Développement de la filière biogaz : une série de textes réglementaires au Journal officiel

Après la publication, il y a tout juste un an, du cadre réglementaire de soutien au biogaz, deux nouveaux décrets concernant la filière sont parus au Journal officiel ces 6 et 7 juillet. Le premier cible plus particulièrement les collectivités territoriales et leurs groupements et précise les modalités du droit de préemption leur permettant de bénéficier à titre gratuit de tout ou partie des garanties d’origine d’une installation située sur leur territoire. Le deuxième, qui vient compléter le cadre juridique afférent au dispositif des certificats de production de biogaz, vise à favoriser la production de biogaz injecté dans les réseaux de gaz naturel.

Un premier décret (n°2024-681), paru le 6 juillet, précise les conditions et modalités d'application du droit de préemption des collectivités territoriales et de leurs groupements - introduit à l’article L.446-22 du code de l’énergie et à présent détaillé au sein d'un nouvel article D.446-38-1- leur permettant de bénéficier à titre gratuit de tout ou partie des garanties d’origine de biogaz d’une installation située sur leur territoire, et ce afin d’attester l’origine locale et renouvelable de leur propre consommation de gaz. Il développe par ailleurs - au sein d’un nouvel article D.446-38-2 - les modalités de l’achat préférentiel des producteurs sous contrat d'obligation d’achat. 

- Droit de préemption des collectivités. Si les communes, leurs groupements ou métropoles souhaitent user de leur droit de préemption sur les garanties d’origine en amont des enchères, ils doivent en premier lieu détenir un compte sur le registre des garanties d’origine de biogaz. Le décret précise au passage que les collectivités peuvent confier à un mandataire la mise en oeuvre de leur droit de préemption. Elles peuvent ensuite exprimer leur souhait d’acquérir des garanties d’origine à l’organisme en charge du registre national "au plus tard dix jours ouvrés" avant l’ouverture de l’enchère et doivent indiquer le volume de garanties et la période de production couverte, dans la limite du volume de la production des installations implantées sur leur territoire et de leur propre consommation de gaz naturel sur la même période. La consommation de gaz naturel des communes, groupements de communes ou métropoles, est définie comme "la consommation finale de ladite commune, du groupement de communes ou de la métropole".

Le texte dispose que les conditions générales de la mise aux enchères mentionnées à l'article D.446-37 peuvent prévoir : des frais d’accès à la plateforme, ainsi que des frais de gestion à la charge de la collectivité ; une limitation du volume des garanties d’origine pouvant lui être cédées (pouvant être exprimée en pourcentage de la production mensuelle des installations implantées sur leur territoire) ; les conditions dans lesquelles elles sont allouées dans le cas où à la fois la commune, le groupement de communes et la métropole usent de leur droit de préemption. Le décret impose également (de la même manière que pour les garanties d’origine portant sur de la production d’électricité) que les garanties d’origine ainsi préemptées, puis transférées à la collectivité soient immédiatement annulées (c’est-à-dire utilisées) sans que ces dernières puissent les valoriser sur un marché secondaire. Le texte prévoit aussi l’articulation du droit de préemption des collectivités avec le régime du mécanisme d’échange de quotas d’émissions de l’Union européenne. Notons enfin, que les garanties d’origine ayant fait l’objet d’un achat préférentiel par les producteurs ne peuvent pas être acquises par les collectivités ou leurs groupements. 

Le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) qui s’est prononcé par un avis du 7 mars 2024 a émis un vote favorable. Les membres élus ont toutefois émis quelques réserves au regard de la complexité administrative du mécanisme pour les collectivités et leurs groupements. Pour les représentants du bloc communal, certaines collectivités "notamment de petite taille, ne disposent pas toujours des ressources internes suffisantes pour engager les démarches nécessaires". 

Un deuxième décret (n°2024-718) - accompagné d’un arrêté - publié ce 7 juillet, s’attèle quant à lui au dispositif des certificats de production de biogaz (CPB), très attendus par la filière, et qui permettront d'apporter un complément de revenu aux projets.

- Certificats de production de biogaz. Le texte fait suite à un précédent décret (n° 2022-640 du 25 avril 2022) qui a déjà permis de préciser une partie des modalités d’application du dispositif introduit par la loi Climat et Résilience (art.95). Ce nouveau texte doit permettre de "finaliser" les points nécessaires à sa mise en œuvre en définissant, en particulier, le niveau de l’obligation de restitution de CPB et l’assiette des consommations de gaz naturel assujetties (à savoir résidentielles et tertiaires). L’assiette d’obligation comprend également la consommation de gaz naturel des réseaux de chaleur, ce qui a un impact sur les collectivités concernées par la création et l’exploitation des installations. Un point sur lequel  les membres élus représentant le bloc communal au sein du CNEN se sont montrés très réservés (voir l'avis du 4 avril 2024) pointant notamment "le risque d’augmentation du coût de l’énergie distribuée par ces réseaux". 

Le dispositif de CPB vise à favoriser la production de biogaz injecté dans les réseaux de gaz naturel. Malgré leur dénomination, les CPB sont donc relatifs à du biométhane au sens de l’article R.446-1 du code de l’énergie (c’est-à-dire du biogaz dont les caractéristiques permettent son injection dans un réseau de gaz naturel). Les installations de production de biogaz à partir d’autres procédés que la méthanisation sont, par définition, non concernées par le dispositif. Celui-ci impose aux fournisseurs de gaz naturel une obligation de restitution à l'Etat de certificats. Les fournisseurs de gaz naturel peuvent s’acquitter de cette obligation soit en produisant eux-mêmes du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel, soit en acquérant des certificats auprès de producteurs de biométhane. Les producteurs bénéficiaires du dispositif peuvent commercialiser séparément la molécule de biométhane produite et les certificats. Ces producteurs pourront ainsi à la fois disposer du revenu de la vente physique du biogaz et du revenu associé à la commercialisation des CPB. Il va de soi, comme le souligne la notice du texte, que le dispositif "est exclusif de soutien via un contrat d'obligation d’achat". 

Le niveau annuel de l’obligation de restitution est fixé par le décret sur la période 2026-2028. Ces niveaux d’obligation ont fait l’objet d’une baisse par rapport à la version antérieure soumise à consultation publique. Le nombre de CPB délivrés par unité de production injectée peut être modulé à la baisse en tenant compte des coûts de production sous-jacents des installations. L’arrêté, publié concomitamment, a pour objet de préciser les coefficients de modulation retenus. Pour les installations de production de biométhane par méthanisation en digesteur de produits ou déchets non dangereux, l’unique critère retenu porte sur l’ancienneté de l’installation. Le coefficient de modulation est ainsi fixé à 0,8 CPB/MWh PCS de biométhane produit et injecté pour les installations pour lesquelles la date de mise en service est supérieure à 15 ans. Pour les autres installations le coefficient demeure fixé à 1 CPB/MWh PCS de biométhane produit et injecté. Le texte prévoit également un coefficient de modulation à 0,8 CPB/MWh PCS de biométhane produit et injecté pour les installations nouvelles de production de biométhane par captage sur une installation de stockage de déchets non dangereux à partir de déchets ménagers et assimilés. 

L’arrêté prévoit enfin, que pour la période 2026-2028, la pénalité est de 100 euros par certificat manquant. 

Références : décret n°2024-681 du 4 juillet 2024 relatif au bénéfice des garanties d'origine de biogaz pour les collectivités territoriales et au droit préférentiel d'achat des garanties d'origine des producteurs de biométhane sous contrat d'obligation d’achat, JO du 6 juillet 2024, texte n°3 ; décret n° 2024-718 du 6 juillet 2024 relatif à l'obligation de restitution de certificats de production de biogaz ; arrêté du 6 juillet 2024 relatif au dispositif des certificats de production de biogaz, JO du 7 juillet 2024, textes n°9 et 17.