Solidarités : l’Unccas redoute "une vague de précarité"

Mayotte, le sans-abrisme, l’aide alimentaire, le vieillissement de la population : autant de sujets abordés ce 28 janvier 2025 par le président de l’Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale (Unccas) et par la ministre des Solidarités, à l’occasion de la cérémonie des vœux de l’association. Si les réponses manquent, à ce stade, une question semble mettre d’accord l’Unccas et la ministre : comment refonder notre modèle social ? 

A l’issue d’une séance de travail avec Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Luc Carvounas, président de l’Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale (Unccas), a présenté ses vœux ce 28 janvier 2025 à Paris. "A ceux qui nous succèderont, en plus d’une dette écologique qu’ils ne pourront jamais rembourser à la planète, laisserons-nous cet héritage d’une France exsangue financièrement, où les dispositifs de solidarité ont progressivement laissé la place au système D ?", a interpelé le maire d’Alfortville (Val-de-Marne). 

Citant l’Observatoire des inégalités pour rappeler que "la pauvreté gagne du terrain en France" (voir notre article), Luc Carvounas a insisté sur "l’impérieuse nécessité de gouverner dans la durée des secteurs comme celui de l’action sociale". Les communes et leurs CCAS sont toujours plus sollicités, démontre l’Unccas dans une récente enquête (voir notre article), alors que leur situation financière, aggravée par l’instabilité gouvernementale, est parfois critique. Le président de l’Unccas appelle à mettre l’accent sur la prévention, à "endiguer le déclassement qui touche la classe moyenne, avant qu’une vague de précarité ne conduise à une submersion de notre modèle social". 

Sans-abrisme : l’Unccas demande à l’Etat de prendre ses responsabilités 

Luc Carvounas interpelle l’État sur le sans-abrisme, alors que l’Unccas a participé, dans la nuit du 23 au 24 janvier, à la nuit de la solidarité 2025 – opération mobilisant des bénévoles et des associations, organisée par la ville de Paris, la métropole du Grand Paris et l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) avec l’Unccas et une trentaine de villes, pour compter le nombre de personnes qui dorment à la rue. "Les maires, dont ce n’est pas la compétence, ouvrent désormais des places d’hébergement", insiste Luc Carvounas, qui évoque un désaccord sur les chiffres du sans-abrisme avec Jérôme d’Harcourt, délégué interministériel pour l'hébergement. 

Autres priorités pour l’Unccas : la solidarité vis-à-vis des outre-mer, avec en particulier la volonté des CCAS de prendre leur part dans l’aide d’urgence et de long terme apportée à Mayotte, mais aussi l’alimentation et le bien-vieillir. Sur ce dernier point, le président de l’association ne cache pas un certain désenchantement, n’évoquant même plus dans son discours la fameuse loi de programmation sur laquelle Elisabeth Borne alors Première ministre s’était engagée fin 2023. Le texte était encore évoqué par Catherine Vautrin début 2024 (voir notre article), avant de disparaître de l’agenda gouvernemental. L’association rappelle toutefois les niveaux de recrutements jugés nécessaires pour accompagner le vieillissement de la population : 18.500 postes en Ehpad, 19.000 dans les services à domicile. 

Pacte des solidarités : Catherine Vautrin promet un bilan pour fin mars 

Concernant le Pacte des solidarités, Luc Carvounas dit là encore sa déception, "tant au niveau des pactes locaux, que du suivi national". Catherine Vautrin promet un bilan de ce qui a été réalisé d’ici fin mars – soit au moment du Congrès de l’Unccas, qui aura lieu du 26 au 28 mars à Chambéry. "Ce bilan devait être présenté en juin dernier", souligne le président de l’Unccas devant la presse.  "Les crédits du Pacte de solidarité seront en hausse, notamment dans le cadre du programme Mieux manger pour tous", s’engage encore la ministre des Solidarités. Cette dernière défend par ailleurs le bilan des expérimentations de la réforme du revenu de solidarité active (RSA) et se montre confiante sur la capacité du nouveau réseau pour l’emploi à appréhender globalement l’ensemble des freins à l’activité (mobilité, garde d’enfants…) et à faire reculer ainsi le chômage des jeunes et des 50-60 ans.

Un "projet autour du virage démographique de la France" 

Concernant le grand âge, en l’absence d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) voté, Catherine Vautrin n’a pas encore de réponses précises à apporter aux élus. L’intention est bien de favoriser les créations de postes, avec "un soutien particulier sur les Ehpad publics territoriaux", de relancer la campagne de communication "prendre soin" (voir notre article) et de soutenir les aidants familiaux. 

"Notre modèle social basé sur la solidarité intergénérationnelle, financé par le travail, est aujourd’hui potentiellement en danger", relève toutefois la ministre, citant pêle-mêle l’évolution démographique, la faible capacité productive de la France, le "tassement des salaires", la situation des "femmes seules avec enfants" et celle des personnes âgées précaires et isolées. Sa proposition pour trouver des réponses : le lancement d’un "projet autour du virage démographique de la France", pour aborder l’ensemble des enjeux "de la naissance à la mort", en s’inspirant du "plan de cohésion sociale porté il y a 20 ans par Jean-Louis Borloo". 

"Urgence sociale : tenir jusqu’à quand ?", s’interrogera de son côté l’Unccas, lors de son prochain congrès.