Collectivités et transitions écologique et énergétique : comment bien investir ?
Lors d’une rencontre organisée par Intercommunalités de France et la Banque des Territoires ce 20 juin, l’attention des collectivités a notamment été attirée sur la nécessité d’investir sur de longues durées, pour ne pas obérer leurs capacités d’investissement. Avec d’autant moins d’appréhension que ces investissements bénéficieront pour partie aux générations futures.
"Intracting. Comment un maire peut-il savoir ce que cela veut dire ? Donnons une autre appellation", suggérait la sénatrice Monique de Marco (EELV, Nouvelle-Aquitaine) lors de l’audition, le 7 juin dernier, de la ministre Dominique Faure au Palais du Luxembourg (voir notre article du 8 juin). "Efficacité énergétique autofinancée", propose Julie Hosdez, DGA de la communauté d’agglomération d’Épinal, ce 20 juin, lors d’un séminaire co-organisé par Intercommunalités de France et la Banque des Territoires (BdT) sur les moyens à la disposition des collectivités locales pour investir dans la transformation écologique et énergétique. C’est en tout cas la dénomination qu’elle avait retenue pour présenter ce dispositif financier à "ses" élus – qui l’ont depuis adopté. Concrètement, il s’agit d’un outil de financement mis en place – en interne (voir notre article du 6 avril) ou notamment par la BdT – pour réaliser des travaux de performance énergétique générant rapidement des économies d’énergie, lesquelles sont affectées au remboursement des avances consenties.
L’Intracting, pour amorcer la pompe
Mais qu’importe l’étiquette, pourvu qu’on ait l’ivresse, semblent penser les élus locaux. Sébastien Illouz, responsable du pôle Efficacité énergétique des bâtiments à la BdT, souligne en effet que ce dispositif connaît un réel succès auprès de ces derniers. Pour preuve, 91 projets en ont bénéficié l’an passé, représentant 292 millions d’euros de financements (dont 200 millions pour le seul éclairage public). Avec des résultats conséquents : 512.000 points d’éclairage publics remplacés, 1,14 million de m2 de bâtiments publics rénovés, et une économie d’énergie annuelle de 221 GWh, soit la consommation d’environ 46.000 foyers. "C’est un produit d’appel à l’action", enseigne l’expert.
L'intracting de la Banque des Territoires
Une solution de financement innovante.
Le contrat de performance énergétique à paiement différé expérimenté
Le principe fait des petits, comme en témoigne l’expérimentation lancée pour 5 ans du contrat de performance énergétique à paiement différé, dans le cadre des marchés globaux de performance. Introduit par la loi du 30 mars dernier sur le tiers financement, il fait sauter le verrou de l’interdiction de recourir au paiement différé dans la commande publique, en permettant de rembourser les investissements au fur et à mesure des économies d’énergie couvertes par la garantie de performance énergétique. Et ce, sans transfert de la maîtrise d’ouvrage de l’opération au co-contractant (voir notre article du 31 mars). "Là encore, la mutualisation des opérations de rénovation est possible", précise Sébastien Illouz.
Frein psychologique ?
Des échanges, il ressort une nouvelle fois que les aides ne manquent pas – y compris en matière d’ingénierie. Pour Laurent Trogrlic, président de la communauté du bassin de Pompey, le foisonnement serait d’ailleurs tel "qu’il est un peu compliqué de s’y retrouver". Et de prendre l’exemple de la rénovation des friches, pour laquelle "il existe plusieurs fonds et il n’est pas toujours simple de trouver le bon". " Au bout du compte, le principal est d’obtenir la subvention", conclut-il néanmoins.
Le frein serait davantage psychologique, avec la réticence des élus locaux à endetter leur collectivité (voir notre article du 6 février). Leur réticence est par ailleurs d’autant plus grande que, souligne Laurent Trogrlic, "si nous pouvons prévoir les dépenses, nous aimerions disposer de la même stabilité et lisibilité à long terme pour nos recettes". Pierre Laurent, de la direction des prêts de la BdT, s’est pour autant employé à démontrer la pertinence de "lisser la contribution financière" dans le temps, en tenant notamment compte de l’usage que les générations futures auront d’un bien : "Financer sur 10 ans un réseau d’eau, dont la durée de vie peut atteindre 100 ans, revient à faire porter l’investissement sur une seule génération, alors qu’il profitera à plusieurs", met-il ainsi en perspective. Il souligne également l’importance "d’adosser l’amortissement technique à l’amortissement financier, pour préserver les capacités d’investissements de la collectivité pour d’autres projets". Et donc d’opter quand c’est opportun pour des financements à très long terme, d’autant qu’ils sont "accessibles à toutes les collectivités", y compris les plus "petites". Plaidant pour sa paroisse, il rappelle en effet que la politique de tarification de la BdT ne tient pas "à la qualité du crédit et à la durée", comme dans les autres établissements, "mais est fonction des caractéristiques sociales et environnementales du projet. Plus l’ambition est forte, plus faible est le taux".
Le Fonds vert, révélateur des besoins et des projets des collectivités
Cette nécessité de ne pas obérer d’emblée ses capacités d’investissements avec un seul projet est d’autant plus grande que, compte tenu de "l’importance des enjeux, il y a pléthore de projets", insiste Laurent Trogrlic. Ne serait-ce qu’avec "les rattrapages à faire, comme les réseaux d’eau, ou le renforcement des obligations, par exemple avec le décret tertiaire", égrène-t-il. Le succès du Fonds vert – autre outil à disposition des collectivités – en apporte la preuve, estime Sylvie Escande-Vilbois, responsable de la mission performance à la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature, chargée de la gestion du fonds (voir notre article du 8 juin). "Le Fonds vert est un révélateur des besoins et de tous les projets conduits par les collectivités", observe-t-elle, en mettant en avant les 13.000 dossiers de demandes déjà déposés, représentant "environ 4,3 milliards d’aides demandées" – plus du double des 2 milliards prévus – "pour 18,1 milliards de dépenses" (une croissance exponentielle – voir notre article du 29 mars). Et de relever que les deux tiers de ces dossiers ont été déposés par des communes de moins de 10.000 habitants, et le quart par des communes de moins de 1.000 habitants. Pour l’heure, 2.800 dossiers auraient été acceptés, et 3.000 seraient en cours d’instruction.