Le service public de l’insertion et de l’emploi "peut avoir du sens", à condition d’être décentralisé
"Le service public de l’insertion peut avoir du sens, mais en faisant confiance aux territoires pour le conduire", a déclaré Frédéric Bierry. Le président de la commission "Solidarité et affaires sociales" de l’Assemblée des départements de France réclame une décentralisation accrue pour améliorer l’impact des politiques d’insertion.
La crise met à rude épreuve les politiques d’insertion des départements. Confrontés à une hausse du nombre d’allocataires du RSA, ces collectivités sont d’autant plus attendues sur le sujet dans le contexte de la mise en place du service public de l’insertion et de l’emploi (Spie). Ce projet, annoncé par le président de la République en 2018, vise en effet à accélérer et à améliorer l’accompagnement vers l’emploi des personnes les plus en difficulté, grâce, notamment à une meilleure coordination des acteurs de terrain (Pôle emploi, départements, CAF…) sur le terrain.
Actuellement expérimenté dans 45 territoires - principalement des départements qui obtiennent des financements en ingénierie -, le "service public de l’insertion" devrait en concerner 80 d’ici la fin de l’année (voir notre article du 21 avril 2021). Le président de la commission "Solidarité et Affaires sociales" de l’ADF, Frédéric Bierry, reste encore prudent quant à l’impact de cette nouvelle politique. "Le service public de l’insertion peut avoir du sens, mais en faisant confiance aux territoires pour le conduire et là, les départements ont un rôle majeur à jouer", a-t-il déclaré mardi 18 mai, interrogé par l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis).
Selon lui, c’est à l’échelle des "bassins de vie" que se dessine "la réponse adaptée à chaque personne". Il faut mettre "autour de la table les CCAS (centres communaux d’action sociale), les CIAS (centres intercommunaux d’action sociale), le monde économique", mais aussi les agences de Pôle emploi, qui "ont les troupes sur le terrain", les structures d’insertion par l’activité économique… et l’élu de citer le modèle des démarches telles que Territoires zéro chômeur de longue durée.
Une décentralisation insuffisante
Le problème est selon lui que les politiques d’insertion se heurtent à une décentralisation qui n’est pas "pas aboutie". "Aujourd’hui les départements n’ont pas le droit de communiquer aux maires la liste des bénéficiaires du RSA. On marche sur la tête", a illustré Frédéric Bierry. Or les maires ou les adjoints - dans les petites communes notamment - connaissent bien les problématiques de leurs administrés : ils sont donc en capacité d’"affiner" l’accompagnement pour plus d’efficacité.
La décentralisation manque également dans les règles d’attribution du RSA, selon Frédéric Bierry, qui regrette que des emplois non pourvus soient refusés par ces derniers. "On est très limités dans les exigences qu’on peut avoir vis-à-vis des personnes (…) ce serait à chaque département de le gérer en proximité, en simplicité et sortir de toutes les lourdeurs administratives."
Dans la même logique, Frédéric Bierry regrette que les départements n’aient plus le levier des aides économiques pour stimuler l’emploi local. "On est dans une forme de rigidité et de segmentation de l’action publique qui est néfaste", explique-t-il.
Service public de l’insertion : risque d’une "usine à gaz"
Hormis l’expérimentation de la prise en charge du financement et de l’attribution du RSA par l’État à laquelle plusieurs départements se sont déclarés intéressés, la question des compétences autour de l’insertion n’est pas évoquée dans le dossier de presse présentant le projet de loi 4D, dévoilé le 12 mai en conseil des ministres. Du côté de l’État, la priorité autour du service public de l’emploi et de l’insertion se trouve ailleurs : "J’ai le sentiment qu’on évolue plutôt vers une mise en réseau des acteurs plutôt qu’une clarification d’un chef de file identifié en termes institutionnels", a déclaré la directrice générale de la cohésion sociale Virginie Lasserre, devant l’Ajis.
La représentante de l’administration met aussi en avant l’appui de l’État prévu en matière de services numériques pour faciliter le travail des acteurs de l’insertion. L’équipe "data.insertion" de la DGEFP (délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle) travaille ainsi sur l’automatisation de la transmission d’informations entre Pôle emploi, les caisses d’allocations familiales et les départements, comme dans le Var. "C’est là où l’État peut nous aider. Aujourd’hui (…) il n’y a pas de fluidité de l’information entre Pôle emploi, la CAF (caisse d’allocations familiales) et nos systèmes d’informations", convient Frédéric Bierry. "Mais s’il faut refaire un système d’information nouveau (…) je reste prudent. L’idée est bonne (…) mais attention à ne pas faire une usine à gaz."