Le droit effectif des enfants aux loisirs, au sport et à la culture reste à conquérir
Le droit des enfants aux loisirs, au sport et à la culture est empêché par des freins socioéconomiques et géographiques, selon la Défenseure des droits. Pour les lever, l'école mais aussi les collectivités, à travers les temps périscolaires, sont appelées à plus d'efforts.
Alors que l'accès des enfants au repos et aux loisirs, aux activités sportives, culturelles et artistiques a été reconnu par la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France en 1990, un rapport de la Défenseure des droits, Claire Hédon, et du Défenseur des enfants, Eric Delemar, publié le 15 novembre à l'occasion de la journée internationale des Droits de l'enfant constate "que ce droit est loin d'être effectif pour de nombreux jeunes".
Considéré comme "secondaire alors qu'il est essentiel pour le bon développement physique et psychique de l'enfant, son insertion sociale et son émancipation", le droit des enfants aux loisirs bute sur des obstacles socioéconomiques et géographiques.
Niveau de vie des familles…
Au rang des obstacles socioéconomiques, on relève avant tout la question du niveau de vie des familles. En effet, "71% des enfants dont les parents disposent de bas revenus ne sont pas inscrits dans un club ou association sportive et culturelle, contre 38% des enfants issus de milieux favorisés".
Parmi les obstacles sociaux d'accès aux loisirs, le rapport souligne également les difficultés administratives : "La complexité des démarches d'inscription ou l'exigence de certains justificatifs liés à la situation de famille peuvent, en effet, conduire certaines d'entre elles à y renoncer."
… et sentiment d'illégitimité
Enfin, toujours au chapitre des freins sociaux, le rapport relève "le sentiment de ne pas disposer des codes culturels attendus" qui peut amener à "des questionnements quant à la légitimité à prendre part à certaines activités". Il en résulte que "les musées et les lieux de diffusion du spectacle vivant, notamment les théâtres, sont majoritairement fréquentés par les catégories socioprofessionnelles supérieures et, à travers elles, leurs enfants".
Afin d'amortir le coût des loisirs, "premier frein à leur accès pour tous les enfants", mais aussi pour tenter de lever les autres freins d'ordre socioéconomique, le rapport recommande de renforcer l'information et l'accompagnement des enfants des familles les plus vulnérables pour la mobilisation du pass Culture et du pass'Sport, en prévoyant notamment des procédures non dématérialisées. Il demande aussi une hausse du montant forfaitaire du pass'Sport, aujourd'hui de 50 euros, pour les familles les plus modestes. Il souhaite enfin encourager le financement des licences sportives par les collectivités territoriales et l'organisation de sorties culturelles et sportives gratuites.
Territoires éloignés…
Le rapport consacre une place à l'accès aux loisirs des enfants mal logés. Il prône des mesures d'accompagnement global intégrant les questions liées au droit des enfants aux loisirs et la hausse des moyens budgétaires des centres d'hébergement.
En second lieu, le rapport évoque des obstacles géographiques qui peuvent toucher différents types de territoires. L'enclavement de certains territoires, ruraux et ultramarins notamment, est mis en avant. "Lorsque 'tout est loin', pointe le rapport, le manque d'infrastructures de proximité, ainsi que le coût et les insuffisances de l'offre en transports en commun constituent autant de freins au quotidien à une pratique artistique ou sportive régulière et pérenne."
… et territoires pauvres
Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), c'est le manque de diversité des équipements qui restreint les enfants dans leurs choix d'activités. "Seule une minorité de quartiers prioritaires, un sur sept, permet un accès à des équipements sportifs variés en moins de quinze minutes de marche", souligne le rapport. De plus, aux inégalités dans la répartition territoriale des équipements, il faut ajouter le caractère vieillissant, voire vétuste, d'installations qui deviennent "peu attrayantes, si ce n'est dangereuses".
Pour remédier aux freins d'ordre géographique, l'État et les collectivités sont en ligne de mire. Une première proposition prône un plan de rénovation des équipements sportifs et un renforcement de l'accompagnement financier et technique des collectivités territoriales afin de favoriser la création de nouveaux équipements sportifs structurants adaptés aux enfants. Une deuxième entend développer l'accessibilité des équipements sportifs et culturels en encourageant les régions à mettre en place une politique de gratuité des transports en commun pour les moins de dix-huit ans, mais aussi à élargir l'offre de transports et à assurer leur inclusivité. Enfin, la troisième demande d'accroître le financement public des associations d'éducation populaire qui favorisent les démarches d'"aller vers" et des accompagnements sur le temps long des enfants les plus éloignés d'une pratique culturelle et sportive.
L'école en première ligne…
Le rôle central que doit jouer l'école, "principal lieu de l'effectivité du droit au sport et à la culture", est largement mis en valeur. En effet, alors que "le ministère [de l'Éducation nationale] lui-même convient que l'horaire moyen de l'enseignement d'EPS à l'école primaire est de l'ordre de 1h30" au lieu des 3 heures obligatoires, le rapport demande de "garantir l'effectivité des heures d'enseignement obligatoire de la pratique sportive à l'école primaire et [d']accroître le nombre d'heures dispensées au collège et au lycée".
En ce qui concerne l'éducation artistique et culturelle (EAC), le rapport souligne que les établissements les plus défavorisés sont les plus éloignés de l'objectif du "100% EAC à l'école" : 55% des collégiens en éducation prioritaire ont bénéficié d'au moins une action en la matière, contre 64% dans les autres établissements. Ici, le rapport préconise la présence d'un référent en EAC dans chaque établissement scolaire afin, entre autres, d'améliorer l'accompagnement des établissements scolaires dans la mobilisation de la part collective du pass Culture.
… les activités périscolaires en soutien
Complémentaires des activités scolaires, les activités périscolaires "ont connu un développement important, notamment du fait de la réforme des rythmes scolaires et la fréquentation des temps périscolaires, qui proposent aux élèves des activités de loisirs éducatifs". Toutefois, "le taux de fréquentation des accueils périscolaires diffère selon le lieu de vie et l'environnement social et familial de l'enfant". Par ailleurs, "la qualité du contenu des loisirs éducatifs proposés, leur adaptation à l'âge des enfants accueillis et les conditions de leur accueil" diffèrent selon les territoires. Le rapport affirme même que "s'ils sont de mauvaise qualité, ces temps peuvent alors devenir anxiogènes".
La recommandation du rapport prend alors des allures de synthèse : "Consacrer dans la loi l'obligation, pour les collectivités territoriales, d'établir un projet éducatif territorial [PEDT, actuellement facultatif, ndlr] pour organiser des activités périscolaires adaptées aux spécificités locales, accessibles financièrement pour les familles, permettant l'inclusion de tous les enfants et dont la qualité d'accueil garantit leur épanouissement par le recrutement de personnels dûment formés à cet effet."
Aménager les cours d'école
Au chapitre de l'aménagement des écoles cette fois, les collectivités territoriales sont encore invitées à conduire, en lien avec les élèves, un travail de réaménagement des cours de récréation pour permettre une mobilité et des usages mixtes et garantir la présence d'espaces et d'équipements adaptés à des pratiques physiques et sportives variées. Le rapport demande aussi d'adapter l'espace public à l'exercice d'activités physiques et sportives en développant un urbanisme propice aux déplacements actifs et de faciliter l'accès à pied et à vélo des enfants à l'école en développant des zones piétonnes sécurisées à proximité des établissements scolaires.
Parmi les autres recommandations du rapport – qui en compte trente –, on note la volonté de développer l'éveil culturel, artistique et moteur des tout-petits dans les Maisons des 1.000 premiers jours ou dans les lieux de loisirs, culturels et sportifs (bibliothèques, ludothèques, musées, opéras, conservatoires, piscines, gymnases, etc.), et d'assurer le financement public des associations réalisant des interventions ludiques et artistiques auprès des enfants malades et hospitalisés.