Chartes encadrant l'usage de pesticides : les concertations peuvent reprendre
Ce 12 mai, un représentant du ministère de l'Agriculture a indiqué lors d'une audience de référé au Conseil d'État portant sur l'épandage des pesticides qu'avec le déconfinement, plus rien ne s'opposait à la reprise des concertations sur les projets de chartes d’engagements des utilisateurs, déjà entamées dans un quart des départements.
Elle n'est pas loin, la dernière fois où les textes fixant les règles d'épandage des pesticides ont atterri au Conseil d'État. En février dernier, le juge des référés y a rejeté le recours du collectif des maires anti-pesticides et d'ONG qui demandait la suspension du décret et de l’arrêté interministériel retenant des distances minimales de sécurité de 5, 10 et 20 mètres pour la protection des riverains en matière d’épandage de produits phytosanitaires (voir notre article du 14 février dernier).
Décision attendue dans les prochains jours
Une seconde manche a été engagée ce 12 mai avec le début de l'examen de nouveaux recours portés par plusieurs associations dont Générations futures et le Collectif des maires antipesticides. La décision du Conseil d’Etat est attendue dans les prochains jours. Les requérants demandent notamment de suspendre l'exécution de l’instruction de février dernier (voir notre article du 12 février dernier). Cette instruction technique invite les préfets à une mise en oeuvre rapide du nouveau dispositif de protection des riverains, en particulier via l’élaboration de chartes locales. Ces chartes constituant un élément socle du dispositif mis en place par la loi Egalim de 2018. Elles permettent aussi de réduire les distances de sécurité de l’arrêté interministériel, à la condition d’avoir recours à des moyens de réduction de la dérive de pulvérisation
Dès février, le Collectif des maires anti-pesticides s'est montré sceptique sur la qualité des concertations menées sur ces projets de charte, une étape pourtant "essentielle", insistait l'instruction, pour "renforcer la compréhension mutuelle et satisfaire les attentes respectives des agriculteurs et des riverains". Mais compte-tenu de la difficulté à organiser des concertations publiques dans le contexte de la crise du Covid-19, le ministère de l'Agriculture a coupé court le 30 mars en rappelant que les utilisateurs engagés dans un projet de charte pouvaient, dans l'attente de la complète approbation de celle-ci, appliquer "à titre individuel des réductions de distance" prévues dans un arrêté de décembre dernier. Les promoteurs en informent dans ce cas le préfet qui en accuse réception.
Questions sur le cadre dérogatoire
Un tel cadre dérogatoire n'est pas sans poser de questions. Ce 12 mai au Conseil d'Etat, le juge de référés a ainsi demandé des précisions sur ce mécanisme des chartes et s'est interrogé sur le rôle, passif dans ce cas, du préfet ainsi que sur ce que signifie et comment se matérialise l'expression "utilisateurs engagés dans un projet de charte". Le ministère se défend de déroger via cette instruction aux textes (décret et arrêtés) de décembre dernier. Selon son représentant, ces derniers subordonnaient clairement la réduction des distances minimales de sécurité applicables à la réalisation d'une charte approuvée. L'instruction de février ne ferait qu'assouplir cette condition formelle. Le ministère a aussi indiqué qu'à ce stade un quart des départements ont formellement engagé la concertation sur leur projet de charte. La moitié des départements en sont au stade du projet de concertation. Enfin, dans le contexte actuel de déconfinement, il a indiqué que le motif de difficulté à organiser des concertations publiques n'était plus valable, "il n'y a plus de dérogations qui valent, les concertations peuvent reprendre".