Politique de la ville - Le Centre d'analyse stratégique promeut les budgets participatifs de quartiers
Lors de la deuxième édition des Assises de la politique de la ville, en novembre 2011, à Amiens, la participation des habitants était au cœur des échanges, comme moyen d'éviter une situation de rupture avec la République (voir notre article du 9 novembre ci-contre). Claude Dilain, ancien maire de Clichy-sous-Bois, suggérait alors d'accorder le droit de vote pour les étrangers aux élections locales… Rien de tel dans les propositions du Centre d'analyse stratégique où les défis à relever pour développer la participation des habitants passerait plutôt par la révision du "cadre décisionnel", le renouveau des "pratiques du débat public" ou encore le développement du "pouvoir d'agir des collectifs d'habitants" sur le modèle de l'"empowerment" anglo-saxon. Les détours par les expériences étrangères sont nombreux, dans la note d'analyse intitulée "La participation des habitants : trois pistes pour rénover la politique de la ville", publiée en septembre.
10% du budget ?
La mise en place de "budgets participatifs de quartiers" en constitue la proposition phare. Quoi de plus concret, en effet, que de donner la possibilité aux habitants de décider (en fait, de "co-décider", avec élus et professionnels) de l'utilisation d'une enveloppe financière définie par avance ? La première des conditions serait que cette somme ne soit pas symbolique. Noémie Houard, chargée de mission au département Questions sociales, envisage que, dans le cadre des nouveaux contrats "politique de la ville" signés avec l'Etat, "par exemple 10% du budget soit co-décidé avec les habitants". "Cela pourrait même constituer une contrepartie exigée par l'Etat… que la collectivité pourrait difficilement refuser", poursuit Vincent Chriqui, directeur général du CAS.
Les budgets participatifs constituent en fait un des outils de co-décision. Ils supposent que l'ensemble du cadre financier, mais aussi institutionnel, soit révisé. Les orientations définies avec les habitants doivent effectivement être prises en compte à tous les niveaux de décision publique de l'agglomération. Et pas question d'avancer l'argument que les projets d'urbanisme ou d'action sociale sont "trop difficiles à comprendre pour l'habitant moyen". "Je me souviens d'un jeune homme allocataire du RMI très enthousiaste à l'idée de donner son avis sur les critères d'attribution des logements sociaux. Ce n'est pas la complexité du mécanisme qui l'a refroidi : c'est le sentiment que sa parole ne serait pas écoutée. Il a participé à deux réunions et nous ne l'avons plus revu", se souvient Marion Carrel, sociologue (Université Lille 3), co-auteur de la note du CAS.
"Les limites sont bien connues"
Il n'est pas non plus question, pour le CAS, de se mettre à dos les élus, garant de la démocratie représentative en l'opposant à une démocratie participative qui, pour l'heure, en France en tous les cas, n'a pas su convaincre. "Les limites sont bien connues : difficulté à mobiliser les couches les plus populaires, les risques de prise de pouvoir des plus organisés, leur impact limité sur la décision publique", résume le CAS en soulignant que le moment est peut-être bien choisi d'envisager "un renouveau des pratiques démocratiques hexagonales", à l'heure "du développement des réseaux sociaux, de la remise en cause de la représentation politique et de l'évolution de la répartition des compétences entre l'Union européenne". De là à appeler à une révolution culturelle chez les élus et les professionnels de la politique de la ville… le CAS ne s'y risque pas, "mais cela peut se lire en creux dans la note", sourit Vincent Chriqui.