Budget participatif : un réseau national pour garantir la qualité du processus
Les villes de Paris, Rennes, Montreuil et Grenoble ont lancé le 8 novembre 2019 un réseau national des budgets participatifs. Pour adhérer à l'association, les collectivités devront s'engager à respecter des "principes fondamentaux" dans la mise en œuvre de leur budget participatif. Une façon de garantir la qualité et la sincérité de la démarche de participation citoyenne qui, rançon du succès, a fait dernièrement l'objet de critiques.
À quatre mois des municipales, les villes de Paris, Rennes, Montreuil et Grenoble ont annoncé le lancement d'un réseau national des budgets participatifs destiné à favoriser l'échange de bonnes pratiques entre collectivités. Cela à l'occasion des quatrièmes Rencontres nationales des budgets participatifs qui se sont tenues à Paris les 7 et 8 novembre 2019, après avoir successivement eu lieu à Grenoble, Rennes et Montreuil entre 2016 et 2018. En clôture de l'événement, les maires-adjoints en charge de la démocratie participative des quatre villes ont signé une déclaration sur les "principes fondamentaux du budget participatif en France" (ci-dessous en téléchargement).
Pour rappel, un budget participatif permet aux habitants d'un territoire de proposer des idées d'investissements d'intérêt général et de participer au choix de projets qui seront ensuite réalisés, dans le cadre d'une fraction de budget et d'un règlement définis par la collectivité. Parmi les projets mis en œuvre dans ce cadre : des jardins partagés, des pistes cyclables, des parcours sportifs, des tiers-lieux ou encore des lieux d'accueil à vocation solidaire.
Un budget participatif dans près de 200 collectivités en 2019
Près de 200 collectivités, dont une majorité de communes et une dizaine de départements (dont le Gers, le Loiret, les Landes, la Nièvre, les Deux-Sèvres, l'Aude et l'Hérault) et régions (l'Occitanie par exemple), auraient désormais leur budget participatif, selon Antoine Bézard, auteur d'une note de la Fondation Jean-Jaurès publiée en 2018 (voir notre article du 30 octobre 2018) et d'un blog de veille sur le sujet. Les résultats d'une nouvelle enquête nationale seront publiés en février 2020.
Initié par les quatre villes de gauche se revendiquant "pionnières" en France avec l'adoption d'un budget participatif dès 2014-2015, le réseau se donne en particulier pour mission d'inciter les collectivités à respecter les "principes fondamentaux" du budget participatif. Une façon d'apporter des garanties aux citoyens et, par la même occasion, de répondre aux critiques formulées ces derniers temps sur le budget participatif (voir notre encadré ci-dessous). Les collectivités devront signer la déclaration pour adhérer à l'association. Parmi les principes à respecter : le "pouvoir effectif" donné aux citoyens "de présenter des propositions et de décider", la transparence, la dimension inclusive, la pérennité d'un processus ayant lieu régulièrement.
Aider les collectivités à respecter certains "principes fondamentaux"
"C'est notamment le nombre de collectivités qui se lancent dans le budget participatif qui nous a amenés à réfléchir à cette déclaration de principes, parce qu'on voit que ça peut recouvrir pas mal de choses différentes", a expliqué à Localtis Pauline Véron, maire-adjointe de Paris chargée notamment de la démocratie locale et de la participation citoyenne. L'association, qui devrait être active début 2020, n'a cependant pas vocation selon elle à être "une sorte de petit club réservé à quelques collectivités". "100 à 150 collectivités" pourraient bientôt les rejoindre, estime Pauline Véron qui souhaite que l'association puisse aider des collectivités ne respectant pas encore tous les principes à "modifier un peu leur budget participatif pour pouvoir intégrer le réseau".
Sur la sélection des projets éligibles au vote des citoyens, les villes "pionnières" ne se veulent pas prescriptives. Les collectivités doivent toutefois s'en tenir à leur champ de compétence et se doter "d’un règlement clair et public indiquant les critères de sélection des projets". À Paris, 40% en moyenne des propositions soumises sont éligibles au vote des citoyens, les autres étant écartées au titre de critères publics – parce que les projets ne relèvent pas de la compétence de la ville, ne correspondent pas à un investissement, ne sont pas considérés comme réalisables techniquement ou sont assimilés à une démarche commerciale. Cette rigoureuse sélection permettrait par la suite de limiter à moins de 6% le taux de projets votés mais abandonnés du fait de contraintes apparues au cours d'un examen plus approfondi.
Pour le reste, les citoyens sont libres. Interpellée par certains opposants jugeant que le budget participatif ne devrait pas servir à financer des dépenses d'investissement qualifiées d'"obligatoires", Pauline Véron renvoie à la difficulté même de définir ce qui relève de l'obligatoire en dehors de dépenses de mise en sécurité ou encore de personnels. La maire-adjointe insiste sur le côté pédagogique de la démarche : "On demande aux citoyens de se mettre à la place des élus : qu'est-ce qu'ils feraient en priorité avec cet argent-là ?"
Des universitaires rappellent "les vertus politiques du budget participatif"
Opération reconquête de l'opinion pour un dispositif victime de son succès ? En effet, alors que le budget participatif s'est bien diffusé ces dernières années, tant en termes de mise en œuvre que de notoriété, il fait désormais l'objet de critiques. En cause notamment : la baisse du montant médian dédié au budget participatif entre 2016 et 2018 et une participation des habitants encore faible avec une participation médiane de 4% en 2018, deux caractéristiques qui avaient été mises en évidence dans la note de la Fondation Jean-Jaurès de 2018.
"On est tous collectivement d'accord pour dire que si le budget est vraiment très faible, avec très peu de projets in fine qui peuvent être réalisés, ce n'est pas vraiment un budget participatif", réagit Pauline Véron. Pour l'élue cependant, "ce n'est pas tant la quantité qui compte que de s'assurer que les projets sont bien suivis, qu'ils vont bien être tous réalisés, que les gens vont être informés de la mise en œuvre d'un projet, qu'ils vont être éventuellement associés à sa réalisation".
Sur le taux de participation, "il faut laisser au budget participatif le temps", avait jugé Antoine Bézard en décembre 2018, sur son blog. "Hormis le département du Gers et sa participation-record, il est rare que la première édition conduise à une participation d’ampleur", observait-il, rappelant que nombre de budgets participatifs d'alors n'existaient pas l'année précédente.
Avec trois universitaires spécialistes de la participation citoyenne, Antoine Bézard a signé une tribune publiée le 8 novembre 2019 dans Le Monde et intitulée "Rappelons les vertus politiques du budget participatif". "Dix raisons pour défendre le budget participatif" y sont énumérées, dont le fait qu'il permet aux citoyens d'intervenir sur la "question cruciale" du budget et qu'il peut être saisi par "des citoyens éloignés des institutions" ou encore des habitants non inscrits sur les listes électorales.
Le budget participatif "transforme le rôle de l’administration", mettent-ils encore en avant. "Celle-ci met son expertise à la disposition des citoyens pour approfondir, chiffrer, trouver des solutions à des problèmes et mettre en place les projets proposés par les habitants."
Déplorant la "dénonciation caricaturale" des budgets participatifs par "une partie de la classe politique et des médias", les quatre experts reconnaissent que "des améliorations doivent constamment être apportées" dans le processus, en termes de transparence, de contrôle des procédures de votation et part du budget ouvert à la participation.