Réussir la rénovation de l’éclairage public : de la méthode avant toute chose
La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) a récemment consacré un webinaire à la rénovation de l’éclairage public. Un chantier susceptible de générer, assez rapidement, d’importantes économies de fonctionnement, mais qui nécessite de la méthode et ne saurait se limiter à un simple changement d’ampoule.
"40% des dépenses énergétiques de toutes les communes de France, c’est l’éclairage public. 15% des 30 millions de lampadaires sont au led, estimation haute", indiquait le ministre de la Transition écologique le 2 février dernier à l’Assemblée nationale (voir notre article). Christophe Béchu soulignait alors l’importance du gisement d’économies d’énergie possible "sur un truc simple, extrêmement facile à modéliser, sans aucune prise de risque technique et avec des prix de l’énergie qui réduisent les délais de retour sur investissement. Voilà typiquement un sujet où l’on devrait être capable d’opérer en peu de temps un virage spectaculaire". Le propos est à nuancer : selon l’Ademe, les 11 millions de points lumineux qui constituent le parc d’éclairage public français représentent 41% des consommations d’électricité des collectivités, et 17% de leurs dépenses énergétiques. Pour autant, le gisement est indéniable : "Les avantages de la led ne sont plus à démontrer", indique Guillaume Le Bris, de la FNCCR. L’association avait d’ailleurs naguère milité pour que ce potentiel soit davantage pris en considération dans le plan de relance (voir notre article du 27 avril 2021). Dans un webinaire qu’elle a organisé ce 29 mars, elle s’est néanmoins employée à montrer qu’il ne s’agit pas "simplement de remplacer une ampoule par une autre. L’objectif est d’éclairer au bon endroit, au bon moment et de la bonne manière".
Audits patrimonial et énergétique
Déplorant le manque de connaissance générale du patrimoine, l’association a insisté sur la nécessité de conduire différents audits avant de s’atteler à la rénovation du réseau, en tenant compte des spécificités de chaque territoire (et au sein de ce dernier). Doivent ainsi être conduits :
- un audit patrimonial : "la constitution d’une base de données fiable et pertinente, c’est la clef de voûte d’une rénovation réussie", insiste Guillaume Le Bris. Doivent y figurer a minima pour chaque point lumineux, sa localisation, son type de source, sa puissance et le rattachement à l’armoire de commande l’alimentant, et idéalement un indicateur de vétusté. Les armoires elles-mêmes ne doivent pas être omises, en indiquant notamment leur type de commande et le nombre d’heures de fonctionnement. Le tout devra être intégré dans un logiciel SIG-GMAO, et permettra d’estimer la consommation annuelle, en tenant compte du nombre d’heures de fonctionnement ;
- un audit énergétique : l’objectif est de confronter consommations théorique et réelle, en vérifiant notamment que toutes les armoires sont bien rattachées à un point de livraison, "pour éviter le risque de refacturation rétroactive des consommations sur 4 ans". L’analyse doit permettre d’identifier les armoires les plus consommatrices, d’alerter sur les incohérences, d’adapter les puissances souscrites, et le cas échéant de décider du bienfondé de l’armoire. Voire de corriger d’éventuels oublis de transfert.
Des études complémentaires
Si ces audits permettent déjà d’établir un programme de rénovation, la FNCCR préconise de conduire également :
- une étude de la conformité du réseau aux normes électriques. "Elle n’est pas source d’économies, mais néanmoins indispensable, le maire devant assurer la sécurité des personnes et des biens", souligne Guillaume Le Bris. Elle semble d’autant plus nécessaire quand on sait que 40% des installations auraient plus de 25 ans ;
- une étude sur les modes d’éclairage, en "hiérarchisant les voies" (voies structurantes, secondaires, résidentielles, piétonnes, en centre-ville, dans des zones d’activité…), sectorisant les espaces (en tenant compte du patrimoine architectural), sans omettre de prendre en compte les aménagements à venir. En fonction des secteurs, devront être décidés la temporalité de l’éclairage (extinction en cœur de nuit, gradation, détection de présence), la photométrie (classe d’éclairage, degré de température, indice de rendu…), le matériel (implantation, hauteur de feu, type de mobilier)… ;
- une étude environnementale, prenant en compte l’impact de l’éclairage sur la biodiversité et l’adaptant en fonction des trames noire, verte et bleue, des parcs et espaces verts, des réservoirs de biodiversité et corridors écologiques, des voies arborées… ;
- une étude sociétale – via des sondages, des réunions publiques – afin d’identifier les attentes des administrés (degré d’acceptabilité d’une extinction totale par exemple, ou à l’inverse sentiment d’un manque d’éclairage, etc.), mais aussi les lieux de vie nocturne, les zones sensibles, les zones accidentogènes, ou encore les "ambiances nocturnes" dégagées par le patrimoine existant.
Ne devra également pas être omise une réflexion sur le mode de pilotage et de supervision souhaité : doit-on intervenir à distance sur une partie de l’installation, à quelle échelle (point lumineux ou point de livraison), avec quelle technique (notamment fonction de la couverture réseaux du territoire), qui pourra intervenir ? Faut-il opter pour un réseau opéré ou l’exploiter directement (avec les conséquences sur la formation des agents) ? De même convient-il de tenir compte des services que l’on souhaite ou non intégrer : vidéoprotection, sonorisation, infrastructure de recharge de véhicule électrique…
Si la prise en compte de l’ensemble de ces paramètres doit conduire à la mise en œuvre de solutions différenciées, la FNCCR attire l’attention sur les risques et coûts que ferait peser une trop grande disparité des dispositifs sur leur maintenance.
SDAL et PPI
L’ensemble de ces études devra idéalement être intégré dans un schéma directeur d’aménagement lumière (SDAL) et donner lieu à un programme pluriannuel d’investissement (PPI), ciblant zones et points lumineux à rénover en priorité, en fonction des besoins, des autres travaux prévus (effacement des réseaux), du degré de vétusté et du caractère plus ou moins énergivore des éléments, du retour sur investissement ou encore… des contraintes légales ! Nombre de collectivités comptent toujours un nombre substantiel de lampes à vapeur de mercure, interdites depuis 2015, et tous les points lumineux ne respectent pas les contraintes fixées par l’arrêté "nuisances" du 27 décembre 2018 (voir notre article du 7 janvier 2019). Sans oublier les ressources disponibles, l’ensemble restant coûteux (voir notre article du 4 novembre 2021).
Plusieurs sources de financement
Les sources de financement sont toutefois nombreuses. Charité bien ordonnée commençant par soi-même, la FNCCR met notamment en avant le programme de certificats d'économies d'énergie (CEE) Lum’Acte qu’elle porte (voir notre article du 17 février 2022), qui permet notamment de financer les études (80% des demandes), l’achat de l’outil de GMAO ou encore l’assistance à maîtrise d’ouvrage/d’œuvre. Afin de favoriser "une gestion la plus globale et mutualisée possible", comme le recommande la Cour des comptes (voir notre article du 19 mars 2021), la FNCCR souligne que le taux d’aide varie en fonction du nombre de points de lumineux concernés.
Le fonds vert peut également être sollicité et il l’est déjà fortement (voir notre article du 3 avril).
Autre solution mise en avant par la FNCCR, le dispositif d’Intracting – financement des travaux par les économies générées – mis en place par la Banque des territoires. "Les délais de retour sur investissements étant très courts, les contrats oscillent entre 7 à 12 ans", est-il précisé. D’autres ressources peuvent encore être sollicitées, comme les CEE, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), le fonds d’amortissement des charges d’électrification (FACÉ), la redevance de concession, la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) ou encore les éventuelles aides départementales ou régionales.