Patrimoine - Canal du Midi : un rapport sénatorial réveille les consciences
La facture sera lourde. Selon un rapport de mission sur le renouveau du canal du Midi, commandé en octobre dernier par l’ancien gouvernement et présenté le 21 juin par Alain Chatillon, sénateur-maire de Revel (Haute-Garonne), le montant du projet de remplacement des platanes atteints par le chancre coloré s’élèvera à près de 200 millions d'euros échelonnés sur dix à quinze ans. A cet horizon-là, les platanes qui bordent ce canal classé au patrimoine mondial de l’Unesco sont en effet condamnés. Plus d’un millier d’entre eux ont déjà été abattus et brûlés sur place. Un programme prioritaire de replantation a bien été prévu par Voies navigables de France (VNF). Mais il n’a guère convaincu l’autorité qui a le dernier mot dans ce domaine, à savoir la Commission supérieure des sites et paysages (CSSP). Un deuxième programme est donc attendu à la rentrée. Les dernières prospections réalisées par l'établissement public dépassent de toute façon les prévisions. Le champignon touche en effet près de 4.000 arbres mais sa propagation, difficile à enrayer, a mis en évidence de nouveaux foyers et menace les 42.000 platanes existants.
Industrialiser l’abattage
"Pour l’enrayer, il faut passer à un rythme d'abattage plus massif, de l’ordre de 4.000 arbres par an, et y consacrer les moyens nécessaires", préconise Alain Chatillon. Le coût avancé comprend non seulement l’abattage (jusqu’à 7 millions par an), mais aussi la sécurisation des berges, la replantation, l’entretien et le suivi des arbres sur trois ans. "On doit reconstruire progressivement le paysage", ajoute le sénateur. Reste que le financement d’un tel chantier pose problème. En 2011, l'ex-président de la République Nicolas Sarkozy avait annoncé un financement tripartite, avec un tiers du montant à la charge de l’Etat et le reste aux collectivités et au mécénat. Mais les mécènes ne se pressent pas au portillon et des collectivités - dont la région Midi-Pyrénées en tête - ont élevé la voix contre cette décision perçue comme décalée (car ce canal est propriété de l’Etat). Pour relancer la voie du mécénat, le rapport Chatillon recommande de nouer un partenariat avec la Fondation du patrimoine afin de recourir à la souscription publique et de lever des fonds auprès du grand public. Mais aussi de créer et animer un club de mécènes afin de "donner de la visibilité à cette offre de mécénat environnemental".
Comment sortir de l’impasse
En vue de restaurer le canal mais aussi "de construire une nouvelle dynamique avec les territoires", ce rapport propose plusieurs pistes. Le premier scénario est classique : VNF resterait le maître d’ouvrage du chantier et ses cofinanceurs seraient associés au pilotage par le biais d’une convention-cadre détaillant leurs missions. "Dans ce cas, l’avantage est qu’il n’y a pas de discontinuité dans le pilotage, le temps de mise en place est réduit et les frais de fonctionnement maîtrisés", note le rapport. Cependant, le sénateur penche pour une autre solution : la création d'une structure pour recueillir des financements publics et qui émanerait d’une "entente interrégionale entre les régions Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon et Aquitaine". Elle prendrait alors la forme d’un groupement d’intérêt public (GIP) ou d’une société d’économie mixte (Sem). Son rôle serait "d’ordonner les financements et les contributions des membres, tout en recherchant également des financements extérieurs européens de type Feder", conclut le rapport.