Avec Vesto, le matériel de restauration reconditionné fait souffler un vent nouveau et circulaire dans l’industrie

Partie intégrante de la transition écologique, le reconditionnement de matériels joue gagnant sur tous les plans : économique, industriel, environnemental, social et territorial. La Banque des Territoires soutient cette filière, inscrite dans l’économie sociale et solidaire (celle-ci représentant 10 % du PIB et 14 % des emplois en France). Gros plan sur la PMI Vesto, un des emblèmes de ces nouvelles approches « à impact ».

D’une entreprise nouvelle à une filière nouvelle

Quand le réel dépasse l’imagination… C’est un peu l’histoire de Vesto, entreprise fondée en 2020 par trois vingtenaires (Bastien Rambaud, Anne-Laurène Harmel et Wilfrid Dumas). Cette jeune pousse, spécialisée dans le reconditionnement de matériels de cuisine, est devenue le fer de lance d’une nouvelle branche industrielle, en cours de structuration dans cinq autres filières : le luminaire industriel, la blanchisserie, l’outillage électroportatif professionnel, la caféterie et la restauration rapide.

 On ne pensait pas endosser un tel rôle, mais comme personne ne s’en chargeait, on s’est décidé à aller plus loin dans notre ambition, celle de lutter contre le gaspillage de matériels techniques professionnels.

Bastien Rambaud, cofondateur et directeur général de Vesto

"Par exemple, dans la seule restauration, ce sont 30 000 tonnes d’équipements qui sont jetées chaque année. Or, reconditionnés, ces frigos et ces fours vivent une deuxième voire une troisième vie, tout en coûtant de 30 % à 70 % moins cher aux professionnels." Ce sont autant de métaux non extraits des sols et de plastiques non produits, alors que le jour du dépassement de la Terre avance chaque année d’un jour.1

Croissance à grande vitesse

L’histoire de Vesto n’est pas celle de bonnes fées, mais de bons faits, alignés justement. Lors de ses expériences en restauration, Bastien Rambaud avait constaté cet enjeu crucial de matériels jetés, parfois après seulement quelques jours ou semaines d’utilisation.

Avec ses associés, ils débutèrent leur activité de reconditionnement dans un local de 10 m2, puis la transférèrent rapidement dans un atelier de 1 000 m2 à Romainville, en Seine-Saint-Denis. En 2023, face à la hausse continue de l’activité, Vesto s’est déplacée dans une usine de 7 000 m2, à Compans, en Seine-et-Marne.

« Nous devrions compter 50 salariés fin 2024, sachant que les autres filières de reconditionnement que nous créerons représenteront un potentiel de centaines d’embauches et de plusieurs usines », indique Bastien Rambaud.

Une économie régénérative, soutenue par la réglementation

« Non hasard » du calendrier, la naissance de l’entreprise en 2020 fut concomitante de l’entrée en vigueur de la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC). « L’ESS est un secteur innovant, qui défriche des sujets en avance de phase, analyse Hélène Sananikone, Investisseuse à impact au sein de la Banque des Territoires. Il y a trente ans, Paprec était une entreprise d’insertion. C’est désormais un groupe international de recyclage qui emploie 16 000 personnes dans dix pays. L’innovation sociale rejoint la dynamique environnementale, dans une logique de temps long, où d’autres types de rentabilités (extra-financiers) sont privilégiés ».

Le modèle vertueux instauré par Vesto illustre bien la stratégie d’investissement de la Banque des Territoires en soutien de ces modèles « à impact ». « La transition écologique et la réindustrialisation sont liées, poursuit Hélène Sananikone. La résolution des enjeux écologiques et sociaux passe naturellement par l’ESS et l’industrie. Par exemple, une tonne de matériel de restauration reconditionné évite l’émission de 8 tonnes de CO2 ».

Agréée « entreprise solidaire d’utilité sociale » (ESUS), Vesto a déjà permis d’éviter 1359 tonnes de CO2 par le réemploi d’équipements vendus à plus de 300 établissements clients. Et du fait de la loi AGEC, les organismes publics doivent investir dans des matériels de seconde main à hauteur de 20 % du montant de leurs investissements au minimum. « Sachant que la moitié du matériel de restauration est utilisée par des administrations et des collectivités, et que le reconditionné ne représente que 5 % de ces achats, la progression de ce marché sera à la fois mécanique et puissante », anticipe Bastien Rambaud.

D’écologique à solidaire

L’industrie circulaire pratiquée par Vesto englobe aussi les aspects sociaux du travail. Si initialement l’entreprise s’était focalisée sur les gains écologiques procurés par le reconditionnement, elle a ajouté une corde à son arc en 2022. « En faisant nos premiers pas dans le marché du reconditionné, nous avons rencontré des structures expérimentées comme la fédération Envie, Emmaüs, et nous avons réalisé à quel point l’aspect social est essentiel dans cette filière ».

Désormais, Vesto se pense et agit en employeur responsable. Du fait que les machines reconditionnées sont techniques et lourdes (120 kg en moyenne), les aspects d’insertion et d’adaptation sont intégrés à travers deux démarches complémentaires :  

  • sur le plan technique, Vesto collabore avec des lycées professionnels d’Ile-de-France, spécialisés dans la maintenance d’équipements électriques et électroniques. « Les jeunes en formation y sont régulièrement en situation d’échec ou de décrochage. Nous leur proposons des stages et des emplois d’été. Le succès est tel que les premiers bacheliers accompagnés, que nous voulions embaucher, ont tous choisi de poursuivre leurs études en BTS ! », confie le cofondateur ;
  • sur la partie nettoyage, dégrippage et changement de pièces simples, Vesto développe l’insertion en accueillant des personnes en « périodes de mise en situation en milieu professionnel » (PMSMP), au terme desquelles elles peuvent se voir proposer des CDI, qu’elles soient ou non titulaires de diplômes.

Preuve que cette nouvelle approche de l’industrie concilie, de façon bénéfique, la triple dimension économique, écologique et sociale.

Un investisseur facilitateur

À l’automne 2023, Vesto a franchi un palier important avec une levée de fonds de trois millions d’euros, dont un million apporté en fonds propres par la Banque des Territoires. « La Banque des Territoires est un investisseur dans le temps long, pertinent et réactif, qui représente pour nous un ‘centre de ressources’ sur tout ce qui touche aux projets de l’ESS, aux programmes de soutien à l’industrie, aux relations avec les collectivités, détaille Bastien Rambaud. La Banque des Territoires nous a aussi aidés à définir nos indicateurs d’impacts positifs : tonnes de déchets et de CO2 évitées, nombre d’emplois créés (dont ceux en insertion), nombre de stages réalisés ... Ce dialogue stratégique est précieux car il nous apporte de la sagesse ».

 Depuis 2019, nous avons investi six millions d’euros en direct dans des PMI de l’ESS, et plus de vingt millions via des fonds à impact .

Hélène Sananikone, Investisseuse à impact, La Banque des Territoires

La Banque des Territoires, via son offre d’accompagnement et de financement de l’économie sociale et solidaire, est ainsi entrée au capital d’entreprises actives dans le reconditionnement, la lutte contre le gaspillage, les places de marché solidaires, des ressourceries – recycleries locales, telles que Envie Autonomie, Uzaje, Label Emmaüs, LemonTri, Moulinot, Valo’, Ecodair, Keenat, la R’mize... 

 

Sources

1 Calculée par le Global Footprint Network, la date du 1er août correspond à la date à laquelle l’humanité a consommé (empreinte écologique) l’ensemble des ressources que la Terre peut produire en une année (biocapacité). 

Cinq types de freins dans le passage à l’échelle de l’industrie ESS

  1. Une méconnaissance réciproque entre les entreprises sociales et les structures industrielles « conventionnelles ».
  2. Le risque de concurrence avec ces sociétés.
  3. La méconnaissance des financements disponibles pour le changement d’échelle et les difficultés d’accès aux leviers d’investissement existants.
  4. La disponibilité limitée des ressources foncières et immobilières.
  5. La difficulté à recruter, former et fidéliser les salarié(e)s.

Cinq types de leviers dans le passage à l’échelle de l’industrie ESS

  1. Favoriser les coopérations économiques entre entreprises de l’ESS et entreprises industrielles conventionnelles
  2. Promouvoir et/ou adapter les stratégies et les outils de financement existants
  3. Développer une stratégie foncière facilitant l’accès des entreprises de l’ESS à des locaux industriels
  4. Faire des entreprises de l’ESS des partenaires RH incontournables pour le recrutement des talents dans l’industrie
  5. "ESS-iser" les filières industrielles

Source : synthèse d’une étude de la Banque des Territoires, 2024. 

Hélène Sananikone

Investisseuse à impact, La Banque des Territoires

Diplômée en finance des universités Paris Dauphine et Lyon II, Hélène Sananikone a débuté sa carrière en 2005 en tant qu’auditrice financière chez Deloitte, avant d’intégrer la Fondation Grameen Crédit agricole comme responsable d’investissements en Social Business. Elle a rejoint La Banque des Territoires en 2023. Depuis 2008, elle intervient en parallèle comme administratrice, experte ou mentor de structures de l’économie sociale et solidaire : Phare Ponleu Selpak, Laiterie du Berger, AFI Factory, Uzaje, MakeSense for Entrepreneurs.

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Bastien Rambaud

Cofondateur et directeur général de Vesto

Diplômé d’écoles de commerce (HEC) et de cuisine (Ferrandi), Bastien Rambaud est passionné de gastronomie, d’écologie et de création d’entreprise. Après une première expérience entrepreneuriale avec Terre d’apéro, il a cofondé Vesto en 2020 avec deux associés, société dont il pilote les aspects stratégiques, financiers et commerciaux.

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