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Brigitte Klinkert : "Avec le SPIE, on va faire baisser le chiffre des bénéficiaires du RSA"

Expérimenté depuis 2020, le "service public de l’emploi et de l’insertion" s’étend désormais à 80 départements. Fin 2022, la Dares tirera un bilan de cette réforme, annonce dans une interview à Localtis la ministre déléguée chargée de l’insertion, Brigitte Klinkert, qui met en avant, exemples à l'appui, les apports de cette coordination renforcée entre acteurs de l'insertion.

Localtis - Malgré la reprise économique, le nombre d’allocataires du RSA ne diminue pas. Qu’est-ce qui pose problème au niveau des politiques publiques de l’emploi ?

Brigitte Klinkert -
 Les bénéficiaires du RSA sont souvent confrontés à plusieurs difficultés qui font obstacle à une reprise d’activité : un besoin de formation, un problème de logement, de santé, ou de mode de garde. Pour les aider, il faut mobiliser les bonnes solutions au bon moment, sans attendre plusieurs mois. En général, celles-ci existent, mais elles sont portées par une grande diversité d’acteurs : l’État, les opérateurs, les collectivités. Les professionnels disent ne pas toutes les connaître. Il faut aussi aborder la question du projet professionnel dès le départ. Quand j’étais présidente du conseil départemental du Bas-Rhin, on me disait souvent qu’il fallait d’abord régler les freins sociaux avant d’aborder la question de l’emploi. Cette approche est illusoire.

Le service public de l’emploi et de l’insertion (SPIE) est désormais étendu à 80 départements. A quoi s’engagent-ils ?

L’appel à manifestation d’intérêt pose un certain nombre d’exigences. Il y a un socle commun : la mise en place d’un entretien de diagnostic à la fois professionnel et social, une coordination du parcours dans la durée, et un accès facilité aux offres d’accompagnement. Ensuite, les consortiums adaptent la mise en œuvre à leur territoire.

De quelle manière ?

Dans le Nord par exemple, les acteurs se sont donné pour objectif d’accélérer le retour à la formation qualifiante ou à un emploi des personnes qui travaillent dans les chantiers d’insertion. Les professionnels de ces chantiers, du département et de Pôle emploi proposent ensemble leur CV à des entreprises.

Quant au Bas-Rhin, il a mis en place une plateforme d’orientation des bénéficiaires du RSA qui réalise un entretien sur la situation de la personne dans un délai réduit de 18 jours au lieu de plusieurs mois. Une partie des personnes bénéficie ensuite d’un job coaching, un accompagnement intensif et personnalisé sur trois mois.

Dans l’Yonne, l’entretien de diagnostic est désormais effectué à la fois par un travailleur social et par un conseiller Pôle emploi. Cela met en place une dynamique, tant au niveau des bénéficiaires que de ces acteurs qui ne se connaissaient pas. Nous voulons élargir ce codiagnostic si possible à tous les départements car il s’agit d’une excellente base.

L’expérimentation a débuté en 2020 avec 14 départements. Quels en sont les premiers résultats ?

On observe déjà que dans le Bas-Rhin, les résultats de retour à l’activité et à la formation sont très positifs. Dans l’Yonne, la mise en place du codiagnostic a permis d’orienter 70% des bénéficiaires du RSA vers un accompagnement professionnel, contre 45% avant la mise en place, de l’expérimentation. Avec le SPIE, on va arriver à faire baisser le chiffre des bénéficiaires du RSA.

Dans les territoires, les bénéficiaires du RSA sont reçus plus rapidement en entretien. Dans le Nord par exemple, ce délai est passé de deux mois à 15 jours. On propose aux territoires un "service rendez-vous insertion" qui permet aux allocataires du RSA d’être contactés par mail et SMS et de prendre un rendez-vous en ligne. Cet outil est utilisé dans les Ardennes depuis juillet 2021, l’Yonne et la Drôme. D’ici le mois de mars, dix départements utiliseront ces outils.

Combien de bénéficiaires du RSA sont à ce jour concernés par ces nouvelles procédures ?

Je n’ai pas de données sur ce sujet. Nous sommes en train de créer un nouvel outil numérique, le carnet de bord, qui permet aux différents professionnels d’échanger et de partager les données relatives aux allocataires du RSA. Il est déjà testé en Seine-Saint-Denis et dans la Marne depuis la mi-2021, et va être généralisé à l’ensemble du territoire.

Un bilan du SPIE est-il prévu ?

La Dares remettra une évaluation à la fin 2022.

Dans son rapport sur le RSA présenté le 13 janvier (voir notre article), la Cour des comptes souligne les enjeux de coordination entre les acteurs de l’emploi et de l’insertion. Elle relève par exemple la difficulté pour les départements d’accéder aux fonds de formation régionaux. La répartition des compétences entre collectivités est-elle un sujet ?

Dans son rapport, la Cour des comptes recommande de créer une instance départementale qui associe l’État, le département, la CAF, la région et Pôle emploi. La gouvernance du SPIE va déjà plus loin : les consortiums réunissent non seulement ces acteurs, mais aussi les autres partenaires comme les missions locales, les Cap emploi, les organismes de formation, les acteurs du logement…

La présence des régions y permet de mieux intégrer l’offre de formation. Avec l’appui de Régions de France et de Pôle emploi, les Alpes-Maritimes, le Nord et l’Indre-et-Loire utilisent le logiciel Ouiform pour prescrire directement des formations, sans passer par les régions. En Bretagne, les formations sont modifiées dans le cadre du SPIE.

Les départements vont-ils devoir renforcer leurs moyens pour que le SPIE atteigne ses ambitions, comme en Seine-Saint-Denis ?

Non, les territoires sont tous différents. Il y a plein de solutions, d’acteurs dans les territoires. Tous les outils numériques que nous proposons visent à faciliter le travail des professionnels. Au-delà du carnet de bord, du service rendez-vous insertion que j’évoquais précédemment, on propose par exemple un outil qui recense toutes les offres d’accompagnement d’un territoire (mobilité, hébergement, garde d’enfants) avec le contact direct des professionnels de chaque structure. Cette cartographie est testée dans les Ardennes et à La Réunion depuis la mi-2021. Enfin, un annuaire va recenser des entreprises dans lesquelles il sera possible d’effectuer des immersions professionnelles, avec un outil numérique qui dématérialise la convention signée entre l’entreprise, le prescripteur et les bénéficiaires.