Carole Grandjean défend l’action de l’Etat pour valoriser la voie professionnelle
La délégation sénatoriale aux entreprises a ponctué jeudi 1er juin les travaux engagés en février dernier par la mission d’information consacrée au thème de la formation, des compétences et de l’attractivité, en auditionnant la ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnelle, Carole Grandjean.
Son président Serge Babary l’a rappelé d’emblée, la délégation sénatoriale aux entreprises "avait déjà tiré la sonnette d’alarme en 2020" face à "l’enjeu de société" que représentaient alors les difficultés de recrutement des entreprises. Un phénomène que la crise sanitaire, avec son lot de nouveaux questionnements sur l’organisation du travail et l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, a renforcé ces deux dernières années et sur lequel les sénateurs attendent des éclaircissements sur l’action de l’Etat.
"Le marché du travail évolue et le système de formation doit refléter ces mutations économiques, numériques ou encore démographiques ainsi que les aspirations des citoyens à prendre le contrôle de leur avenir professionnel", constate la ministre déléguée en charge de l’Enseignement et de la Formation professionnelle, Carole Grandjean. Tout l’enjeu consistant à faire mieux coïncider l’offre de formation avec les besoins réels des entreprises, à travers, notamment "des formations plus agiles et plus accessibles".
L’Etat consacre 9,4 milliards d’euros par an aux lycées professionnels
Le premier chantier pointé par la ministre concerne le renforcement de la capacité d’insertion professionnelle de la voie professionnelle. Un sujet qui touche à la réforme des lycées professionnels qui accueillent actuellement un tiers de lycéens français, soit environ 621.000 élèves par an auxquels s’ajoutent 64.000 apprentis. "Nous devons accompagner davantage ces élèves qui sont souvent en échec scolaire", constate Carole Grandjean qui souligne que moins de la moitié d’entre eux accède à un emploi dans les six mois qui suivent l’obtention de leur diplôme. Alors même que 10 des 15 métiers les plus en tension "sont accessibles par la voie professionnelle !". Carole Grandjean rappelle que l’Etat consacre 9,4 milliards d’euros par an aux lycées professionnels, soit un effort d’1 milliard d'euros supplémentaire qui doit permettre de recruter "plus de CPE, d’infirmiers ou encore d’assistants sociaux". Sans oublier les 2,5 milliards d'euros mobilisés dans le cadre de France 2030 à travers un appel à manifestation d’intérêt (AMI) fléché vers le renouvellement des plateaux techniques ou "l’Etat intervient en cofinancement au côté des régions", ou bien encore vers la formation des enseignants.
Quant à la question de l’apprentissage, la ministre rappelle les chiffres : de 280.000 en 2017, les effectifs sont passés à 840.000 en 2022 "avec l’objectif d’atteindre 1 million d’apprentis par an d’ici la fin du quinquennat". Un objectif également qualitatif, insiste Carole Grandjean qui évoque "les travaux engagés sur la carte des formations", tout en rappelant le prolongement de l’aide au recrutement des apprentis jusqu’à la fin du quinquennat.
Des propositions émanant de France compétences attendues pour l’été
Également stratégique, dixit la ministre, le travail sur le contenu des formations passera nécessairement par une révision des certifications professionnelles : "Car il n’y a pas de formation de qualité si les objectifs ne sont pas définis de manière précise." En matière de cyber-sécurité ou d’accompagnement du grand-âge, par exemple, "il est essentiel que les contenus s’adaptent aux évolutions sociétales ainsi qu’au marché du travail". Dans ces conditions la ministre propose de mandater France compétences pour dresser un état des lieux en la matière et faire des propositions d’ici l’été afin de s’assurer que les certifications évoluent "au même rythme que les métiers eux-mêmes".
Pérenniser un CPF victime de son succès
Enfin, sur le terrain des compétences, Carole Grandjean insiste sur le succès du compte personnel de formation "désormais connu de tous les Français" et dont près de 2 millions d’entre eux l’ont utilisé en 2022 contre 600.000 en 2019. La ministre qui reconnaît malgré tout que l’effet conjugué du démarchage abusif, de la fraude et du recours à des formations loisirs "entachent le bilan global" du dispositif et rend d’autant plus nécessaire "une action de régulation afin d’assurer sa pérennité". La ministre rappelle également les objectifs de triplement d’ici la fin du quinquennat du nombre de bénéficiaires de la validation des acquis de l’expérience (VAE). Un dispositif qui permet "de fluidifier les parcours des actifs" mais dont seulement 10% de ceux qui s’y engagent vont au bout de la démarche, "soit deux fois moins qu’il y a vingt ans", relève Carole Grandjean. Parmi les pistes, elle évoque une expérimentation de "VAE inversée" fondée sur l’acquisition d’expérience en cours de parcours qui pourrait être une réponse de court terme sur des métiers en tension. Même constat s’agissant du dispositif de transition professionnelle qui ne concerne chaque année qu’à peine 0,3% des salariés du privé. "Il y a de quoi s’interroger", d’autant plus "qu’un jeune qui démarre aujourd’hui changera entre 13 et 15 fois de métier dans son parcours professionnel".
En résumé, "sur ces questions-là, nous ne sommes pas à la hauteur des enjeux !", reconnaît la ministre qui milite pour une "clarification et une simplification de ces dispositifs, voire en supprimer certains".