Budgets locaux : les clignotants resteront-ils au vert encore longtemps ?
Avec des recettes supérieures aux dépenses et une reprise de l'investissement, les finances des collectivités territoriales ont, globalement, bénéficié l'an dernier d'un regain de santé, selon l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales. L'organisme rattaché au Comité des finances locales présentait ce 17 juin son traditionnel rapport sur les finances locales. Prudent, son président, André Laignel, parle d'une "année en trompe l'œil".
Après un net ralentissement ces deux dernières années (+1,2% en 2015 et -0,1% en 2016), les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales ont bondi de 1,8% en 2017 (1,9% en consolidant les comptes) pour s'établir à un peu plus de 171 milliards d'euros. Toutes les catégories de collectivités ont vu leurs charges de fonctionnement s'accroître (si on neutralise l'effet des transferts de compétences des départements vers les régions). Principal facteur de cette évolution : la progression de 2,8% des frais de personnels (après +0,9% en 2016). Le dégel du point d'indice (0,6 point en février 2017 après un geste de cet ordre en juillet 2016) et l'entrée en vigueur du plan sur les parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) ont occasionné une augmentation des rémunérations brutes des agents de 2,7% en moyenne, plus marquée pour les contractuels (+5,3%) que pour les titulaires (+2,5%). Sans les frais de personnels, les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales n'auraient augmenté que de 0,8%.
Dynamisme de la fiscalité économique
Selon le rapport de 194 pages (à télécharger ci-dessous), les départements ont pu contenir la hausse de leurs dépenses de fonctionnement à +1,7% en baissant leurs effectifs d'environ 1% au cours de l'année 2017 et à la faveur d'une décélération de leurs dépenses en matière de RSA (+0,6% après +3,2% en 2016).
Les collectivités ont pu faire face à leurs charges, grâce à la solidité de leurs recettes de fonctionnement (201,6 milliards d'euros). Celles-ci se sont accrues de 2,3% l'an dernier. Ce qui est la conséquence de la croissance des bases fiscales, plus que des taux des impôts locaux - ceux-ci étant demeurés quasi stables dans l'ensemble. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) a particulièrement été dynamique, avec une hausse de 4,3% de son produit. Conséquence de la très bonne conjoncture immobilière, les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ont quant à eux bondi de 16,4%, principalement au bénéfice des départements (11,6 milliards d'euros). Mais la répartition de cette manne est très inégale. La réduction de moitié de la baisse des dotations des communes et de leurs groupements à fiscalité propre (qui devait s'élever initialement à 2,07 milliards d'euros) a également permis aux collectivités territoriales de retrouver des marges de manœuvre financières.
Une reprise de l'investissement plus tardive que d'habitude
Celles-ci se sont traduites par une progression, pour la deuxième année consécutive (+9%, après +8% en 2016) de l'épargne disponible pour financer les équipements. La capacité d'autofinancement avait fondu au cours des deux années précédentes (-1,6% en 2015 et -13,5% en 2014), favorisant un recul inédit (-18%) des investissements locaux sur la période 2014-2016, s'élevant même à - 25% pour le seul bloc communal. Après une moindre réduction en 2016, l'investissement local a entamé une nette reprise en 2017, estimée à +6,1% et même +8,2% en consolidant les budgets. Il a ainsi dépassé 48 milliards d'euros, loin cependant des 55 milliards d'euros engagés en 2013.
Alors que, traditionnellement, il entame sa croissance au cours de la deuxième année suivant les élections municipales, l'investissement des communes et intercommunalités s'est redressé cette fois-ci au cours de la troisième année (+8,2% en 2017 après -0,6% en 2016). L'investissement des départements n'a pas suivi la même tendance. Pour la huitième année consécutive, il a connu une réduction (-1,1%). On notera toutefois que les subventions d'équipement versées par les départements ont progressé de 0,5%, rompant avec plusieurs années de forte baisse.
"Revenir sur le partage de l'effort"
Pour André Laignel, président du CFL et de l'observatoire, il faut se garder d'une lecture trop globale de la conjoncture des finances locales, tant les situations peuvent varier d'une catégorie de collectivité à une autre et à l'intérieur d'une même catégorie. Ainsi, les collectivités ne profitent pas toutes à la même hauteur du dynamisme des DMTO et de la CVAE. 31% des recettes de cette taxe créée en remplacement de la taxe professionnelle bénéficient à l'Ile-de-France, alors que la population de la région ne représente que 18% de la population totale, pointe-t-il.
Le maire PS d'Issoudun juge par ailleurs "préoccupante" la réduction de 73% de la capacité de financement des administrations publiques locales. Avec la reprise de l'investissement, celle-ci est passée de 3 milliards d'euros en 2016 à 0,8 milliard d'euros l'an dernier. Du fait d'une nouvelle progression des dépenses d'équipement des collectivités locales prévue pour cette année, le "rétrécissement des marges" du secteur local "va s'accentuer", prévient-il. Et celui-ci d'en déduire que les récentes conclusions de la Cour des comptes sur "la fragilité des hypothèses" sur lesquelles l'exécutif a fondé la trajectoire des finances publiques sont ici confirmées. Dans son rapport annuel publié en février, l'institution de la rue Cambon jugeait "peu vraisemblable" la réduction de près de 3 points de PIB de la dette des collectivités locales et la constitution par elles d'une capacité de financement record à la fin du quinquennat (0,7 point de PIB). "Une révision de cette stratégie risque de s'imposer avant le terme de la loi de programmation", écrivait-elle. Le président du CFL en est lui convaincu : il faudra, selon lui, revoir la clé de "partage de l'effort entre l'État et les collectivités territoriales".