Budget 2025 : une facture à plus de 7 milliards d'euros pour les collectivités, selon André Laignel

Efforts, coupes dans le budget de l'État et augmentation de leurs charges vont coûter aux collectivités locales plus de 7 milliards d'euros en 2025, calcule André Laignel, le président du Comité des finances locales (CFL). L'élu a communiqué ce chiffrage aux membres de l'instance, qui se réunissaient ce 4 mars notamment pour rendre leurs arbitrages sur certaines modalités de répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF). 

Lors d'une réunion plénière du CFL, ce 4 mars, le président André Laignel a dressé la liste de toutes les mesures nouvelles - incluses pour l'essentiel dans le budget de l'État pour 2025 - qui impactent les collectivités locales et leurs groupements. Gel de l'augmentation de la fraction de TVA due aux collectivités (1,2 milliard d'euros), réduction du fonds vert (1,35 milliard), dispositif de "lissage" des recettes des collectivités (1 milliard), augmentation des cotisations au régime de retraite des fonctionnaires territoriaux (1,4 milliard), baisse "en volume" de la dotation globale de fonctionnement (350 millions), affaiblissement de la dotation de soutien à l'investissement local (150 millions)… La facture s'élève à 7,4 milliards d'euros au total, alors que le gouvernement de François Bayrou a communiqué sur un effort des collectivités de 2,2 milliards d'euros en 2025. Cette somme "relève d'un mensonge d'État", a dénoncé le président du CFL devant la presse à l'issue de la réunion de l'instance. Il a une nouvelle fois estimé que le budget de 2025 est "le plus mauvais depuis que les budgets des collectivités locales existent".

Dans les coupes budgétaires de l'État qui vont toucher le secteur public local, certaines sont "modestes", mais "symboliques". Comme la suppression des 5 millions d'euros du plan de lutte contre les violences faites aux élus, qui intervient alors qu'"il ne se passe pas une semaine sans que de nouveaux élus locaux soient agressés", constate André Laignel. 

"2026 risque d'être pire"

"Une telle ponction [de 7,4 milliards d'euros] aura forcément des conséquences sur le niveau d'investissement", s'est-il alarmé, précisant que "des projets seront décalés dans beaucoup de collectivités". "Le niveau" de l'endettement public local sera également impacté, selon l'élu, qui ne voit pas vraiment l'avenir des collectivités en rose. "2026 risque d'être 2025 en pire, glisse-t-il. On continue à nous expliquer que nous sommes une variable d'ajustement idéale. C'est ce qui se dit dans tous les couloirs de Bercy."

On le sait, les projets du ministère de l'Économie et des Finances concernant les finances locales, surtout lorsqu'ils visent à les encadrer, passent très mal auprès des élus locaux. Les dernières annonces sur la création d'un "comité d'alerte budgétaire", composé notamment d'élus des collectivités (voir notre article), n'échappent pas à la règle. "Aller réunir des comités Théodule - qui viendraient dire chez moi : 'on va augmenter les dépenses, ou on va les baisser' -, ça n'a aucun sens, ça n'aura aucune prise sur la réalité et ça relève de la gesticulation", a réagi celui qui est aussi premier vice-président délégué de l'Association des maires de France (AMF). 

André Laignel juge plus utile que le ministre de l'Économie, Éric Lombard, accède à sa demande d'engager une revue des recettes des collectivités, en parallèle de celle des dépenses. Il avait formulé ce souhait une première fois auprès de Bruno Le Maire avant la dissolution de l'Assemblée nationale (voir notre article), dans un courrier cosigné avec Jean-Léonce Dupont, président centriste de la commission finances de Départements de France. Mais Bruno Le Maire "n'a même pas accusé réception" de leur demande. C'est pourquoi le duo d'élus l'a réitérée récemment dans un courrier à l'actuel ministre de l'Économie.

Répartition de la DGF

Avec près d'un mois de retard sur le calendrier habituel (pour cause de publication de la loi de finances à la mi-février seulement), le CFL a aussi procédé ce 4 mars, en application de la loi, aux traditionnels arbitrages sur la répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF). En augmentation de près de 150 millions d'euros par rapport à 2024 - mais on sait que la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) baisse d'autant -, le principal concours financier aux collectivités et à leurs groupements s'élève cette année à 27,394 milliards d'euros. 19,1 milliards d'euros (soit près de 70% de l'enveloppe) seront affectés aux communes et intercommunalités et 8,27 milliards d'euros le seront aux départements.

Le CFL a choisi de porter la progression de la dotation de solidarité urbaine (DSU d'un montant de 2,9 milliards d'euros) en 2025 à la hauteur de celle de la dotation de solidarité rurale (DSR qui atteint 2,3 milliards), soit +150 millions d'euros pour chacune (alors que la loi de finances pour 2025 avait prévu des hausses respectives de 140 et 150 millions d'euros). Un petit coup de pouce qui contentera les élus urbains et sera financé par les redéploiements de la DGF. Ceux-ci seront donc un peu plus élevés que prévu. 

Pour rappel, les 150 millions d'euros qui abondent la DGF en 2025 alimenteront la moitié de la hausse de la DSU et de la DSR (+300 millions d'euros finalement). L'autre moitié sera financée par "l'écrêtement" de la dotation forfaitaire de plusieurs milliers de communes dont la richesse dépasse un certain seuil (en sachant que celles ne percevant pas de dotation forfaitaire sont exonérées) et la "minoration" de la dotation de compensation des intercommunalités à fiscalité propre. C'est par ce canal que sera également financée la hausse de la dotation forfaitaire liée à la croissance démographique en 2025 (43,4 millions d'euros). Sur le sujet, on retiendra que le CFL a décidé de reconduire la clé de répartition utilisée en 2024. À savoir : 60% de ces besoins de financement mis à la charge de la dotation forfaitaire des communes et 40% à celle de la dotation de compensation des intercommunalités.

Les communes "écrêtées" devront renoncer à quelque 114 millions d'euros. La dotation de compensation des intercommunalités sera réduite de son côté de 76 millions d'euros. Mais comme celle-ci doit aussi financer l'abondement de 90 millions d'euros de la dotation d'intercommunalité, elle baissera au total de 166 millions d'euros en 2025.

DSR : 41 millions d'euros en plus pour les "bourgs-centres"

S'agissant de la DSR, la loi de finances pour 2025 a prévu que la part de la progression de la dotation allouée à la fraction "péréquation" (laquelle, en dépit de sa dénomination, est perçue par plus de 33.000 communes) ne peut être inférieure à 60%. Il revenait donc au comité de décider de la ventilation des 40% restants. Finalement, comme l'an dernier, il a choisi de répartir l'accroissement disponible à 75% sur la fraction "bourg-centre" (qui augmente de 41,8 millions d'euros) et à 25% sur la fraction "cible" bénéficiant aux 10.000 communes rurales les plus défavorisées (qui s'accroît de 13,9 millions d'euros).

Concernant les départements, le CFL a laissé inchangé le montant de la hausse des dotations de péréquation (+10 millions d'euros) prévue dans la loi de finances pour 2025. Une progression qui est financée par un "écrêtement" de la dotation forfaitaire des départements. Comme l'an, dernier, l'instance a fléché les trois quarts de ces 10 millions d'euros vers la dotation de péréquation urbaine (DPU) et le restant vers la dotation de fonctionnement minimale (DFM).

Le CFL s'est par ailleurs penché sur un projet d'ordonnance visant à généraliser le compte financier unique - document qui réunit le compte de gestion et le compte administratif - et un projet de décret permettant la mise en œuvre des modifications inscrites dans la dernière loi de finances en ce qui concerne les dotations et la péréquation. Localtis évoquera ces projets de textes dans une prochaine édition.

 

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