Budgets 2025 : les intercommunalités face aux "chocs"

Lors d'une table-ronde organisée le 21 janvier à Paris, dans le cadre de la traditionnelle "journée Finances" d'Intercommunalités de France, des acteurs locaux ont indiqué comment ils tentaient de "garder le cap" dans le contexte actuel, marqué par de fortes incertitudes. Parmi celles-ci figure entre autres le report de la publication des montants de dotation globale de fonctionnement (DGF) perçus par chacune des communes et communautés. Une conséquence de l'absence, à ce jour, de loi de finances pour 2025, dont la directrice générale des collectivités a fait l'annonce à l'occasion du colloque.

Avec son calendrier rallongé et jalonné de rebondissements, l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, que le gouvernement espère voir définitivement achevé en février, crée "un choc d'incertitudes" pour les collectivités et leurs groupements, en pleine période de préparation de leurs propres budgets. 

Les économies records que le PLF 2025 met à la charge des collectivités – 5 milliards d'euros ramenés finalement à 2,2 milliards – sont aussi bien sûr en cause. Il faut dire, par ailleurs, que depuis les réformes ayant remplacé de la fiscalité locale (en particulier la taxe d'habitation sur les résidences principales et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) par des recettes nationales, la loi de finances revêt une sensibilité accrue. "Chez nous, et ce n'est sans doute pas une exception, la TVA représente 50 % des produits. Si on élargit aux dotations, ce sont les deux tiers de nos recettes qui dépendent de ce qui se décide en loi de finances", a indiqué Pierre-Matthieu Terrien, directeur des finances mutualisées de Valence Romans Agglomération (220.000 habitants)

Provision budgétaire

Et lorsque la loi de finances aura été publiée – cela devrait bien arriver -, le gouvernement promulguera sans doute le décret qui relève de 12 points – en principe sur la période 2025-2028 – le taux de cotisation des employeurs territoriaux au régime de retraite des fonctionnaires territoriaux. Avec la mesure, la masse salariale de l'agglomération drômoise augmentera mécaniquement d'environ 4% chaque année (le "glissement vieillesse technicité" induisant entre 2% et 2,5% de progression et la hausse des cotisations vieillesse +1,5%). "C'est un sacré choc", estime Pierre-Matthieu Terrien. Comme les communes, les intercommunalités devront, enfin, faire face à la réduction (parfois brutale) des aides des départements et des régions, lesquels n'ont pas d'autre choix que de réduire la voilure, souligne le directeur des finances.

En dépit d'inconnues encore nombreuses, le conseil communautaire de Valence Romans Agglo a adopté, le 12 décembre, le budget de l'agglomération pour 2025. En tenant compte des mesures inscrites dans un PLF qui a été rejeté à l'Assemblée nationale et à l'avenir incertain, en raison de la démission du gouvernement de Michel Barnier. À cette fin, les élus réunis sous la présidence de Nicolas Daragon ont notamment acté la constitution d'une provision de 2,6 millions d'euros. Il s'agissait de pouvoir faire face à un prélèvement au titre du fonds de réserve - le dispositif inscrit dans la première version du PLF et visant à ponctionner quelque 450 grandes collectivités et intercommunalités - dans l'éventualité où celui-ci devait survivre aux péripéties politiques. Cela "a mis considérablement sous tension notre budget", a relaté Pierre-Matthieu Terrien. 

Vote du budget reporté

L'expert n'exclut pas qu'à l'avenir la communauté d'agglomération décale au mois de mars le vote de son budget. "Jusque-là voter en décembre, c'était plutôt vertueux. Mais si on en arrive à des incertitudes croissantes - pas forcément dans le schéma de crise actuelle - mais avec des mesures et un dialogue parlementaire qui changent considérablement la face de ce qui va se voter, on sera sans doute obligé de, tous, décaler", prédit-il même.

Les élus de la communauté de communes Somme Sud-Ouest ont, eux, reporté le vote du budget 2025. Cela offrait l'opportunité pour "tous les élus et services" de la structure de mener un travail d'"analyse du coût des services", a relaté Isabelle de Waziers, la vice-présidente en charge des finances. En somme une revue des dépenses à l'échelle de cette intercommunalité rurale réunissant 119 communes et 38.000 habitants.

Décisions difficiles

Il s'agit aussi d'un "travail de sensibilisation" à l'égard de la population, a complété l'élue, avec par exemple une communication sur le coût des services (tel que l'emprunt d'un livre ou une place en crèche). Il reviendra "peut-être" à la conférence des maires de "prendre des décisions sur certaines politiques que l'on va diminuer ou arrêter", a poursuivi la vice-présidente. Les décisions difficiles seront ainsi prises "de manière collective". Par ailleurs, les services communautaires devront faire des économies. Il devrait leur être demandé "de rester dans le CFU 2024" – cela signifie-t-il une stabilisation de la dépense en 2025, en euros constants ?

Du côté de l'investissement, les marges de manœuvre des intercommunalités pour espérer obtenir rapidement des économies, ne sont pas immenses, a estimé Sébastien Miossec, président délégué d'Intercommunalités de France. Par exemple, la communauté d'agglomération de Quimperlé, qu'il préside, peut effectuer des arbitrages sur "une dizaine de millions d'euros", soit une part minoritaire de la "cinquantaine de millions d'euros" que représente le plan pluriannuel d'investissement (PPI) - hors eau et assainissement - jusqu'en 2028. De surcroît, "vu les délais entre le moment de la décision et le moment où on réalise, ce sont des investissements qui, de toute façon, n'impactent vraiment que 2027, 2028 ou 2029", a-t-il fait remarquer.

› DGF : la répartition des montants pour 2025 sera communiquée avec retard

C'est une conséquence de l'absence, à ce jour, d'une loi de finances pour 2025 : la direction générale des collectivités locales (DGCL) ne sera pas en mesure de communiquer, fin mars, les montants de dotation globale de fonctionnement (DGF) qui reviennent à chacun de ses bénéficiaires (communes, intercommunalités à fiscalité propre et départements). 

La chose est "certaine", a annoncé la directrice générale des collectivités locales, Cécile Raquin. La publication des données - qui a une valeur indicative – interviendra "plutôt, nous l'espérons, début avril au plus tard, avec un délai le plus court possible", a-t-elle poursuivi, ce 21 janvier, devant les élus intercommunaux réunis au théâtre Mogador, à Paris.

La direction générale des collectivités locales (DGCL) avait mis en ligne, le 30 mars dernier, les données individuelles relatives à la DGF (sur le site gouvernemental consacré aux dotations). Les années précédentes, elle essayait de respecter l'échéance de la fin du mois de mars. 

Les rebondissements survenus au cours de la discussion parlementaire du PLF 2025 ne sont pas seuls en cause. "Le sénat a voté un certain nombre d'ajustements de critères de la DGF", a fait valoir par ailleurs la directrice générale. Lorsqu'"il y a de nouvelles données à collecter, de nouveaux critères à paramétrer dans les machines, il ne [nous] est pas possible de répartir la DGF au 31 mars (…). C'est un vrai sujet de préoccupation pour nous", a-t-elle déclaré.

Les collectivités et leurs groupements ont la possibilité de voter leurs budgets jusqu'au 15 avril. Mais le code général des collectivités territoriales prévoit qu'en cas d'absence de communication à l’organe délibérant, avant le 31 mars, d’informations indispensables à l’établissement du budget - les données sur la DGF sont considérées comme telles -, le délai de vote est fixé à 15 jours à compter de la communication de ces informations. Des collectivités pourront donc se saisir cette année de cette possibilité pour l'adoption de leur budget. 

Cécile Raquin s'est par ailleurs voulue rassurante sur l'attribution en 2025 des crédits des dotations d'investissement - dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

Ces dépenses de l'État, de nature "discrétionnaire", ne peuvent être accordées dans le cadre de la loi spéciale et du décret relatif aux services votés de fin 2024. Les crédits 2025 relatifs à ces dotations ne seront donc "mis à la disposition des préfets qu'après le vote de la loi de finances".

"À ce stade, on peut relativiser le sujet", a estimé la directrice générale. Explication : "les crédits sont mis à la disposition des ministères tous les ans, plutôt vers le 15 février". "Le sujet se poserait en des termes compliqués si on n'avait pas de loi de finances [à l'échéance de] fin février ou début mars". On prendrait alors du retard par rapport à une gestion habituelle", a constaté la haute fonctionnaire.

T.B.

 

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