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Aménagement numérique - A Cahors, Edouard Philippe entend mobiliser toutes les technologies au service des zones peu denses

Après plusieurs mois de négociations avec les opérateurs et les collectivités, Edouard Philippe a évoqué ce 14 décembre à Cahors, en prélude à la Conférence nationale des territoires (CNT), les premières mesures concrètes en faveur de l'accélération du plan France THD. Le Premier ministre n'a pas vraiment dévié des tendances qui se dégageaient ces derniers jours : les opérateurs ont consenti à prendre des engagements contraignants pour leurs déploiements de fibre optique, mais aucun consensus n'apparaît encore clairement sur le mobile. Avec un point d'interrogation : fibre optique pour tous ou très haut débit par tous les moyens ?

On connaît désormais la forme que prendra le nouveau partenariat entre l'Etat, les collectivités et les opérateurs en matière de déploiement du très haut débit sur les territoires. Le gouvernement souhaite s'appuyer sur l'article L33-13 du code des postes et des communications électroniques, que la future loi Logement viendrait renforcer, pour inviter les opérateurs à prendre des engagements contraignants, assortis de sanctions potentielles, sur leurs déploiements de fibre optique dans la zone d'initiative privée moyennement dense (ou zone AMII). L'objectif est de garantir que, en 2020, l'ensemble des locaux de cette zone aura reçu la fibre optique. Edouard Philippe n'a toutefois rien dit du partage de cette zone entre les opérateurs, alors que la concurrence entre ceux-ci va bon train.

Les opérateurs mettent un pied en zone RIP

La procédure AMII rénovée sera, d'une certaine manière, étendue à certaines communes de la zone d'initiative publique qui ne bénéficient pas de projets fermes de déploiement. Pour éviter que les communes les plus attractives de cette zone ne soient cannibalisées par l'investissement privé, ce seront les collectivités qui auront l'initiative. Elles pourront, entre janvier et avril 2018, entrer en dialogue avec les opérateurs sous forme d'un appel à manifestation d'engagements locaux (AMEL) portant sur les communes que ces collectivités auront choisies. Au second trimestre, l'Etat examinera les partenariats envisagés et se chargera ensuite d'en suivre la bonne exécution. En laissant l'initiative aux collectivités, le dispositif laisse entendre qu'il ne s'agit pas d'un démantèlement de la zone RIP. Lors de son intervention, Edouard Philippe a évoqué le cas du territoire de Belfort, qui a renoncé en février 2017 à son projet de RIP pour du déploiement d'initiative privée d'Orange. Du côté de l'Avicca, qui représente les collectivités investies dans le THD, c'est la sécurisation juridique de ces nouveaux types d'engagement qui pose encore question. "Appliquer l'article L33-13, c'est le socle de ma proposition de loi au Sénat", réagit Patrick Chaize, président de l'association, joint par Localtis après les annonces du Premier ministre. "La loi Logement, est-ce l'outil adéquat pour prendre une mesure aussi importante pour les réseaux de fibre optique ?"

Quelle place pour la fibre optique ?

Au-delà des procédures, c'est l'ambition qui interroge de nouveau. Depuis juin dernier, les déclarations penchent soit vers une vision modeste et pragmatique du THD, qui mise sur le 30Mb/s pour tous, soit vers des déclarations d'amour à la fibre optique, l'infrastructure la plus durable pour atteindre la société du Gigabit promue par la Commission européenne. A Cahors, Edouard Philippe a par exemple mentionné la montée en débit comme une solution à promouvoir, pour amener la fibre optique "au cœur du village" sans bouder le réseau de distribution cuivre. Un hommage qui donne raison à Orange, mais qui peut poser question alors que de plus en plus de RIP font le choix du 100% FttH, à l'image du département de l'Aude, qui a annoncé le 13 décembre vouloir fibrer l'ensemble des 128.000 foyers de son territoire.

Un guichet à 100 millions pour les technologies alternatives

Une annonce consistante de son intervention : le Premier ministre a évoqué la création pour 2019 d'un guichet "cohésion numérique des territoires" qui distribuera des coupons de 150 euros maximum à destination de ceux qui ne peuvent recourir qu'à la 4G ou le satellite pour atteindre le "bon haut débit" que le gouvernement appelle de ses vœux pour 2020. 100 millions d'euros sont annoncés pour le dispositif, sans que l'on sache quelle part du financement devra être assumée par les collectivités territoriales. En effet, certains territoires assurent déjà des financements pour les locaux devant s'équiper en antennes satellitaires. Qui plus est, "il ne faudrait pas que le transitoire devienne permanent", rappelle le sénateur Patrick Chaize dans la foulée de ces annonces, au sein desquelles les technologies alternatives à la fibre ont occupé une place de choix. Aux dires du Premier ministre, la France aura mis 60 ans à déployer son réseau électrique, quand le plan France THD devrait pouvoir donner son fruit après 20 ans d'effort. A la suite de ces annonces, on ne sait si l'objectif est de déployer la fibre optique comme infrastructure du siècle à venir, ou le très haut débit a minima pour permettre les usages basiques de l'internet. Le département de l'Aude, qui annonçait mercredi 13 décembre le lancement de son RIP avec Altitude Infrastructure, table sur une montée en débit du réseau cuivre pour 5.000 foyers, et le déploiement rapide d'une offre 4G fixe. Mais avec un horizon assumé : la fibre optique pour tous au bout du compte, dans une période ultérieure à 2022. Au niveau national, la question reste en suspens.

Le "deal" de la couverture mobile attendra
Sur le front de la couverture mobile, le Premier ministre a été moins disert. Deux points ont été confirmés : la définition de la zone blanche sera revisitée, pour prendre en compte tous les lieux de vie - habitations, pôles économiques, axes routiers. Sans la nommer explicitement, Edouard Philippe a décrit la technologie femtocell permettant d'amplifier les réseaux cellulaires à domicile comme une piste à développer. Le Premier ministre a aussi précisé que de nombreuses mesures de simplification seraient adoptées en faveur de l'installation rapide des pylônes de téléphonie mobile. Entre autres avancées, les maires pourraient accorder sans formalité de publicité des titres d’occupation du domaine public à destination de ces installations. Le délai imposé entre le dépôt du dossier d'information sur les ondes électromagnétiques et la demande d'autorisation d'urbanisme serait également supprimé. Pour autant, le point central n'aura été qu'effleuré : l'accord avec les opérateurs, qui permettra d'arrêter de nouvelles obligations de couverture emportant l'adhésion de toutes les parties. Sur ce point, un nouveau cycle de négociations semble encore à venir.