Clôture des assises de l'eau : des mesures ciblent les collectivités
Le ministre de la Transition écologique, François de Rugy, et la secrétaire d'État Emmanuelle Wargon ont dévoilé ce 1er juillet les conclusions du second volet des assises de l'eau consacré au grand cycle de l’eau et à l’adaptation des territoires au dérèglement climatique. Plusieurs mesures annoncées visent à donner davantage de moyens aux collectivités pour tirer parti d'outils existants ou en expérimenter de nouveaux.
Le ministère de la Transition écologique et solidaire a clôturé ce 1er juillet le second volet des assises de l’eau. Entamé en novembre dernier, celui-ci a donné lieu à quatre réunions d'un comité de pilotage composé notamment de représentants de collectivités, à une consultation en ligne, et à trois groupes de travail thématiques et deux transversaux. "Il en ressort une vingtaine de mesures pour faire face au dérèglement climatique qui affecte nos ressources en eau", résume ce ministère. Plusieurs d'entre elles intéressent directement les collectivités. Cette séquence de restitution fut loin d'être consensuelle. Elle a été boudée par les associations environnementales, pourtant aux manettes de l'un des groupes de travail : France Nature Environnement a pointé des désaccords, "des oublis complets" sur la répartition du financement de la politique de l'eau ou la cartographie des cours d'eau, et des mesures pour la restauration écologique trop floues et imprécises.
Captages d’eau : plus qu'une nouveauté, un retard à rattraper
Pour préserver la ressource en eau et faire évoluer les pratiques agricoles, les élus locaux s'activent déjà sur le terrain et ont engagé, pour un grand nombre d'entre eux, un dialogue fertile avec les exploitants présents sur les champs de captage. L’un des principaux outils à leur disposition, pour assurer la sécurité sanitaire de l’eau potable distribuée, est la mise en place de périmètres de protection autour de ces points de captage. Problème, dont le ministère semble enfin mesurer l'ampleur, leur bilan reste mitigé. Un rattrapage est donc à l'ordre du jour en repartant de la liste des 1.000 captages prioritaires dits "Grenelle", particulièrement touchés par les pollutions diffuses, qui avait été établie à l'époque avec en ligne de mire le bon état des masses d’eau imposé par la directive européenne cadre sur l’eau (DCE). Seuls 500 d'entre eux disposent d’un plan d’action. Ces assises contribuent en quelque sorte à relancer la machine : les 500 autres auront un plan d’action d’ici la fin 2021, fixe le ministère.
Expérimenter avec plus de fluidité
Dans certaines régions agricoles, un outil plus tout jeune a en outre fait ses preuves : "En Bourgogne-Franche-Comté, les mesures agroenvironnementales (Maec), ce contrat volontaire passé entre pouvoirs publics et agriculteurs pour toucher une aide en contrepartie d’engagements environnementaux, fonctionnent bien", nous confie Christophe Lime, adjoint au maire en charge de l'eau à Besançon (Doubs). Le temps de leur généralisation est-il venu ? Le ministère reste prudent mais souhaite que des engagements soient pris avec la profession agricole "sur au moins 350 captages prioritaires d’ici 2022". Autre outil à expérimenter "dès 2020 sur vingt territoires", le paiement pour services environnementaux, à tester notamment "sur des zones de captage pour rémunérer les pratiques agricoles qui protègent les ressources en eau". L’expérimentation devrait bénéficier à 2.000 à 3.000 agriculteurs. Ces démarches de protection, accompagnées par les préfets, seront soutenues par les agences de l’eau à hauteur de 150 millions d'euros.
Agir sur le foncier et l'urbanisme
Sans plus de précision, l'instauration d'un droit de préemption "ouvert aux collectivités sur les terres agricoles situées sur ses zones de captages" est évoquée. Une priorité à la vente serait donnée à la collectivité lorsque le propriétaire cède son terrain. Une meilleure prise en compte des enjeux de protection de la ressource en eau est aussi prévue à travers des conventions mises en place avec les Safer.
Pour restaurer les rivières, un plan national de revitalisation est avancé d’ici 2022 et les procédures administratives simplifiées. Pour renforcer l’utilisation de solutions "fondées sur la nature, qui s’appuient sur la préservation et la restauration d’écosystèmes en bon état pour répondre à un enjeu de société", un pôle d’animation va être créé d'ici deux ans autour du futur Office français de la biodiversité.
"Là où des enjeux de gestion de l’eau ont été identifiés", l'idée est par ailleurs de généraliser d’ici 2025 les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) et d'ouvrir leur gouvernance aux acteurs de l’urbanisme. Mais aussi de mieux intégrer ces enjeux liés à l'eau dans les documents de planification en urbanisme (Scot, PLU) et dans les documents de référence de la séquence dite ERC, pour "éviter, réduire, compenser". Le zonage pluvial, "principal outil réglementaire dont disposent les communes pour définir, les règles qu’il convient de respecter en matière de gestion des eaux pluviales", doit aussi se développer. Et les schémas directeurs de gestion de ces eaux se généraliser d’ici 2026.
Réveiller la Reuse
Autre enjeu sur lequel le gouvernement veut rattraper le retard pris, la réutilisation des eaux non conventionnelles (eaux usées traitées, eaux de pluie, eaux d’exhaure et eaux grises). Véritable serpent de mer du secteur, l’utilisation d’alternatives à l’eau potable et plus particulièrement le recours au recyclage d’eaux usées (Reuse), qui est possible pour arroser des golfs et espaces verts, mais pas pour d'autres usages, est naturellement ressorti comme une priorité à l'issue de ces assises. Là aussi, des collectivités ont pris les devants et ont bravé les obstacles réglementaires et l’obsession sanitaire, avec à la clé une économie non négligeable sur leur consommation annuelle d’eau potable. Le gouvernement leur donne raison et propose d’assouplir à nouveau la réglementation pour encourager la Reuse, là où cela est déjà permis, et d'explorer de nouveaux usages dans le cadre d'une mission à mener avec le ministère de la Santé. Objectif chiffré avancé, "tripler les volumes d’eaux non conventionnelles réutilisées d’ici 2025 en facilitant leurs usages".
Activer le levier tarifaire
Comme l'ont demandé les collectivités, des dispositions tarifaires sont également envisagées en vue d'inciter aux économies d’eau. Tarification en fonction de la consommation mais aussi des saisons, création d’une catégorie d’usagers "résidences secondaires" : ces dispositifs dits de tarification incitative seront élargis et promus. Une surtaxation estivale, illustre le ministère, qui permettrait par exemple de financer une tarification sociale de l’eau mise en place pour les foyers les plus démunis, laquelle relève à ce stade de l'expérimentation (dans 50 collectivités volontaires) mais devrait être généralisée étant donné les "retours assez positifs". Une autre piste d'économie d’eau envisagée concerne la construction de bâtiments neufs. Pour ce faire, la future réglementation environnementale en préparation pour les bâtiments neufs intégrerait une exigence en matière d'économie d'eau.
Enfin, côté financement, il ressort de cette seconde phase des assises la nette intention de "mobiliser davantage les crédits européens disponibles pour les porteurs de projet, notamment les fonds structurels d’investissement européens". L'Aquaprêt, cet outil financier de la Banque des Territoires, imaginé à l’issue de la première phase de ces assises pour s'adresser en premier lieu aux services d’eau potable et d’assainissement, va aussi être étendu à des projets de restauration des cours d’eau et de milieux humides.