Congrès de l’Unccas – Dans un contexte international tendu, les élus craignent des coupes supplémentaires dans le champ des solidarités
La situation géopolitique "ne peut pas aboutir à ce que le champ des solidarités soit oublié ou amputé au bénéfice de cette mobilisation", a mis en avant Luc Carvounas, président de l’Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale, ce 27 mars en ouverture du congrès annuel de l’association. "Ces questions existaient déjà avant le renchérissement qui est posé par la guerre", lui a répondu la ministre Catherine Vautrin, insistant sur la nécessité de faire des choix pour préserver le modèle social mis en place après la guerre.

© @unccas/ Catherine Vautrin et Luc Carvounas
À un an des élections municipales, le 94e congrès de l’Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale (Unccas) s’est ouvert ce 27 mars 2025 à Chambéry, autour du thème "Urgence sociale, tenir jusqu’à quand ?". La traditionnelle rencontre des élus ultramarins s’était tenue la veille, trois mois après le passage du cyclone Chido à Mayotte et un mois après celui de Garance à La Réunion.
"Oui, la situation est urgente", a affirmé le président de l’Unccas, Luc Carvounas, considérant que "la précarité en France ne cesse d’augmenter", évoquant le creusement des inégalités, les enfants à la rue, la situation des familles monoparentales ou encore les personnes âgées en difficulté. "Beaucoup d’élus locaux, par-delà les obédiences partisanes, partagent sans aucun doute mon inquiétude", souligne le maire PS d’Alfortville.
Un "effet ciseau" empêchant les communes d’investir pour la prévention
Face à "la crise sociale actuelle accentuée par les tensions internationales (…), nous, le bloc communal, nous sommes le premier mètre et le dernier kilomètre", ajoute le président de l’Unccas, rendant hommage aux élus en charge de ces sujets et aux 126.000 agents territoriaux des 15.000 CCAS et CIAS (centres intercommunaux d’action sociale).
Avec 2 milliards d’euros de dotations en moins pour 2025, les collectivités sont déjà confrontées à "un effet ciseau mettant en danger notre capacité d’investissement, dont le maintien de politiques publiques efficaces notamment en matière de prévention de la pauvreté", indique l’élu. Les craintes pour la suite sont selon lui renforcées "lorsqu’on entend parler d’un gel de 9 milliards d’euros de crédits pour l’État et la sécurité sociale" et "d’une économie de guerre". Le contexte géopolitique "ne peut pas aboutir à ce que le champ des solidarités soit oublié ou amputé au bénéfice de cette mobilisation", insiste Luc Carvounas, citant le général de Gaulle qui aurait déclaré en 1942 dans des journaux clandestins "la sécurité nationale et sécurité sociale sont, pour nous, des buts impératifs et conjugués".
"Ces questions existaient déjà avant le renchérissement qui est posé par la guerre qui sévit à nos portes", lui répond la ministre des Solidarités, Catherine Vautrin, "on ne peut pas faire comme si ce modèle n’était pas aujourd’hui dans une situation compliquée". "Ne nous y trompons pas, il n’y aura pas d’argent magique", alerte également par message vidéo le président du Sénat, Gérard Larcher, mettant en perspective le poids du déficit et les insatisfactions et dysfonctionnements dont les communes et leurs CCAS seraient selon lui "les premières victimes". Selon le baromètre Ifop pour l’Unccas dévoilé ce jour, 53% des personnes interrogées se déclarent en effet insatisfaites de l’action sociale en France, le taux de satisfaction étant moins élevé parmi les personnes pauvres (45%, contre 59% parmi les personnes les plus aisées, le taux de satisfaction global étant de 47%, en hausse de six points par rapport à 2024).
"Chercher tout ce que nous pouvons supprimer pour préserver l’essentiel"
"La question que nous devons nous poser, c’est comment les Français veulent garder ce modèle social et comment nous travaillons pour le garder", poursuit Catherine Vautrin, considérant que l’État se doit d’être "exemplaire". Cela implique selon la ministre de "chercher tout ce que nous pouvons supprimer pour préserver l’essentiel", ajoutant à l’adresse des départements que la revalorisation au 1er avril des minima sociaux et notamment du revenu de solidarité active (RSA) correspond à ce qui doit être préservé puisqu’il s’agit de "l’application de la loi" (voir notre article de ce jour).
Après avoir évoqué les réformes de France travail, de la solidarité à la source ou encore "Ma prime Adapt’", la ministre des Solidarités annonce qu’elle saisira le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE) autour de "l’enjeu d’une stratégie alimentaire globale". Et promet à nouveau de présenter "rapidement" un premier bilan du Pacte des solidarités, tant sur les mesures nationales (cantines à 1 euro, Pass colo, petits déjeuners gratuits à l’école) que sur la première année de la nouvelle contractualisation avec les départements et les métropoles et des pactes locaux des solidarités. La ministre au large portefeuille rappelle enfin le calendrier de son "projet en trois phases" qu’elle est en train de préparer : l’enfance et la famille fin avril, le travail et la santé en mai et le grand âge en juin.
Nul doute que les élus scruteront de près le contenu de ces plans, en particulier concernant des compétences qui sont celles de l’État – santé, hébergement social, sécurité… - et sur lesquelles les communes et leurs CCAS sont de plus en plus mobilisés. "Les communes ont-elles vocation à faire toujours plus à la place de l’État ?" était ainsi l’intitulé de la première table-ronde de ce congrès de Chambéry.