Conditions de logement : du mieux, mais au prix d'un taux d'effort élevé pour les plus modestes
La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) des ministères sociaux publie, dans sa collection des "Cahiers", une étude plus de cent pages intitulée "Conditions et dépenses de logement selon le niveau de vie des ménages".
L'étude de la Drees des ministères sociaux "Conditions et dépenses de logement selon le niveau de vie des ménages" aborde successivement la question des conditions de logement, puis celle des dépenses correspondantes. Confirmant d'autres travaux du même type, elle dresse un constat d'un optimisme tempéré : celui d'une amélioration incontestable des conditions moyennes de logement mais qui se double, malgré les aides, d'un taux d'effort toujours important - et même en hausse - pour les ménages les plus modestes (ceux des deux premiers déciles, composés majoritairement d'âges extrêmes - jeunes et personnes âgées - et de personnes seules ou de familles monoparentales).
Deux tiers de locataires parmi les ménages à bas revenus
Les ménages à bas revenus sont majoritairement locataires dans le parc social (34%) ou le parc privé (31%). Le parc social accueille même la moitié des familles monoparentales. Ces ménages à bas revenus sont 29% à être propriétaires. La part des locataires s'explique certes pour partie par l'importance des jeunes dans cette catégorie.
L'étude de la Drees montre néanmoins que la part des locataires parmi les ménages à bas revenus a nettement augmenté, passant de 57% en 1996 à 60% en 2006 et 65,5% en 2013, alors que la part des locataires diminuait chez les ménages plus aisés (de 29% en 1996 à 24,6% en 2013). En termes socioprofessionnels - et quel que soit le niveau de vie -, la location dans le parc social concerne davantage les ménages ouvriers ou employés. De façon plus large - et alors que les Français plébiscitent la maison individuelle -, les ménages à bas revenus habitent de plus en plus souvent en logements collectifs. Cette évolution s'explique, pour partie, par le fait que ces ménages sont de moins en moins nombreux dans les territoires à dominante rurale, où l'habitat individuel prédomine très largement.
Une généralisation du confort de base
Sur les conditions de logement selon le niveau de vie, la Drees pointe une amélioration continue depuis plusieurs décennies, particulièrement pour le confort dit élémentaire : diminution du surpeuplement, accès à un confort sanitaire de base, généralisation du chauffage... En revanche, et malgré cette amélioration, l'écart ne se réduit pas avec les catégories plus aisées.
Si le surpeuplement des logements a globalement diminué, les ménages à bas revenus y restent malgré tout exposés. En outre, la Drees constate que la part des ménages à bas revenus vivant en situation de surpeuplement a même augmenté de 1,6 point entre 2006 et 2013 pour atteindre 20,3%, alors qu'elle a stagné pour les ménages modestes et légèrement diminué pour les plus aisés.
En matière de confort de base, l'amélioration est nette et continue depuis 1996. L'étude explique ainsi que "partant de plus loin, ce sont les ménages les plus pauvres qui ont vu leurs conditions sanitaires s'améliorer le plus et rattraper petit à petit les conditions des ménages plus aisés". En 1996, 9% des ménages à bas revenus vivaient dans un logement ne bénéficiant pas de l'ensemble du confort sanitaire de base, contre 1,8% des ménages plus aisés, soit un écart de 7,2 points. En 2013, cet écart n'est plus que de 1,4 point et seulement 1,6% des ménages à bas revenus vivent encore sans l'ensemble du confort sanitaire de base. Les ménages à bas revenus restent toutefois davantage concernés que les autres par la présence de défauts dans le logement. Ils ont également une moins bonne opinion sur la qualité de leur environnement et sur le niveau de sécurité de leur quartier.
Un taux d'effort brut jusqu'à 60% dans le parc privé...
Ces améliorations indéniables pour les ménages à bas revenus se payent d'un taux d'effort qui demeure important. La Drees relève toutefois que "les dépenses de logement (sans prise en compte des aides au logement) sont beaucoup plus liées au statut d'occupation qu'au niveau de vie des ménages. Aussi, si l'on rapporte ces dépenses au revenu de ménages, de façon à calculer un 'taux d'effort brut', ce dernier apparaît beaucoup plus élevé pour les ménages à bas revenus que pour les autres ménages, quel que soit le statut d'occupation".
Le taux d'effort brut des ménages à bas revenus monte ainsi jusqu'à 60% dans le parc privé, contre 36% pour les ménages modestes et 25% pour ceux plus aisés. Parmi les ménages à bas revenus, le taux d'effort brut agrégé s'établit, au final, à 21% pour les ménages propriétaires, 58% pour les accédants à la propriété, 45% pour les locataires du parc social et 60% pour les locataires du parc privé.
... mais réduit de moitié par les aides au logement
Les aides au logement réduisent cependant fortement le poids des dépenses correspondantes dans le budget des ménages qui en bénéficient. Ainsi, pour plus de 50% des ménages locataires (allocataires et à bas revenus), les aides au logement couvrent au moins la moitié des dépenses de logement. Mais, "pour autant, le taux d'effort 'net' des ménages à bas revenus s'établit, lui aussi, à un niveau bien supérieur à celui des autres ménages et ce, quel que soit leur statut d'occupation". Les dépenses nettes de logement des ménages à bas revenus représentent ainsi 34% de leurs revenus, contre 24% pour les ménages modestes et 16% pour ceux plus aisés. Mais, là aussi, les écarts sont importants au sein des ménages à bas revenus selon le statut d'occupation, avec un taux d'effort net agrégé de 21% pour les ménages propriétaires, 55% pour les accédants à la propriété, 28% pour les locataires du parc social et 42% pour ceux du parc privé.
Les ménages à bas revenus et les personnes vivant seules sont ainsi surreprésentés parmi les ménages présentant un taux d'effort important. Il en va de même pour les locataires du parc privé et les ménages habitant dans une unité urbaine très peuplée (conséquence d'un marché? immobilier plus tendu dans les grandes villes).
Un taux d'effort en hausse entre 2001 et 2013
Ce taux d'effort important est toutefois à situer dans un contexte qui a vu augmenter entre 2001 et 2013 - sous l'effet de la hausse des dépenses brutes de logement -, le taux d'effort net agrégé des ménages pour toutes les catégories de niveau de vie et pour tous les statuts d'occupation du logement. Dans le cas des ménages à bas revenus, s'y ajoute la baisse de la couverture de ces dépenses par les aides au logement. Parmi les ménages à bas revenus, cette couverture est passée, entre 2001 et 2013, de 42% à 38% pour les ménages locataires du parc social et de 32% à 29% pour ceux du parc privé. Conséquence : sous l'effet de la hausse des dépenses brutes de logement, les ménages à bas revenus ont connu une forte hausse de leur taux d'effort net entre 2001 et 2013 : de 8% à 9% pour les ménages propriétaires, de 23% à 27% pour les accédants, de 20% à 24% pour les locataires du parc social et de 24% à 28% pour ceux du parc privé.