Charges de service public de l'énergie : la CRE anticipe un retour au niveau d'avant-crise en 2025

Pour l'an prochain, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) évalue les charges de service public de l’énergie (CSPE)  à 8,9 milliards d'euros, soit un retour au niveau d’avant la crise énergétique. Près d’un tiers du soutien de l'État devrait aller à l’éolien en mer et au biométhane injecté et le photovoltaïque représentera environ la moitié de l'appui aux énergies renouvelables. Les charges prévisionnelles dans les zones non interconnectées (ZNI) seront en hausse, notamment pour financer un projet exceptionnel en Corse.

Un montant de 8,9 milliards d'euros : c'est ce que devraient représenter les charges de service public de l'énergie (CSPE) l'an prochain, selon les évaluations de la Commission de l'énergie (CRE) établies ce 24 juillet. "Compte-tenu de la fin progressive des mécanismes exceptionnels de protection des consommateurs et de la baisse des prix de l’électricité sur les marchés de gros, les montants des CSPE pour 2025 reviennent progressivement aux niveaux d’avant-crise (8,4 milliards d'euros en 2020)", indique le "gendarme de l'énergie" dans un communiqué. 

Ses estimations sont principalement fondées sur les charges prévisionnelles au titre de 2025 (9,5 milliards d'euros), diminuées du complément de prix Arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique) recouvré en 2024 par EDF et qui revient au budget de l’État, conformément aux dispositions de la loi de finances pour 2024.

Nouvelle évaluation pour 2024

Le retour progressif à la normale a conduit la CRE à fortement réévaluer à la hausse les charges pour 2024, qui s'élèvent à 4,2 milliards d'euros, en augmentation de 3,55 milliards d'euros par rapport à la première évaluation faite en 2023 (0,65 milliard d'euros). Une révision qu'elle explique par deux évolutions opposées : "la hausse des charges liées au soutien aux énergies renouvelables en métropole continentale du fait de la baisse des prix de gros de l’énergie après la crise énergétique (+5,9 milliards d'euros)" et "la baisse des charges liées aux boucliers tarifaires et aux amortisseurs au titre de 2023 (-3,4 milliards d'euros), majoritairement due à la baisse des volumes déclarés, notamment du fait de l’application des limites de compensation prévues dans la loi de finances pour 2023 et, dans une moindre mesure, à la baisse des prix".

Boucliers énergétiques : un coût net de 20,4 milliards d'euros

La CRE a effectué un premier bilan du coût des boucliers énergétiques mis en place par l'État pour modérer l'impact de la flambée des prix sur la facture d'électricité et de gaz. Ce coût a couvert le plafonnement des prix du gaz et de l'électricité pour les particuliers et très petites entreprises abonnés au tarif réglementé, ainsi que l'amortisseur proposé au cas par cas aux entreprises, dans le contexte de la flambée des prix alimentée par la reprise post-Covid et la guerre en Ukraine. Il concerne les années 2021-2024, mais surtout 2022 et 2023. D'autres mesures avaient également été mises en place à l'époque - chèque énergie, indemnité carburant... La Cour des comptes a ainsi estimé que l'État devrait acquitter 36 milliards d'euros nets entre 2021 et 2024 au titre des multiples dispositifs de soutien aux consommateurs (lire notre article).

Sur les 26,3 milliards d'euros de coût brut recensé par la CRE, 21,5 milliards ont été consacrés à l'électricité, 4,8 milliards au gaz. Mais en 2022-2023, les énergies renouvelables (EnR) ont aussi rapporté 5,9 milliards d'euros à l'État, souligne l'autorité indépendante. Ainsi, le coût net des boucliers énergétiques a été de 20,4 milliards d'euros. Les charges constatées au titre de 2023 relatives au bouclier électricité et à l’amortisseur s’élèvent à 21,1 milliards d'euros, et sur le bouclier gaz à 1,3 milliard d'euros, soit 22,4 milliards d'euros, en baisse de 3,4 milliards d'euros par rapport à l’évaluation de charges prévisionnelles réalisée en 2023, détaille la CRE. Ces 3,4 milliards d'euros, déjà versés aux fournisseurs au titre de 2023, seront remboursés et reviendront au budget de l'État, précise-t-elle. Quant aux charges prévisionnelles du dispositif d’amortisseur au titre de 2024, elles s’élèvent à 0,4 milliard d'euros.

Soutien aux EnR : autour de 6 milliards d'euros en 2025

Le soutien aux EnR électriques et gazières en métropole continentale demeure encore inférieur au niveau d’avant-crise, relève en outre la CRE. Il devrait selon elle retrouver ce niveau dès l'an prochain, autour de 6 milliards d'euros. Alors qu’en 2020 environ deux tiers du soutien étaient engendrés par les filières éolienne terrestre et photovoltaïque, en 2025, près d’un tiers du soutien devrait aller à l’éolien en mer et au biométhane injecté. Le photovoltaïque devrait représenter environ la moitié du soutien de l’État aux énergies renouvelables.

"Dans un contexte de retour progressif des prix de l’électricité sur les marchés de gros aux niveaux observés pré-crise et d’accélération du déploiement des énergies renouvelables nécessaires à l’atteinte des objectifs climatiques, les énergies renouvelables électriques devraient de nouveau représenter des charges pour l’État en 2024 et 2025, à hauteur respectivement de 2,5 milliards d'euros et 4,3 milliards d'euros", note encore la CRE.

La filière éolienne terrestre de son côté apparaît particulièrement peu coûteuse pour l’État, constate-t-elle. Après 2023 où elle a contribué pour 3,4 milliards d'euros au budget de l’État, elle constitue toujours une recette au titre de 2024, à hauteur de 0,3 milliard d'euros. Par ailleurs, au titre de 2025, elle ne représente que 5% des charges prévisionnelles liées au soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole continentale, alors qu’elle produit la moitié des volumes soutenus.

Biométhane injecté : une filière en avance sur ses objectifs

Les CSPE soutiennent également la décarbonation du gaz par le développement du biométhane. "Cette filière est en avance sur les objectifs de la PPE [programmation pluriannuelle de l'énergie] en vigueur et montre son dynamisme, souligne la CRE. Ainsi, le développement important de la filière biométhane injecté prévu sur les prochaines années (+28% de volumes prévus en 2024 et +17% prévus en 2025) entraîne une hausse du soutien de l’État." Les CSPE pour le soutien au biométhane injecté sont évaluées à 1,1 milliard d'euros en 2024 (+0,3 milliard d'euros) et 1,2 milliard d'euros en 2025.

Hausse du soutien à la transition énergétique dans les ZNI

Enfin, le coût du soutien à la transition énergétique dans les zones non interconnectées (ZNI) augmentera en 2025, affirme la CRE. Relativement stables depuis 2022, les charges liées au soutien dans les ZNI s’établissent, au titre de 2024, à 2,4 milliards d'euros, dont 1,2 milliard d'euros pour les charges liées au soutien à la transition énergétique dans ces territoires. "Dans les ZNI, les CSPE financent par exemple la conversion des centrales à charbon et au fioul, à l'image de la centrale du Moule en Guadeloupe, dernière centrale à charbon d’outre-mer qui sera convertie à la biomasse d'ici 2025", illustre la CRE.

Les charges prévisionnelles au titre de 2025 vont être orientées à la hausse, pour s’établir à 3 milliards d'euros (+574,8 millions d'euros), prévoit-elle, "principalement en raison de la baisse des tarifs réglementés de vente de l’électricité anticipée par les opérateurs qui entraîne un plus fort soutien de l’État en vertu de la péréquation en place dans les ZNI" et de "la hausse des coûts exposés pour le projet de renouvellement et de renforcement de la liaison SACOI visant à assurer la sécurité d’alimentation du système électrique Corse (+211,9 millions d'euros)."