Budget vert des collectivités : les modalités se précisent

Le comité des finances locales a approuvé le 9 juillet le projet de décret indiquant la manière dont les collectivités de plus de 3.500 habitants devront mettre en place un budget vert. Le projet de texte prévoit une montée en charge progressive de cet outil qui, aux yeux de certains élus, devra faire ses preuves.

Les collectivités, leurs groupements et les établissements publics locaux de plus de 3.500 habitants devront élaborer l'an prochain un budget vert pour l'exercice budgétaire 2024. Concrètement, leur compte administratif - ou leur compte financier unique pour ceux qui auront déjà adopté cette nouveauté comptable - comportera, en annexe, un nouvel état, intitulé "Impact du budget pour la transition écologique". Ce document présentera "les dépenses d'investissement qui, au sein du budget, contribuent négativement ou positivement à tout ou partie des objectifs de transition écologique de la France". La loi de finances pour 2024 a introduit cette innovation que l'État avait mise en œuvre pour son propre budget à partir de 2020.

Les principes étant posés, il restait à connaître les modalités de leur application. Après une concertation de plusieurs mois entre les administrations de l'État et les associations d'élus locaux, le projet de décret mettant en oeuvre la mesure de la loi de finances pour 2024 a été présenté au comité des finances locales (CFL) lors de la séance plénière du 9 juillet (voir notre article dédié aux différents points de l'ordre du jour).

Approche par étapes

Selon le projet de texte que Localtis a pu consulter, le budget vert des collectivités de plus de 3.500 habitants s’appliquera aux budgets principaux et aux budgets annexes soumis aux instructions budgétaires et comptables M57 (la plus répandue) et M4 (services à caractère industriel et commercial). L'état annexé prendra en compte les seules dépenses réelles exécutées de la section d'investissement des budgets locaux - les dépenses d’ordre seront donc exclues.

Le périmètre des dépenses d'investissement entrant dans le dispositif sera progressivement étendu. D'abord, pour l'exercice 2024, les collectivités concernées seront tenues d'intégrer les dépenses exécutées de 17 comptes du référentiel budgétaire et comptable M57, parmi lesquelles les dépenses consacrées aux bâtiments scolaires et autres bâtiments publics, les dépenses dédiées aux réseaux de voirie, ou celles allant aux transports ("matériel et transport ferroviaire", "autres matériels de transport"). Seconde étape : à partir de l'exercice 2025, les collectivités devront tenir compte de "l’ensemble des dépenses réelles d’investissement exécutées des budgets", en excluant (sauf exceptions) le remboursement des annuités d’emprunt.

La même approche par étapes a été retenue s'agissant des objectifs environnementaux au regard desquels les collectivités concernées devront réaliser l'analyse de l'impact de leurs investissements. Pour l'exercice 2024, cet exercice sera fait à l'aune uniquement de l'atténuation du changement climatique. À partir de l'exercice 2025, elles devront intégrer l'objectif de "préservation de la biodiversité et de protection des espaces naturels, agricoles et sylvicoles". Enfin, au plus tôt à compter de l'exercice 2027, elles devront analyser leurs dépenses d'investissement sous le prisme de quatre autres objectifs ("adaptation au changement climatique et prévention des risques naturels" ; "gestion des ressources en eau" ; "transition vers une économie circulaire, gestion des déchets, prévention des risques technologiques" ; "prévention et contrôle des pollutions de l'air et des sols").

"Restriction à la libre administration"

Le CFL a émis un avis favorable sur le projet de décret, mais "sans enthousiasme", selon Bertrand Hauchecorne, membre de l'instance. Maire référent pour la gestion de l'eau à l'Association des maires de France (AMF) et président de la commission finances de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), il se dit "dubitatif" sur "la pertinence" du budget vert des collectivités, alors même que ce dernier va exiger de la part des élus et agents territoriaux des tâches supplémentaires. Le maire de Mareau-aux-Prés pointe aussi le risque que les résultats du budget vert ne servent un jour d'aiguillon pour l'État dans le cadre de l'attribution des subventions ou dotations (ou pour les banques dans l'attribution des prêts aux collectivités).

André Laignel, le président du CFL, est encore plus circonspect. "Pourquoi un budget vert et pas un budget social ?", s'interroge-t-il. De plus, le maire d'Issoudun considère la nouvelle obligation demandée aux collectivités de plus de 3.500 habitants comme "une restriction inacceptable à la libre administration et un nouveau moyen d'infantiliser les collectivités", comme le rapporte son entourage.

La méthode d'élaboration du budget vert va encore s'affiner. Des discussions, qui démarreront à la rentrée entre les administrations de l'État et les associations d'élus locaux, doivent préparer notamment le modèle d'état "vert" que les collectivités concernées annexeront à leur compte administratif ou leur compte financier unique.

› Marion Fetet (I4CE) : "Une acculturation des services et des élus est nécessaire"

La mise en œuvre du budget vert n'est "pas simple de prime abord", déclare Marion Fetet, chercheuse à l'institut de recherche I4CE, qui insiste sur le besoin d'"accompagnement" des collectivités, à l'instar de l'aide apportée depuis deux ans par l'Ademe auprès de collectivités des Hauts-de-France. Les petites communes semblent pénalisées a priori par des moyens plus faibles, mais elles peuvent compter sur la connaissance fine que leurs collaborateurs et leurs élus ont de leur budget, ainsi que sur les relations de travail plus proches entre leurs agents, fait-elle par ailleurs remarquer.

"Petit à petit, le budget vert fait ses preuves. Les collectivités qui l'utilisent depuis plusieurs années sont de plus en plus nombreuses à l'intégrer au moment des arbitrages budgétaires", observe l'experte. Interrogée par Localtis, elle souligne que les élections municipales en 2026 et la préparation des programmes pluriannuels d'investissement liée à cette échéance renforcent l'intérêt d'étendre la mise en œuvre du budget vert aux collectivités. "L'annexe verte est un premier pas vers la budgétisation verte", c'est-à-dire la prise en compte du budget vert dans les choix budgétaires, conclut Marion Fetet.

 

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