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CFA d’entreprise : débuts timides mais prometteurs

En les faisant échapper à la tutelle des régions, la loi Avenir professionnel de 2018 a favorisé la création de centres de formation à l’apprentissage internes à des grands groupes qui mettent ainsi en place des cycles en adéquation avec leurs besoins.

Depuis le vote de la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018, trente centres de formation à l’apprentissage (CFA) d’entreprise ont été créés, selon le ministère du Travail. Le dernier en date, celui d’Orange à Montrouge (Hauts-de-Seine), a été inauguré par Élisabeth Borne le 16 octobre 2020. Si l’Oréal, Accor ou encore Total ont précédé le groupe de télécommunications dans cette démarche, le bilan peut sembler mince. "Il s’explique en grande partie par la crise sanitaire et il faut savoir que 25 autres CFA d’entreprise sont actuellement en préparation", note toutefois Yann Bouvier, chargé de mission pour la Fondation Innovations pour les apprentissages. Créée voilà trois ans, cette structure réunit 17 grands groupes et a beaucoup œuvré pour donner à l’apprentissage un nouveau cadre législatif. Si les entreprises avaient déjà le droit avant la loi Avenir professionnel de mettre en place leur propre CFA, leur création et fonctionnement étaient soumis au bon vouloir des régions. La réforme a fortement simplifié les règles d’ouverture, notamment en permettant de créer des CFA hors les murs qui ne soient pas limités à une seule région. En développant ces structures internes aux entreprises en parallèle des CFA traditionnels, l’objectif du gouvernement est de former à des métiers qui évoluent très rapidement dans un contexte de révolution numérique. Avec ses cinq parcours de 12 à 24 mois pour former aux métiers de data analyst, data scientist, de la cybersécurité, d’ingénieur cloud et de technicien service-client, le CFA d’Orange en est une bonne illustration.

Opposition des régions

Cette libéralisation de l’apprentissage a, au départ, entraîné une levée de boucliers de la part des régions. La compétence de financement et d’autorisation des CFA passait en effet de celles-ci à l’État, plus précisément à France Compétences. Cette autorité nationale a pour "bras armés" onze opérateurs de compétences (Opco) qui regroupent chacune plusieurs branches professionnelles. Les régions ne gardent plus que l’octroi des subventions d’investissements amortissables (138 millions d’euros par an pour tout l’Hexagone). En avril 2018, l’association Régions de France a mis en garde contre cette réforme, évoquant le risque de "restructuration ou de disparition de 700 CFA environ" sur les 1.200 existants. Plus d’un an après la mise en place de la réforme, cet augure ne semble pas s’être réalisé. "Il y a eu un jeu politique avec les régions mais aujourd’hui, il est sûr que 700 centres n’ont pas disparu. Les CFA d’entreprise viennent en complément de centres de formation qui n’existaient pas", note Pascal Picault, vice-président de la Fédération nationale des associations régionales de directeurs de centres de formation d’apprentis (Fnadir). Pour celui qui est aussi directeur de Formaposte Île-de-France, le CFA de La Poste, cette réforme était nécessaire. "L’idée, c’est de pouvoir être plus réactif et plus agile pour faire mieux correspondre les besoins métiers des entreprises et les réponses en formation. Il est aussi beaucoup plus simple de ne pas avoir à obtenir une convention avec une région ou d’en resigner une nouvelle quand une entreprise veut s’étendre sur un nouveau territoire. La fin des barrières géographiques correspond bien au modèle en train d’émerger, c’est-à-dire un CFA hors les murs accueillant des candidats venus de toute la France avec une partie de la formation en distanciel." Aurélien Cadou, président de l’Association nationale des apprentis de France (Anaf) est sur la même longueur d’onde : "Les CFA sont désormais en concurrence, ce qui n’était pas le cas quand ils étaient contrôlés par les régions. Cette réforme permet de les moderniser."

Les CFA existants gagnants

Le risque d’un appauvrissement des CFA existants au profit des CFA d’entreprise semble également à relativiser. "Les CFA d’entreprise peuvent et font déjà travailler de nombreux CFA existants", tranche Pascal Picault. "Il y a eu beaucoup d’intérêt au début de la part des grands groupes qui peuvent récupérer là des subventions mais ils se rendent vite compte qu’il n’est pas si simple de réaliser une formation. C’est pour cela qu’ils nouent beaucoup de partenariats avec des CFA existants", note Aurélien Cadiou. "Bien sûr qu’une collaboration est possible et même une co-création de cycles de formation. Ce modèle peut encore plus facilement émerger dans ce nouveau cadre. Avant, les régions décidaient avec quel opérateur de formation un CFA d’entreprise pouvait travailler. Ce n’est plus le cas maintenant", rappelle Yann Bouvier. Pour Aurélien Cadiou, les régions ne doivent toutefois pas être exclues du monde de l’apprentissage : "Elles ont toujours un rôle à jouer avec les subventions d’investissement, mais aussi par des aides financières directes. D’autres initiatives sont également possibles. La région Île-de-France veut par exemple créer un label d’excellence pour les CFA."