Quand la conception de cours oasis et abords des écoles s'appuient sur la concertation
Tour à tour les communes de Sotteville-lès-Rouen, par le biais du Cerema, et de Paris viennent de publier leurs méthodes pour rénover et requalifier les cours et abords de leurs écoles. Leurs approches sont sensiblement identiques : pour développer le bien-être des enfants et préparer la transition climatique, elles s'en sont remises à une large concertation.
"Bien-être, santé et développement des enfants, préservation de la biodiversité, gestion des eaux pluviales, adaptation au changement climatique, sensibilisation à l’environnement, etc." Tels sont les enjeux identifiés par le Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement) à l'heure de penser le réaménagement des cours et abords des écoles. Dans un dossier récemment publié, le centre s'appuie sur son partenariat avec la commune de Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime) pour donner sa méthode.
Peu auparavant, la ville de Paris, engagée depuis plusieurs années dans une réflexion autour de l'évolution des cours de recréation (lire notre article du 17 décembre 2019) produisait également un dossier très complet sur les "cours oasis" (qui prennent en charge la gestion de l’eau de pluie, créent des zones ombragées, multiplient les matières naturelles et imaginent de nouveaux usages) avec des objectifs qui recoupent ceux du Cerema : "Créer des espaces rafraîchis, plus agréables à vivre au quotidien et mieux partagés par tous." Pour en arriver là, la ville a posé un constat : représentant plus de 70 hectares de surface répartis de manière homogène sur le territoire communal, les cours des écoles et des collèges sont encore principalement asphaltés et imperméables, et, à ce titre, "participent massivement à l’effet d’îlot de chaleur urbain". Autre point noir : elles sont fermées au public le week-end, alors même que Paris manque d’espaces de convivialité, rafraîchis et accessibles à tous. Il n'en fallait pas moins pour faire de ces cours "des leviers importants" capables d'affronter le "risque" climatique.
Diagnostic participatif
À Sotteville-lès-Rouen, la réflexion s'étend au-delà des cours, jusqu'aux abords des écoles où la ville souhaite limiter la circulation automobile et développer des mobilités actives afin de "favoriser le partage des usages et contribuer à en faire des espaces de rencontre et de vivre-ensemble". Pour cela, la commune normande possède un atout : son école-pilote est située à côté d'un espace arboré et dispose d'une grande surface non imperméabilisée. D'où l'idée de décliner une "trame verte et bleue".
Côté méthode, Sotteville-lès-Rouen fait participer ses habitants à l'élaboration du programme d'action en faveur de la transition écologique. "La quasi-totalité de l’étude est fondée sur la participation et la coconstruction autour du projet, avec un public varié", précise le Cerema. Ce travail participatif est conséquent : la réflexion sur les cours d’école et leurs abords s'inscrit dans le cadre d'un groupe de travail dédié, lui-même émanation du conseil de l'éducation de la commune qui réunit des acteurs éducatifs volontaires (parents, enseignants, associations, agents et élus municipaux, délégués départementaux de l'Éducation nationale). Ce groupe de travail va réaliser une vingtaine d'ateliers sur l’ensemble du projet. Autre particularité : le travail mené sur une école en particulier doit permettre de dégager des orientations reproductibles sur les autres écoles, autrement dit, de définir un référentiel pour concevoir et aménager les cours de demain à l’échelle de toute la ville… et même au-delà. Car comme le souligne le Cerema : "La méthodologie définie pour cette étude est adaptable à d'autres contextes, sur l'ensemble du territoire français."
Dans le détail, le Cerema a d'abord réalisé un diagnostic de la cour d'école sous les aspects bioclimatiques, écoulements, circulation des eaux pluviales, sols et revêtements, et usages. Et quand les ateliers de concertation ont eu lieu, ce sont les enfants qui ont, en premier, donné leur vision. Celle-ci a ensuite été transmise aux ateliers des adultes qui ont formulé des recommandations pour orienter les propositions de réaménagement. In fine, les enjeux ont été synthétisés autour de trois axes : adaptation au changement climatique, gestion des eaux pluviales et meilleure répartition des usages dans la cour.
Conflits d'usage
En ce qui concerne les abords de l'école, l'étude pilotée par le Cerema a mis en évidence que l'usage du parvis de l'établissement était un vrai "point de conflit", les riverains le jugeant "trop ouvert et trop accessible" tandis que les parents estimaient que cet espace "pourrait être plus agréable". Les premiers aménagements ont permis des améliorations rapides de voirie : chicanes, ralentisseurs, suppression de stationnement, ainsi que la pose de panneaux de signalisation et marquage au sol (animation, bande cyclable...).
À Paris, la méthode s'est révélée assez proche. Dans dix établissements (quatre écoles maternelles, quatre écoles élémentaires et deux collèges), les élèves, notamment lors des temps périscolaires, puis les équipes pédagogiques ont travaillé à la définition des besoins et imaginé la rénovation de leurs cours. Entre chaque atelier, le CAUE (Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement de Paris) faisait le lien avec les services de la ville pour vérifier la faisabilité technique des propositions. Car pour cette dernière l'enjeu était également politique. La transformation des cours en cours oasis découle en effet de la stratégie de résilience adoptée en conseil municipal dès 2017 et s'inscrit dans un schéma directeur travaillé entre les services municipaux de l'éducation et les mairies d'arrondissements.
Des cours oasis moins accidentogènes
Une fois les premiers projets achevés, la communauté éducative a de nouveau été mobilisée. Parmi les personnels impliqués figuraient les agents municipaux – personnels d'entretien ou d'animation – qui ont reçu une formation une fois les nouvelles cours mises en service. En effet, le changement s'avérait important car on passait de cours minérales à des espaces en relief, fait de petites niches. Autant de modifications qui ont eu des répercussions tant sur l'entretien de l'espace – par exemple le réassort de copeaux de bois sur les zones concernées – que sur la surveillance – en ce qui concerne le jeu libre et la communication bienveillante.
Les premières cours oasis parisiennes ont été réalisées dès 2020 avant que d'autres projets ne soient lancés. Une situation qui a permis un premier retour d'expérience. À ce titre, la gestion du risque que suppose le jeu libre des enfants dans un espace revisité est apparue comme une préoccupation nouvelle pour la municipalité, qui s'interroge aujourd'hui sur la pertinence d'une formation des équipes d'animation avant la réalisation d'une cour oasis pour faciliter son appropriation, et cela même si les premiers retours font état d'un nombre d'accidents moins important que dans les cours classiques.
Par ailleurs, le Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP) de Sciences Po, associé à l'évaluation du projet, a mis en avant des évolutions de comportements et d’usages à la suite des nouveaux aménagements : une mixité plus importante dans les jeux en maternelle et élémentaire, une baisse du nombre de conflits et des interactions avec la nature accrues. Enfin, en ce qui concerne l'ouverture des cours aux habitants du quartier le week-end, les premières observations montrent une bonne fréquentation et un début d’appropriation.