelle : Démos donne le la

Un forum du Congrès des maires consacré à l'éducation artistique et culturelle a mis en lumière le dispositif Démos, porté par la Philharmonie de Paris. À la clef : un accès de haut niveau à la musique pour des enfants éloignés des lieux de pratique.

"Je suis trop fier de moi. Ma vie a changé pour toujours." Ces mots lus par Bernard Paineau, maire de Thouars et président de la communauté de communes du Thouarsais (Deux-Sèvres), mardi 21 novembre lors du forum intitulé "l’éducation artistique et culturelle dans l’attente d’un nouveau souffle" organisé dans le cadre du Congrès des maires, ont été prononcés en avril 2023 par un enfant à l'issue d'un concert auquel rien ne le prédestinait à participer. Ce gamin "pas simple, avec des problèmes familiaux", selon l'élu, avait tenu à exprimer sa gratitude après l'aventure qu'il venait de vivre et qui trouvait alors une conclusion magistrale. Cette aventure s'appelle Démos.

Proposé par la Philharmonie de Paris, Démos est un dispositif d'éducation musicale et orchestrale à vocation sociale. Il s'adresse aux enfants de sept à douze ans issus de quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et de zones de revitalisation rurale (ZRR) éloignés des lieux de pratique. Son principe est aussi simple qu'ambitieux : confier un instrument à des enfants pendant trois ans au cours desquels, encadrés par des professionnels de la musique et du champ social, ils vont former un orchestre et suivre des ateliers à raison de 3 heures 30 par semaine en moyenne.

Financement partenarial

Quand le dispositif Démos s'est lancé sur son territoire, le maire de Thouars a repensé à sa propre enfance. Issu d'une famille modeste, il désirait jouer de la trompette mais l'instrument était trop coûteux pour ses parents. C'est alors qu'une association locale lui a prêté un trombone. Malgré son goût pour la musique, Bernard Paineau ne connaissait pas Démos. C'est grâce au réseau de son directeur de la culture que la rencontre avec la Philharmonie de Paris a été possible.

Pour monter le projet, la communauté de communes, compétente en matière culturelle, s'est appuyée sur le conservatoire intercommunal, opérateur local indispensable dans l'organisation Démos. Côté budget, confie l'élu de Thouars, "il n'y a pas d'impact financier terrible, nous avons eu la CAF comme partenaire ainsi que la Philharmonie avec quelques mécènes ainsi que le conseil départemental". Le budget prévisionnel moyen de 270.000 euros pour les trois années de fonctionnement d'un orchestre est habituellement réparti entre l'État (26%), les collectivités (41%) et des mécènes privés (33%).

Motif de dignité

Parmi les coûts de l'opération, il y a celui des instruments que les enfants pourront garder au delà de la durée du dispositif s'ils continuent leur cursus musical. "Le premier geste qui a été posé par Démos, et qui m'avait alors paru étonnant, se souvient Bernard Paineau, a été cette remise à 105 élèves de CM2 de leurs instruments de musique neufs. On s'adresse à des enfants volontaires mais qui ne seraient pas allés s'inscrire naturellement au conservatoire. C'est merveilleux. J'ai été touché par ce que j'ai vu dans les yeux des enfants et de leurs familles."

Ces derniers mots ont résonné aux oreilles de Florence Portelli, maire de Taverny (Val d'Oise) et coprésidente de la commission de la culture de l‘AMF : "En faisant du très haut niveau, qu'importe l'origine ou le niveau social, il n'y a pas un enfant qui décroche. Ça lui confère de la dignité, ça oblige à écouter l'autre et à travailler ensemble, ça lui donne l'impression d'être acteur et de réussir quelque chose, même s'il est en échec scolaire, et enfin on sait que cela développe des facultés cognitives et l'empathie."

Les conservatoires en question

Pour Florence Portelli, Démos vient compléter un ensemble : "Il est fait pour les territoires qui connaissent un vraie fracture, un manque de culture. On s'appuie souvent sur des demi-classes et on mobilise plusieurs villes pour arriver à 105 élèves, nombre qui permet de constituer un orchestre symphonique. Et ce qui est bien, c'est quand il y a des conservatoires pour prendre le relais."

Conservatoires pour lesquels l'élue du Val d'Oise réclame "une politique d'État". En effet, après s'être retiré des conservatoires en 2015, l'État y est revenu en 2016 et leur octroie aujourd'hui environ vingt millions d'euros, ce qui ne représente parfois que 1% du budget de l'établissement. De plus, tous les conservatoires ne sont pas aidés et l'État ne finance pas du tout les constructions des nouveaux équipements. "Une remise à plat complète de la politique en faveur des conservatoires doit être engagée avec les collectivités", a d'ailleurs reconnu Bertrand Munin, adjoint au délégué général à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle du ministère de la Culture. C'est à ce prix que le bel essai marqué par Démos sera définitivement transformé.