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Budget vert : la crise énergétique fait exploser les dépenses "brunes"

S’il en était besoin, la troisième édition du "budget vert" de l’État – présenté dans le cadre du projet de loi de finances 2023 – montre à quel point la crise énergétique affecte la transition climatique. Le document fait notamment état d’un quasi doublement des dépenses jugées défavorables à l’environnement, conséquence de la mise en place des "boucliers tarifaires" sur le gaz et l'électricité.

Un "budget vert" 2023 fortement teinté de brun. C’est ce qu’il ressort du rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État 2023 élaboré, conformément à la loi, par le commissariat général au développement durable (CGDD) et les directions du budget, de la législation fiscale et du Trésor de Bercy,  annexé au projet de loi de finances (PLF) 2023 (voir notre article du 26 septembre).

Explosion des dépenses défavorables à l’environnement

Les dépenses défavorables à l’environnement – c'est-à-dire une dépense qui est défavorable sur au moins un des 6 axes analysés (atténuation climat, adaptation climat, eau, déchets, pollutions, biodiversité) sans avoir d’impact favorable par ailleurs – s’élèvent en effet dans le PLF 2023 à 19,6 milliards d’euros. Une progression exponentielle par rapport à l’an passé (10,8 milliards pour le PLF 2022, 10,3 milliards en retenant le montant de la loi de finances initiale). Ce quasi doublement est expliqué par un seul phénomène, ou presque : "la mise en place des mesures exceptionnelles de protection des consommateurs" (les "boucliers tarifaires"), comptabilisées à hauteur de 8,9 milliards d’euros.

Outre ces mesures "exceptionnelles et temporaires", les crédits budgétaires défavorables comptent pour 3,1 milliards d’euros, dont 1,7 milliard pour les dépenses de soutien à la production d’énergie dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain. L’unique taxe défavorable retenue concerne celle affectée à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) au titre de la construction de routes (0,5 milliard). Les dépenses fiscales représentent au total 7,1 milliards des dépenses brunes, dont 5,9 milliards de diminution du coût des tarifs réduits et particuliers de l’accise sur les énergies et 0,9 milliard pour les dispositions en faveur du logement neuf générant de l’artificialisation des sols.

Le gouvernement rappelle que pour l’année 2023, les coûts bruts des boucliers tarifaires pour l’électricité et le gaz sont respectivement estimés à 33,8 et 11,1 milliards d'euros en comptabilité nationale.

33,9 milliards de dépenses vertes hors plan de relance

Les dépenses "vertes" – celles ayant un effet favorable sur au moins l’un des six axes analysés sans avoir d’effet défavorable par ailleurs – sont comptabilisées à hauteur de 33,9 milliards d’euros – hors plan de relance et hors impact des prix de l’énergie sur le programme "Service public de l’énergie" (37,5 milliards en intégrant le plan de relance). Soit une progression affichée par le gouvernement de 4,5 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Le rapport relève toutefois que sans retraitement des impacts liés à la hausse des prix de l’énergie, les dépenses favorables de 2022 s’élevaient à 34,1 milliards d’euros. La hausse affichée se muant ainsi en baisse.

Dans le détail, les crédits budgétaires comptent pour 25,7 milliards d'euros, et comprennent notamment Ma prime Rénov’ (2,3 milliards), les dépenses de recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’environnement et de l’énergie (2,1 milliards), le financement de l’Agence nationale de la recherche (1 milliard), une partie de l’aide publique au développement (2,1 milliards), les PIA 3 et 4 et France 2030 (1,5 milliard), les dépenses de personnel du ministère de l’Environnement (1,2 milliard) ou encore l’aide à l’acquisition de véhicules propres (1,1 milliard). Y figurent aussi les crédits du "fonds vert" – pour 0,4 milliard seulement –, ainsi que les concours au ferroviaire (2,7 milliards). En l’espèce, on relèvera un changement de cotation, ces dernières dépenses passant d’une cotation mixte (retenue initialement au motif que la construction de nouvelles lignes ferroviaires réduit l’empreinte carbone mais entraîne aussi des déchets et des emprises foncières défavorables à la biodiversité) à une cotation favorable (les projets financés étant majoritairement des rénovations de lignes).

Les taxes affectées comptent pour 4,6 milliards, dont 2,2 milliards pour celles affectées aux agences de l’eau et 1 milliard pour la part de taxe affectée à l’Afitf fléchée vers les projets d’exploitation ferroviaire, les transports en commun ou maritimes.

Les dépenses fiscales représentent 3,7 milliards d'euros, les plus importantes étant le taux réduit de TVA pour les travaux d’amélioration énergétique (2 milliards), les dispositifs de défiscalisation dans le logement ancien (0,3 milliard), les réductions d’accises sur les gazoles en faveur des transports en commun (0,2 milliard) et l’exonération des intérêts des livrets de développement durable (0,16 milliard).

2,3 milliards d'euros de dépenses mixtes

Les dépenses mixtes (favorables à l’environnement sur au moins un axe, mais ayant des effets négatifs sur un ou plusieurs autres axes) s’élèvent à 2,3 milliards d’euros. À titre principal, y prennent place les dépenses relatives aux nouvelles infrastructures de transport ferroviaire ou maritime. Par exemple, 0,9 milliard pour la Société du Grand Paris et 0,7 milliard pour la part des taxes affectées à l’Afitf qui génèrent de l’artificialisation ou la production de déchets (dont le canal Seine-Nord Europe). La seule action budgétaire mixte concerne les aides au retrait de véhicules polluants (0,15 milliard) et la majorité des dépenses fiscales ont trait aux tarifs particuliers des agrocarburants (0,4 milliard).

Dépenses neutres ou non cotées ultra-majoritaires

Sur un périmètre total analysé de 569,4 milliards d’euros – 480,3 milliards d’euros de dépenses de l’État inscrites dans le PLF pour 2023 et 89,1 milliards d’euros de dépenses fiscales –, environ un dixième (59,4 milliards d’euros – 55,8 hors plan de relance) sont jugées avoir un impact sur l’environnement (favorable, mixte ou défavorable), proportion qui reste relativement stable (voir notre article du 11 octobre 2021).

Les dépenses jugées "neutres" (sans effet positif ou négatif) ou non cotées restent ultra-majoritaires. Les premières représentent 416,1 milliards d’euros, dont 0,6 milliard pour le plan de relance. Y prennent notamment rang les dépenses de masse salariale, à l’exception de celles "ayant explicitement un objectif environnemental", qui sont, elles, cotées comme favorables. Un classement qui gagnerait sans doute à être affiné.

Les secondes représentent 93,9 milliards d’euros, dont 0,3 milliard pour le plan de relance. Y figurent notamment les dépenses associées à la dématérialisation de services ou procédés ou la construction de nouveaux réseaux (plan "très haut débit"), "en l’absence à ce jour de conclusions consensuelles sur l’impact environnemental du numérique").

À noter enfin que cette 3e édition du "budget vert" voit le périmètre des dépenses cotées s’élargir, en incluant notamment la dotation de soutien à l’investissement local, qui porte 114,3 millions de crédits jugés favorables à l’environnement.

 

Les budgets verts, pour les collectivités aussi

L’élaboration d’un budget vert n’est en rien l’apanage de l’État (dont la méthodologie a été saluée par la Cour des comptes européenne – voir notre article du 31 mai), plusieurs collectivités se frottant déjà à l’exercice, à l’importance grandissante (voir notre article du 11 mars). À l’image de la Mayenne, premier département à s’être soumis à l’exercice en 2020 (voir notre article du 8 décembre 2021 pour son budget 2022), ou des métropoles de Lille, Lyon, Strasbourg et des villes de Lille et de Paris, qui ont toutes les 5 développé une méthodologie avec l’aide de l’institut I4CE (voir notre article du 23 novembre 2020). Ce dernier vient d’ailleurs de mettre en ligne un guide méthodologique à destination des collectivités et de conduire avec Régions de France un webinaire sur le "budget vert régional", accessible à tous. Rappelons que l’Occitanie est la première région à avoir sauté le pas, avec son budget 2021.