Compétences : la délégation aux entreprises du Sénat tire la sonnette d’alarme
La délégation aux entreprises du Sénat a adopté le 29 juin dernier un rapport d'information sur le thème : "Former pour aujourd'hui et pour demain : les compétences, enjeu de croissance et de société". La DAE, qui n'en est pas à son coup d'essai, alerte une nouvelle fois sur les difficultés de recrutement rencontrées par les entreprises.
Après une série d'auditions menée depuis le début de l'année et ponctuée en juin dernier par l'intervention de Carole Grandjean, la mission d'information pilotée par Martine Berthet, sénatrice (LR) de Savoie, Florence Blatrix Contat, sénatrice (PS) de l'Ain et le sénateur du Finistère Michel Canévet (Union centriste), a publié fin juin un rapport d'information qui recommande, notamment, de veiller à l'adéquation des formations avec les besoins réels des entreprises.
La liste des métiers en tension s'allonge
En préambule, les parlementaires rappellent que "les tensions de recrutement déclarées par les entreprises ont atteint de nouveaux sommets" en 2022 comme sur les premiers mois de 2023. Au total, 67% des entreprises disent rencontrer des difficultés pour pourvoir les postes disponibles, et ce sur l'ensemble du territoire national tant "la pénurie de compétence est désormais généralisée". Le rapport souligne qu'en 2015, une cinquantaine de métiers étaient considérés en tension ; quatre ans plus tard en 2019, ils étaient près de 120, soit une augmentation de +138%.
Les rapporteurs font ainsi le constat d'une difficulté pour les entreprises à mettre en relation compétences et emploi, ce qui est "source de fragilité économique". Un phénomène d'autant plus incompréhensible que le taux de chômage reste élevé en France en comparaison de ce que l'on peut observer dans d'autres pays de l'OCDE. Avec 7% de taux de chômage, "on est bien loin du plein emploi !" dans un pays qui se caractérise en outre par un nombre de jeunes n'étant ni en études, ni en formation, ni en emploi, proche de 13%.
Grandes transitions, nouveaux besoins
Face à ce constat, les rapporteurs appellent à un sursaut. "Les grandes transitions qui s'annoncent entraîneront de nouveaux besoins et verront apparaître de nouveaux métiers pour transformer la crise actuelle en opportunité." Si l'on ajoute à cela "l'aspiration des Français à une vie professionnelle plus diversifiée", faite de mobilité professionnelle et de nouveaux modes d'organisation du travail, "le potentiel de la reconversion et de la transition professionnelles est énorme". Au-delà, la prise de conscience de l'importance de la réindustrialisation, de la souveraineté sanitaire ou agricole, doivent permettre de "redorer le blason de métiers qui souffrent aujourd'hui d'un fort déficit d'image".
Voilà tout l'enjeu de la trentaine de propositions contenue dans le rapport de mission de la DAE dont le premier chantier est incontestablement celui de l'attractivité. Et tout se joue dès l'école, jugent les sénateurs qui proposent de faire de la connaissance des métiers un objectif à part entière de l'enseignement dès le collège, via un temps dédié en classe de cinquième et de seconde avec en prolongement la création de plateforme régionales de "Bourses aux stages". L'amélioration de l'information des familles et la formation des enseignants est également pointée par le rapport. Viennent ensuite, par ordre de priorité, la formation professionnelle et l'alternance avec un objectif : juguler les transitions démographique, numérique et environnementale. Les rapporteurs rappellent qu'en 2035 la France comptera un tiers de plus de 60 ans et que la population active diminuera dès 2040 ; le numérique devrait quant à lui absorber près de 27% des besoins en emploi sur la période 2022-2030 ; et les métiers de la transition environnementale pourraient générer près de 130.000 emplois d'ici 2030.
Un suivi plus méthodique des jeunes sortant de la voie professionnelle
Sur la question de l'apprentissage, elle préconise le maintien de l'aide exceptionnelle reconduite en 2023 tout en appelant la puissance publique à se garder de la tentation d'une augmentation des prélèvements des entreprises. Et sur la revalorisation de la voie professionnelle, les sénateurs pointent la nécessité d'améliorer la qualité de l'orientation en amont, le développement des dispositifs de spécialisation ("coloration", "formation complémentaire d'initiative locale"), ou encore l'enjeu du rapprochement des lycées professionnels des entreprises ainsi qu'un suivi plus méthodique des jeunes sortant de la voie professionnelle pour favoriser leur intégration sur le marché de l'emploi.
Enfin, la mission d'information de la DAE souligne l'importance "d'investir dans la formation continue pour tous et dans les transitions professionnelles" pour assurer l'accès à la formation des publics les plus éloignés de l'emploi. Les sénateurs proposent ainsi plusieurs pistes dont le renforcement de l'accompagnement par le service public de l'emploi, la simplification des dispositifs et le règlement de la question des "creux" de prise en charge, ou encore mettre l'accent sur les formations aux compétences de base et savoir-être.