Halls d'immeubles - Christine Boutin et Fadela Amara condamnent vigoureusement le "boîtier anti-jeunes"
Dans leur édition du 2 avril, les quotidiens Aujourd'hui en France et Libération révèlent une affaire qui rappelle étrangement celle des produits répulsifs anti-SDF de l'été dernier. Selon ces journaux, une cinquantaine de bailleurs sociaux et de syndics auraient déjà fait l'acquisition d'un produit destiné à éloigner les adolescents de certains lieux de rassemblement comme les halls d'immeubles ou les cages d'escalier. En vente en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas depuis deux ans, ce produit serait en cours de commercialisation en France à un prix de l'ordre de 850 euros. Répondant au nom de "Mosquito" (moustique) et rebaptisé Beethoven en France (une délicate allusion à la surdité du compositeur), il consiste en un boîtier électronique émettant des ultrasons audibles uniquement par les jeunes. L'appareil auditif perd en effet une partie de ses capacités dans les fréquences extrêmes dès l'âge adulte. Le distributeur a jusqu'à présent diffusé son boîtier surtout dans le Sud-Est, où est implantée la société. Mais il indique que "les ventes sont en plein essor" et que "de gros bailleurs sociaux y réfléchissent". Plusieurs communes auraient également déjà contacté la société distributrice, mais hésiteraient devant les possibles réactions de l'opinion.
Si un tel dispositif n'est pas à proprement parler illégal, il n'en soulève pas moins de nombreuses questions. La première concerne la santé : en fonction du réglage du son, notamment au-delà de 95 décibels, on ne peut exclure que l'appareil présente un danger pour l'audition, mais aussi pour les femmes enceintes. Le ministre belge de la Jeunesse vient d'ailleurs de faire part de son intention de saisir par écrit tous les ministres européens de la Santé en vue d'obtenir une interdiction de ce produit. Mais la principale question est sans aucun doute d'ordre moral et sociétal. En cela, le "boîtier anti-jeunes" rappelle beaucoup l'affaire des produits répulsifs nauséabonds utilisés au mois d'août 2007 par la mairie d'Argenteuil (Val-d'Oise) afin de déloger les SDF de certains lieux. Une polémique publique s'était alors installée durant plusieurs jours. Cette fois-ci, Christine Boutin et Fadela Amara - qui avaient toutes deux pris position contre l'arrêt finalement retiré par la ville d'Argenteuil - ont décidé de couper court. Dans un communiqué commun, la ministre du Logement et la secrétaire d'Etat chargée de la Politique de la ville affirment qu'"une société qui invente 'la machine à chasser le jeune' se trompe de chemin". Dénonçant une approche qui réduit "à des solutions mécaniques la résolution de problèmes de relations entre personnes et voisins", elles estiment que "les questions de voisinage et de relations entre les générations doivent pouvoir être traitées par des moyens humains". Elles rappellent également que "notre société dispose de suffisamment de moyens de médiation et de dialogue au travers des élus, des associations, des maisons pour les jeunes, des éducateurs et des forces de police de terrain pour pouvoir résoudre les problèmes de simple voisinage ou de bruit autrement que par des boîtiers à ultrasons".
Jean-Noël Escudié / PCA