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Collectivités en charge de l'eau et de l'assainissement : l’intercommunalité à pas de tortue 

Outre des données sur le prix du service de l'eau, le taux d'impayés, le rendement moyen ou les pertes dues aux fuites, le huitième rapport de l’observatoire sur les services publics d’eau et d’assainissement diffusé le 4 octobre par l’Agence française pour la biodiversité (AFB) donne à voir la lenteur du transfert de l’exercice des compétences à l’échelon intercommunal.

Le cap fixé par la loi Notr est-il réaliste ? Parviendra-t-on à passer, d'ici sept ans, de 21.500 autorités organisatrices des services de l’eau et de l’assainissement recensées en 2016 à 2.500 entités en 2026 comme l'a fixé cette loi ? Et d'ailleurs, où en est l’intercommunalité des compétences ? Autant de questions auxquelles répond la dernière livraison de l’observatoire sur les services publics d’eau et d’assainissement.

Diffusé le 4 octobre par l’Agence française pour la biodiversité (AFB), ce panorama utile aux élus pour préparer leur rapport annuel sur le prix et la qualité des services s'appuie sur des données de 2016 et tient compte des évolutions organisationnelles initiées par la loi Notr. Ces données, majoritairement produites par les services chargés de tout ou partie des compétences liées à l'alimentation en eau, à l'assainissement collectif ou à l'assainissement non collectif - c'est même une obligation pour les collectivités de plus de 3.500 habitants - alimentent une base nationale. Mais pour la première fois, le taux de remplissage du dispositif est "en régression d’environ 2% pour le nombre de services hormis pour l'assainissement non collectif (ANC), où il progresse de 1%". L'échantillon a été constitué à partir des données disponibles dans la base en mai 2018. Soit "6.203 services d'eau potable, 6.319 services d’assainissement collectif et 1.500 services d’ANC" couvrant respectivement environ les trois quarts de la population.

Complexité organisationnelle 

L'étude d'un tel volume de données permet de dégager une "approche globale de la structuration des collectivités organisatrices". Premier constat, celui d'une situation qui reste "complexe, avec 21.488 collectivités gérant 32.508 services chargés de tout ou partie de ces trois compétences". Certains départements (Yvelines, Essonne, Mayotte pour l'ANC) sont en dehors des radars (aucun jeu de données exploitables)... Parmi ces 21.488 autorités organisatrices, deux tiers sont chargées d'une seule des trois compétences. Une minorité (5%) dispose des trois compétences. L'observatoire recense plus de collectivités compétentes en assainissement collectif que celles compétentes en eau potable. Les services d'ANC, eux, sont "relativement regroupés, essentiellement au sein des communautés de communes". En outre, une fois sur quatre, les services évoqués sont gérés en délégation de service public, surtout pour l'eau potable (58% des usagers) et l'assainissement collectif (40%).

Les collectivités organisatrices sont majoritairement des communes, surtout pour l'assainissement collectif, et des syndicats intercommunaux à vocation unique (Sivu) pour l'eau potable. C'est dans l'ANC que l’intercommunalité est la plus avancée, avec près de 50% d’EPCI. Plus inquiétant, "environ 9.800 communes ne sont pas équipées d’un système d'assainissement collectif, et donc ni raccordées à un réseau ni à une station d’épuration publique". "Par ailleurs, 3.200 communes ne sont pas encore rattachées à un service d'assainissement non collectif (Spanc) dans le référentiel de l'observatoire". De là à dire que des communes n’exercent pas le contrôle exigé par la loi sur l’eau, il n'y a qu'un pas, que l'AFB franchit avec une certaine prudence, évoquant par ailleurs d'autres raisons. 

Fortes variations régionales 

L'observatoire présente également des données de contexte, de prix, de performance et de qualité du service rendu par les services des collectivités. Côté prix, on y apprend par exemple que le prix global moyen de l'eau TTC au 1er janvier 2017, sur la base d’une consommation annuelle de 120 m3, se stabilise autour de 4 euros/m3 en se décomposant ainsi : une moitié pour l'eau potable, l'autre pour l'assainissement collectif. Soit une facture de 483 euros par an (40 euros/mois). C'est dans les collectivités "de taille intermédiaire, entre 1.000 et 50.000 habitants", que les tarifs plus élevés sont observés. Les usagers de Provence-Alpes-Côte d’Azur, de La Réunion et de la Corse paient le plus du fait de "consommations parmi les plus élevées", et "ce malgré une tarification inférieure à la moyenne". Les factures sont plus maîtrisées dans les régions Hauts-de-France, Bretagne et Normandie, voire faibles dans le Grand Est (419 euros/an), "à l’opposé de la Guadeloupe qui détient la facture la plus élevée (686 euros/an)". Le taux d'impayés pour les factures d'eau potable et d'assainissement progresse. Et la part des dépenses d'eau dans les ménages – elle est en moyenne de 1% - varie du simple au double en fonction des régions (0,9% à 1,8%).

La commune, modèle dominant

L'observatoire nourrit un pertinent suivi des démarches de transfert, régulièrement détricotées puis retricotées (voire notre dernier décryptage du projet de loi Lecornu dans l'édition du 4 octobre), des compétences communales vers le niveau intercommunal initiées par la loi Notr. Pour ce faire, des indicateurs spécifiques ont été construits dont un taux de gestion intercommunale, lequel cerne la proportion de communes ayant transféré toutes leurs compétences eau et assainissement. Ce rapport révèle qu'en eau potable ou en assainissement collectif, la commune reste "le modèle majoritaire en tant que collectivité organisatrice". Mais que ce taux de gestion intercommunale "présente une évolution positive en continu, sa progression s’accélère [même si] dans la réalité, il n’est pas possible de prédire l’évolution de cette progression, année après année, à l’échelle de cette décennie : elle dépendra des décisions politiques locales de regroupement".