Relever le défi de l'adaptation des logements sociaux au changement climatique

Face à l’urgence climatique, le parc immobilier social doit aussi s’adapter. Inondations, vagues de chaleur, tempêtes… Les aléas climatiques se multiplient et fragilisent les logements, mettant en péril le confort et la sécurité des locataires. La Banque des Territoires accompagne les bailleurs sociaux pour évaluer la vulnérabilité de leur patrimoine et financer des solutions d’adaptation.

Le changement climatique : des risques accrus qui impactent notamment le parc social

Sous l'effet du changement climatique, les épisodes extrêmes deviennent plus nombreux et plus intenses. C'est le cas des canicules, des incendies, des inondations, des tempêtes, des avalanches… De nouveaux risques apparaissent également progressivement avec l'élévation du niveau de la mer et le recul du trait de côte

Tous ces phénomènes peuvent générer de lourds dégâts dans les logements et avoir de graves conséquences sur la santé et le confort des locataires. Les logements mal isolés se transforment en bouilloires thermiques, le retrait-gonflement des sols argileux cause des fissures sur les murs et menace la stabilité structurelle des bâtiments, les inondations peuvent détruire des équipements essentiels comme des chaudières…

La quasi-totalité des logements sociaux sont soumis au moins à un aléa climatique. Mais les territoires les plus exposés sont l'Outre-mer, les littoraux, les zones de montagne et les zones urbaines très denses.

Ariane Schroder, Chargée de projet Taxonomie à la Direction des Prêts de la Banque des Territoires

Certains territoires sont donc davantage en première ligne et c'est là que les efforts doivent se porter en priorité. Des adaptations d'autant plus nécessaires que faire avec l'existant est un impératif. En effet, 80 % de la ville de 2050 existe déjà aujourd'hui (Sylvain Grisot et Christine Leconte, 2022).
 

Analyser l'exposition aux risques climatiques

Si les acteurs du logement social sont parfaitement conscients des menaces, ils sont confrontés à une vraie difficulté à appréhender les risques, faute de diagnostics précis. Pour agir efficacement, il faut donc d'abord établir un état des lieux.

Les bailleurs sociaux jouent un rôle clé dans l’évaluation de la vulnérabilité de leur parc et le niveau d’exposition aux risques climatiques. Cette démarche importante permet aux acteurs du logement social d’encore mieux protéger les locataires, en assurant à la fois leur sécurité et leur confort.

Nil Bayik, Cheffe de projets Logement social à la Direction des Prêts de la Banque des Territoires

Poser un constat prend du temps et implique des moyens financiers. La Banque des Territoires propose d'accompagner les bailleurs sociaux en co-finançant cette action d'analyse d’exposition et de vulnérabilité du parc immobilier.

Nous voulons donner l'impulsion au lancement des études d’analyse de l'exposition et de la vulnérabilité aux risques. Ces études comprennent également des visites sur site afin d'identifier les travaux prioritaires à réaliser et les solutions adaptatives à mettre en œuvre en développant un plan d'actions priorisées avec chiffrage.

Marine Bonnard, Cheffe de projets Ingénierie territoriale à la Direction du Réseau et des Territoires de la Banque des Territoires

Dès lors, la Banque des Territoires mobilise une enveloppe de crédits d’ingénierie de 3 millions d'euros pour co-financer jusqu’à 50 % les études engagées par les bailleurs sociaux qui travaillent concrètement sur la vulnérabilité aux risques climatiques de leur parc bâti.

La Banque des Territoires met également à disposition des outils digitaux pour aider les bailleurs sociaux à mieux connaître et gérer leur parc. Ainsi, le dispositif PrioRéno Logement Social, jusqu’à présent axé sur la rénovation énergétique, devrait bientôt s'enrichir d'une nouvelle brique offrant une vision globale des risques climatiques, afin de mieux orienter et prioriser les actions d’adaptation. 
 

L'exemple de CDC Habitat

Depuis 2020, CDC Habitat, opérateur global de l'habitat d'intérêt public et filiale de la Caisse des Dépôts, a initié une démarche afin de mesurer l'exposition de son patrimoine aux aléas climatiques.

Pour ce faire, CDC Habitat a développé un outil de Diagnostic de Performance Résilience (DPR) et ciblé les 10 % de son parc les plus vulnérables (dits « en rouge »), soit 500 sites identifiés comme étant les plus à risque.

Cette première phase de diagnostic permet de mesurer l’exposition du patrimoine aux risques actuels et futurs tels que les inondations, tempêtes, mouvements de terrain ou sécheresses. Ainsi, elle alimente progressivement un outil d'aide à la décision, permettant de bien définir les travaux à mener, leur coût et les résultats attendus.
 

Passer à l’action

L'adage populaire, qui affirme qu'il vaut mieux prévenir que guérir, se révèle également juste en immobilier.

En matière de logements, l'anticipation consiste souvent à composer un bouquet de solutions, parfois accessibles en apparence, mais qui nécessitent en réalité une approche cohérente et bien pensée pour réduire efficacement l'exposition aux risques.

Nil Bayik, Cheffe de projets Logement social à la Direction des Prêts

Pour lutter contre les effets des canicules, l'ajout de stores ou de brise-soleil, la végétalisation des façades ou la plantation d'arbres sur des points stratégiques sont des solutions efficaces pour se protéger de la chaleur et participer à diminuer la température à l'intérieur des logements.

Face au risque inondation, une maintenance régulière des égouts, afin de retirer les feuilles et les détritus qui s'accumulent, facilite l'écoulement de l'eau lors de précipitations abondantes. Pour prévenir les dommages causés par les crues, un logement situé en rez-de-chaussée pourra être transformé en local à vélos et la chaudière collective pourra être positionnée plus en hauteur.

Les espaces non bâtis doivent également être traités. La désimperméabilisation favorise l'infiltration des eaux dans les sols plutôt que leur ruissellement et la végétation, pas trop proche des bâtiments pour prendre en compte le risque incendie, peut aussi absorber d'importantes quantités de pluie. 
 

Un panel de solutions de financement pour réaliser les travaux d'adaptation

Les travaux d'adaptation au changement climatique constituent un chantier de taille et les sommes à engager le sont tout autant. Rien que pour mieux se prémunir face aux pics de chaleur, il faudrait investir entre 1 et 2,5 milliards d'euros par an (selon une étude climat de l’Institut de l’économie pour le climat (l4CE) parue en 2022) sur l'ensemble du parc de logements.

Pour réaliser les travaux indispensables, les bailleurs sociaux peuvent solliciter différents types de prêts auprès de la Banque des Territoires : l'éco-prêt et le prêt PAM (Prêt à l'Amélioration). 

L'an dernier, les montants de prêts en réhabilitation accordés se sont élevés à 675 M€ pour les éco-prêts, qui ont bénéficié à plus de 40 000 logements pour des opérations de réhabilitation énergétique, et à 2 Md€ pour les prêts PAM de réhabilitation énergétique (en complément éventuellement de l'éco-prêt) et de réhabilitation classique.

Finalement, grâce aux dispositifs de financement et aux outils d’accompagnement mis en place, les bailleurs sociaux disposent des leviers nécessaires pour investir dans des solutions durables. L’enjeu est double : garantir des logements sûrs et confortables aux habitants tout en contribuant à une ville plus résiliente et adaptée pour faire face aux défis climatiques de demain.

Les experts

Marine Bonnard

Cheffe de projet Ingénierie territoriale à la Direction du Réseau et des Territoires

Diplômée de l'École urbaine de Sciences Po Paris, Marine Bonnard a notamment exercé au sein du cabinet EY avant de rejoindre la Caisse des Dépôts en 2023. Cette cheffe de projets en ingénierie territoriale a pour mission d'appuyer la structuration et le déploiement de projets de décarbonation et d'adaptation des territoires au changement climatique au sein de la Direction du Réseau de la Banque des Territoires. 

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Nil Bayik

Cheffe de projets Logement social à la Direction des Prêts

Entrée à la Caisse des Dépôts en 2012 comme économiste au sein de la Direction des fonds d'épargne, Nil Bayik a ensuite pris en charge la réalisation et le pilotage d'études économiques et sectorielles dans le domaine de l'habitat. Aujourd'hui Cheffe de projets Logement social, elle participe à la conception et au développement des nouvelles offres de financement, à la mise en œuvre opérationnelle de ces offres, et assure l'adaptation de la gamme de financements existants.

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Ariane Schroder

Chargée de projet Taxonomie à la Direction des Prêts

Diplômée de Sciences Po Paris et de l'Université de Manchester, Ariane Schroder a d'abord travaillé sur les sujets environnementaux et sociaux au sein de la Direction des affaires publiques de Danone. En décembre 2023, elle rejoint la Direction des prêts de la Banque des Territoires en tant que Chargée de projet taxonomie pour contribuer aux travaux sur la taxonomie verte européenne et aux autres initiatives liées aux enjeux extra-financiers.

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