Canicule et inondations 2018-2019 : quel bilan sanitaire et médicosocial ?
Le ministère des Solidarités et de la Santé publie un bilan des épisodes de canicule de l'été 2019. Cette année, l'exercice se double d'un second bilan, portant sur les impacts sur le secteur médicosocial de "l'épisode pluvieux intense" survenu dans l'Aude en octobre 2018.
Comme chaque année, le ministère des Solidarités et de la Santé publie un bilan des épisodes de canicule de l'été, en s'appuyant sur les données et les analyses de Santé publique France. En 2019, l'exercice se double d'un second bilan, portant cette fois-ci sur un "Retour d'expérience concernant les impacts sur le secteur médicosocial de l'épisode pluvieux intense survenu dans l'Aude le 15 octobre 2018" (14 décès et 257 communes reconnues en état de catastrophe naturelle, dont 204 dans l'Aude et les autres dans l'Hérault et le Tarn). Ce retour d'expérience, sous l'angle des établissements médicosociaux, complète le rapport tout récemment publié par le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), portant sur les enseignements à tirer en matière de prévention des inondations (voir notre article ci-dessous du 18 octobre 2019).
Près de 1.500 décès en excès
Côté canicule, l'année 2019 a été particulièrement touchée, avec deux épisodes exceptionnels successifs, du 24 juin au 7 juillet, puis du 21 au 27 juillet. Ces épisodes ont touché respectivement 58 départements (60% de la population métropolitaine) et 74 départements (78%), pour des durées moyennes de 5,4 et 4,3 jours. Surtout, pour la première fois depuis 2004 – autrement dit depuis la mise en place du plan national Canicule (PNC) après les 15.000 décès en excès de l'été 2003 –, la vigilance rouge a été déclenchée dans quatre, puis vingt départements, regroupant respectivement 7% et 35% de la population française. Même si les dispositifs ont fonctionné, Santé publique France relève que "ces deux canicules ont eu des impacts sanitaires pour les populations exposées", avec 1.462 décès en excès sur les périodes de dépassement des seuils d'alerte, soit +9,2% par rapport à la mortalité observée à ces mêmes périodes sans canicule.
Comme lors des épisodes précédents, la classe d'âge des plus de 75 ans est la plus touchée, mais les tranches d'âges 65-74 ans et 15-44 ans le sont également, avec en particulier dix décès sur le lieu de travail en lien possible avec la chaleur. Dans son communiqué, le ministère relève que les deux épisodes de 2019 "ont impacté des populations qui étaient jusqu'alors plus ou moins épargnées : les travailleurs, notamment ceux travaillant en extérieur, dans le secteur du BTP, les enfants scolarisés, les populations participant à des manifestations sportives, culturelles ou festives". Il convient donc de développer "la prévention et la sensibilisation à destination de ces nouveaux publics".
Renforcer la préparation à des canicules extrêmes
De façon logique eu égard aux températures atteintes, 572 décès en excès ont été observés dans les départements en vigilance rouge et la surmortalité dans ces derniers est environ 50% plus élevée que la moyenne des départements touchés.
En termes de réponse sanitaire, les urgences ont connu plus de 20.000 passages liés à l'indicateur iCanicule (hyperthermies, déshydratations et hyponatrémies), suivi dans le cadre du PNC, tandis que SOS Médecins comptabilisait 5.700 consultations. Durant l'été, plus de 12.000 hospitalisations consécutives à un passage pour iCanicule ont ainsi été enregistrées.
Le communiqué du ministère précise que "les enseignements de la gestion nationale et territoriale des deux épisodes exceptionnels de canicule ont été partagés au cours d'une réunion intersectorielle", tenue le 17 octobre. Ces enseignements seront intégrés au prochain PNC, "afin de renforcer la préparation de la France à la gestion des canicules extrêmes, dans un contexte de changement climatique". Parmi ces enseignements figurent notamment la définition de nouvelles mesures de prévention et de sensibilisation visant l'ensemble des différentes catégories de populations concernées, l'identification des mesures de gestion à mettre en œuvre en cas de vigilance météorologique rouge, la consolidation de la gouvernance locale par le préfet – chargé d'assurer la cohérence de l'intervention des différents acteurs locaux par l'élaboration d'un "Orsec gestion des vagues de chaleur" –, ou encore la facilitation de la mise en œuvre, par les acteurs territoriaux, "d'actions proportionnées au contexte local".
Inondations : la crise surmontée grâce au professionnalisme et à la solidarité entre établissements...
De son côté, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) publie un retour d'expérience "concernant les impacts sur le secteur médicosocial de l'épisode pluvieux intense survenu dans l'Aude le 15 octobre 2018". Celui-ci a été établi à partir des informations recueillies auprès de 80 structures du département. Ces événements ont en effet "causé des dysfonctionnements dans certains établissements et services médicosociaux (ESMS), notamment l'évacuation totale ou partielle de trois établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes" (Ehpad).
Le rapport estime que "la crise a été surmontée, dans la plupart des structures très touchées, grâce au professionnalisme des équipes, à leur mobilisation au service des usagers et au soutien des autorités de tutelle". La solidarité entre établissements et entre professionnels a notamment joué à plein dans les jours qui ont suivi les inondations.
... mais la prise en compte de l'alerte laisse à désirer
Néanmoins, le retour d'expérience met en évidence un certain nombre de faiblesses. Ainsi, "la majorité des professionnels se sont retrouvés confrontés à la crise durant la nuit, sans préparation spécifique sur ce risque majeur". De même, le passage du département en vigilance orange "pluie inondation" par Météo France dans la matinée du 14 octobre n'a pas été pris en compte par les structures. Et une seule des onze structures visitées par la DGCS indique avoir reçu une alerte de la commune à 5h30. Ce sont souvent des personnels confrontés aux problèmes de transport pour se rendre au travail qui ont alerté leurs établissements sur la gravité de la situation.
Ces constats amènent la DGCS à formuler trois préconisations. Tout d'abord, recommander aux structures, notamment celles situées dans un territoire soumis au risque d'inondation, de disposer d'un plan de gestion du risque majeur "pluie inondation" ou de risques ayant des conséquences similaires. Ensuite, élaborer au niveau national un outil méthodologique pour aider les structures à construire un plan de gestion de risques. Enfin, recommander aux établissements de prendre des mesures appropriées en cas de passage du département en vigilance orange par Météo France et de veiller aux alertes hydrologiques lancées par le service de prévision des crues, qui interviennent généralement en complément du risque météo "pluies-inondations".