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Biodiversité : des ABC aux ARB, le Sénat récite son abécédaire

Un colloque organisé le 14 octobre au Sénat a valorisé les initiatives territoriales en faveur de la biodiversité. Lorsqu'elles sont menées à bien, les bienfaits observés sont rapides. Mais faute de financement, elles peinent parfois à essaimer.

La palette d'outils mis à disposition des collectivités pour lutter contre l’érosion de la biodiversité et renforcer la place de la nature en ville s'est enrichie ces dernières années. Parmi eux, l'atlas de la biodiversité communale (ABC), démarche d'inventaire et de valorisation du patrimoine naturel, est quasi la doyenne du haut de ses dix années, fêtées l'an prochain. L'objectif d'atteindre 1.500 ABC réalisés devrait alors être atteint, ou du moins débattu lors du congrès mondial de la nature de l'UICN qui se tiendra en juin prochain à Marseille. 

Ingénierie, les besoins ne se fanent pas

"À mi-parcours, notre ABC aide à élargir le spectre des acteurs locaux impliqués, au-delà des initiés, et facilite l'appropriation des enjeux, avec un degré de réactivité satisfaisant", a témoigné Laëtitia Cour, adjointe à l'environnement à Saint-Aubin-du-Cormier (Ille-et-Vilaine), lors d'un colloque organisé le 14 octobre sur le sujet au Sénat en partenariat avec l'Agence française pour la biodiversité (AFB). Le temps de la débrouille semble révolu. Au début, des communes pionnières comme Niort (Deux-Sèvres) ou Saint-Rémy-en-Comté (Haute-Saône) composaient avec les moyens du bord (service civique, emplois d'avenir, appui associatif). L’AFB mobilise dorénavant des financements pour aider les communes qui manquent de moyens pour endosser le pilotage d'une telle démarche sur trois ans. Guides méthodologiques, séminaires nationaux, retours d'expériences et cartographie - la dernière carte nationale des ABC se fait d'ailleurs attendre -, elles peuvent aussi s'appuyer sur une batterie d'outils.

Dans un bilan des ABC conduits en Auvergne-Rhône-Alpes, est néanmoins pointée l'hétérogénéité des financements et le besoin de clarifier, de coordonner les contributions. Du chemin reste aussi à parcourir pour ne pas se contenter d'outils de connaissance et faire des ABC un outil de gestion, de suivi, de développement des politiques d'aménagement local. De façon générale, pour progresser, "une ingénierie de la biodiversité est nécessaire à tous les territoires", observe le directeur général de l'AFB, Christophe Aubel. Progresser ? "C'est-à-dire stopper et faire reculer la chute. Les effectifs s'effondrent, des espèces disparaissent. Localement, des outils fonctionnent. Par exemple dans les aires protégées, les effectifs d'oiseaux remontent assez nettement", motive le professeur Luc Abbadie, vice-président du conseil scientifique de l’AFB. Courant 2020 émergera une nouvelle stratégie nationale des aires protégées terrestres et marines. Pour l'alimenter, deux séminaires de réflexion sont calés à Biarritz du 22 au 24 octobre, à Paris le 25 octobre, et leur restitution dès mars prochain.  

Clan des sept 

Autre date butoir, la création en janvier prochain de l'Office français de la biodiversité (OFB), qui rassemblera l'AFB et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Le nouvel office doit couvrir le champ d’expertise des deux établissements et en restaurer la dimension territoriale au travers des fameuses agences régionales de la biodiversité (ARB). "Il interviendra en complémentarité avec les ARB", confirme la secrétaire d'État, Emmanuelle Wargon. À ce stade, cinq ARB sont pleinement créées. Celles de Normandie et de Bretagne sont en passe de l'être. En Nouvelle-Aquitaine les échanges se poursuivent, recense le service Partenariats dans les territoires de l’AFB. De même pour les travaux engagés dans les Hauts-de-France, Grand Est, Pays de la Loire et Martinique (concrétisation de partenariats cadres). Le premier conseil d’administration de l’ARB de Bourgogne-Franche-Comté a été installé en juillet, son démarrage effectif est prévu en novembre. Le processus de création d’une ARB a aussi débuté en Guyane, probablement sous la forme d'un GIP. "En Guadeloupe, un travail de préfiguration se poursuit. Mettre à disposition de l'ingénierie aux communes qui agissent très concrètement sur le terrain devient un besoin urgent", presse Ferdy Louisy, maire de Goyave (Guadeloupe).

Réintroduire de l'équité

L'initiative de reconnaissance "Territoire engagé pour la nature" (TEN) fait aussi des émules. "Elle concernera une centaine de collectivités d'ici la fin de l'année", prévoit Christophe Aubel. En Guadeloupe justement, la communauté d'agglo du Nord Grande-Terre est l'une des cinq collectivités reconnues TEN. Rencontré lors des dernières assises de la biodiversité (voir notre article du 21 juin), son vice-président Pierre Porlon, par ailleurs adjoint au maire du Moule, se félicitait de cette reconnaissance tout en remettant les points sur les i (de biodiversité) : "L'outre-mer, c'est 80% de la biodiversité française. Plus qu'être reconnus, nous voulons être sollicités. Ne plus se sentir la cinquième roue du carrosse. C'est nous qui faisons le gros du travail !" Un avis partagé, de façon moins tranchée, par Ferdy Louisy : " Les collectivités d'outre-mer peuvent-elles, à elles seules, préserver 80% de la biodiversité française ? Oui, mais à condition qu'elles soient amplement soutenues. Combien d'entre elles peuvent se payer un accompagnement dans un programme de restauration des récifs coralliens ? Sachant qu'en Guadeloupe, à peine cinq communes ont des finances stables, que le climat social est détérioré et que les habitants ont en tête d'autres priorités comme l'emploi ou les risques naturels ? Il est temps de rétablir des équilibres. Le rôle des ARB, c'est justement de réintroduire de l'équité", conclut Ferdy Louisy, qui vice-préside par ailleurs l'AFB.