Comment faire des cours d'école imperméables et asphaltées des espaces plus verts et plus vivants ?

Face à l'urgence climatique et aux nouveaux besoins pédagogiques, les cours d'école se réinventent en France. De Libourne à Dunkerque, en passant par Avignon, ces espaces scolaires longtemps asphaltés et imperméabilisés deviennent peu à peu des espaces verts. De là à ce que ces cours vertes soient généralisées d'ici 2030 ? C'est bien ce que souhaite la Fabrique de la cité qui vient de publier une note à ce sujet. 

Pendant des décennies, les cours d'école françaises ont été synonymes de bitume, trop souvent préemptées par les garçons pour jouer au foot. Mais face à l'urgence climatique et à l'éloignement croissant des enfants de la nature, certaines collectivités locales ont vu dans les cours d'école le lieu du changement ; ces espaces pouvant jouer un rôle d'éducation à la biodiversité tout en participant à la réduction des îlots de chaleur urbains 

À travers une note publiée mi-janvier 2025 par la Fabrique de la cité, et en se basant sur des retours d'expériences menées à Dunkerque (Nord), Libourne (Gironde), Colomiers (Haute-Garonne), Guéret (Creuse) et Avignon (Vaucluse), le think tank d'intérêt général qui travaille sur les transitions urbaines cherche à démontrer l'intérêt et les nombreux bénéfices à repenser l'aménagement des cours d'école vers plus de végétation et de sols naturels. Avant lui, le Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement) avait également étudié le dossier du réaménagement des cours et abords des écoles, évoquant les "cours oasis" et détaillant l'exemple parisien (voir notre article du 15 décembre 2022).  
Pour la Fabrique de la cité, en tout cas, les arguments se trouvent autant sur le plan climatique et environnemental que sur les plans pédagogique et social.

Réduction du stress, meilleure santé mentale

Une étude espagnole suivant des élèves barcelonais, citée dans le rapport, a démontré que l'aménagement d'espaces extérieurs végétalisés avait un impact positif sur la capacité de mémorisation, l'attention et la motricité des enfants. Ces espaces, en offrant un contact régulier avec la nature, contribuent aussi à la réduction du stress et à une meilleure santé mentale. 
Avec seulement un tiers de la population française vivant en milieu rural (Insee, 2021), la chance de pouvoir être en contact avec le vivant est réduite, d'autant plus pour les populations modestes, lorsque la ville est l'unique lieu de vie et les vacances au vert ne sont pas une option. Or, pour Marc-André Selosse, microbiologiste, écologue et professeur au Muséum national d'histoire naturelle, également cité dans la note (1), savoir lire, écrire et compter sont certes des fondamentaux, mais il faudrait aussi "comprendre ce qu'implique d'être vivant, et comment cela interpénètre tous nos actes. […] Il est fondamental de savoir vivre dans un monde vivant".

Des expériences concrètes dans les villes moyennes

Les initiatives de plusieurs villes moyennes sont décrites dans la note. Libourne, en Gironde, est un exemple emblématique. La cour de l'école Gisèle-Halimi, livrée en 2020, a été transformée grâce à une démarche participative impliquant enseignants, parents et élèves. Des arbres, un revêtement perméable et des équipements modulables ont été installés pour créer un véritable îlot de fraîcheur. Cette rénovation a permis de réduire la température au sol de six degrés lors des fortes chaleurs.
À Colomiers, près de Toulouse, la cour de l'école Jules-Ferry a été végétalisée dans le cadre d'un projet global visant à améliorer la gestion des eaux pluviales et à promouvoir la vie de quartier. Une partie de la cour est maintenant ouverte aux habitants en dehors des horaires scolaires, offrant un lieu de convivialité et de détente. 
Avignon s'est engagée dans un vaste projet de réaménagement intégrant les cours d'école dans une coulée verte urbaine. Ces espaces scolaires deviennent des prolongements naturels des parcs et voies vertes, favorisant une cohésion entre école et ville. 
Dunkerque, enfin, a mis en place des "cours d'école buissonnières", conçues pour accueillir des classes en plein air. Ces espaces permettent aux enseignants de déployer des pédagogies innovantes tout en réduisant les effets de la chaleur en été.

Les freins : coûts, sécurité...

La note fait aussi le point sur les différents facteurs qui freinent encore aujourd'hui le développement de ces aménagements : les coûts d'investissement et d'entretien, la méfiance des parents d'élèves et des enseignants sur les questions de sécurité et de surveillance, le risque que cet engouement conduise à une forme de standardisation de la végétalisation ou encore les potentiels conflits d'usage que cela pourrait générer : "peut-on encore y pratiquer les cours d'éducation physique et sportive ?" figurent parmi les interrogations récurrentes. 
Pour répondre à ces enjeux, des solutions sont esquissées : la concertation avec les acteurs locaux, la formation des équipes pédagogiques et l'implication des élèves sont autant de leviers qui permettent de gagner en acceptabilité et donc de favoriser la réussite de ces projets.

Généralisation des cours végétalisées à horizon 2030 ? 

La note rappelle enfin que le rapport d'information sur l'adaptation de l'école aux enjeux climatiques des députées Graziella Melchior et Francesca Pasquani, déposé en décembre 2023, proposait de lancer un plan de transformation des cours de récréation du premier et du second degré en cours végétalisées. Ce rapport proposait de fixer un objectif à horizon 2030 de végétalisation de l'ensemble des cours des écoles, collèges et lycées, comme celle du programme Oasis à Paris. 
Au-delà de leur rôle pédagogique, ces espaces reconfigurés pourraient bel et bien s'imposer comme des réponses concrètes aux défis climatiques et sociaux de nos villes. Les cours d’école végétalisées symboliseraient une évolution majeure dans la manière de concevoir l'espace public et traduirait "l'importance que l'on souhaite consacrer au bien-être et au développement des jeunes générations dans l'espace urbain". Ce retour de la nature au sein des écoles permettrait de changer le quotidien des élèves tout en offrant des îles de fraîcheur à la collectivité. Une révolution qui, espérons-le, continuera à fleurir.

(1) Selosse, M.-A. (2023). "Comprendre qu’on est vivant, enfin…" Pour la science