Casinos en ligne : les maires tirent la sonnette d'alarme
Une centaine de maires ont publié ce jeudi 24 octobre une tribune demandant au Premier ministre de ne pas autoriser les casinos en ligne par voie d'amendement "sans concertation", estimant que des milliers d'emplois sont en jeu.
"Cette ouverture incontrôlée entraînera la disparition d'un tiers des casinos français, le plus souvent localisés dans nos plus petites communes, menaçant 15.000 emplois la première année, et une baisse de 25% de l'activité des casinos restants. Un calcul dangereux pour les finances de l'État", alertent les nombreux maires signataires de la tribune publiée dans Le Figaro, parmi lesquels quatre présidents d'associations d'élus locaux - David Lisnard (maire de Cannes et président de l'Association des maires de France), Philippe Sueur (maire d'Enghien-les-Bains et président de l'Association nationale des élus des territoires touristiques), Yannick Moreau (maire des Sables d'Olonne et président de l'Association nationale des élus des littoraux) et Jean-Pierre Vigier (député de Haute-Loire et président de l'Association nationale des élus de la montagne).
"En ouvrant la boîte de Pandore des casinos en ligne, vous pensez générer des recettes fiscales supplémentaires, mais c'est précisément l'inverse qui arrivera. La vision court-termiste, similaire à celle qui a conduit la France à se séparer de ses industries souveraines pour des profits immédiats, semble encore malheureusement bien ancrée au sein de nos administrations", déplorent les plus de 130 édiles signataires dans cette lettre ouverte adressée à Michel Barnier.
La fédération CGT Commerce et Services a fustigé de son côté dans un communiqué "une catastrophe sociale sans précédent pour des milliers de salariés et leurs familles" si l'amendement était adopté.
Un amendement au projet de loi de finances pour 2025, déposé samedi, prévoit d'autoriser les casinos en ligne en France, seul pays de l'Union européenne avec Chypre où ils sont interdits, afin de renflouer les caisses de l'État via la taxation. Un amendement porté par Thomas Cazenave, l'ancien ministre du Budget.
Selon les auteurs de l'amendement, "plus de 4 millions de Français jouent sur le marché illégal des jeux en ligne" et "le phénomène est devenu incontrôlable". Cette "expansion massive du marché illégal" appelle "un changement de méthode", écrivent-ils : "Seule une ouverture à régulation du casino en ligne permettrait d’assécher le marché illégal en ramenant les joueurs français vers une offre légale, très strictement contrôlée et fiscalisée. Une telle régulation se traduirait par la création de nouvelles recettes fiscales et sociales de l’ordre d’un milliard d’euros, chaque année."
"En France, 196 communes abritent un casino, dont l'activité est encadrée par une législation centenaire qui parvient à concilier activité économique et soutien aux missions de service public communal", rappelle pour sa part la tribune. "Les casinos physiques jouent un rôle fondamental dans l'économie locale. Ils génèrent 60.000 emplois, et participent au financement des services publics locaux essentiels comme l'éducation, la culture, ou encore les infrastructures. Dans certaines villes, les recettes fiscales issues des casinos représentent jusqu'à 50% du budget communal", écrivent également les élus.
Les maires comme la fédération CGT soulignent que les opérateurs de casinos en ligne, souvent hébergés hors UE, échapperaient aux contraintes sociales et fiscales auxquelles sont soumis les casinos physiques. "Ce privilège leur conférera un avantage écrasant, mettant directement en péril la survie des casinos physiques et les milliers d'emplois qui en dépendent", s'inquiète la CGT.
Les maires estiment toutefois qu'il est "possible de créer un cadre sécurisé pour l'ouverture des casinos en ligne, qui pourrait profiter aux finances publiques et locales, notamment en s'appuyant sur l'expertise des opérateurs de casinos physiques". "Il faut pour cela un travail partenarial et non céder à une décision précipitée des bureaux de Bercy, sans étude d'impact (...) et sans expérimentation préalable", préviennent-ils, appelant donc le Premier ministre à "revenir sur cette décision" et à "engager un véritable dialogue avec les élus locaux et les représentants de la filière".