Beauvau lance une campagne de "culpabilisation" contre la consommation de drogue
Alors que les parlementaires s'attèlent en ce moment à muscler l'arsenal législatif pour lutter contre les trafics de stupéfiants, le ministère de l'Intérieur lance, à partir de ce dimanche, une campagne choc pour sensibiliser - et même culpabiliser - les consommateurs.

© Ministère de l'Intérieur
"La campagne que nous allons diffuser n'est pas une campagne de sensibilisation, mais une campagne de culpabilisation", a assumé le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, en présentant à la presse la grande campagne de prévention de la consommation de drogue qui va démarrer à partir de dimanche et jusqu'au 2 mars. Elle sera diffusée à la télévision, sur les réseaux sociaux, les plateformes de streaming et affichée dans les transports avec ce slogan : "Chaque jour, des personnes payent le prix de la drogue que vous achetez."
Le clip d’une trentaine de secondes, sur fond noir, s’inspire des campagnes choc de la sécurité routière et évoque la "chaîne meurtrière" qui va du consommateur au trafiquant. Le financement de la campagne est assuré "par les biens qui sont confisqués aux trafiquants de drogue", a souligné le ministre.
"En 2024, les infractions liées aux stupéfiants ont nettement progressé, que ce soit pour l’usage (+10%) ou le trafic (+6 %)", indique le ministère de l’Intérieur, qui précise que les consommateurs appartiennent "à toutes les classes d’âge" et que "de nouveaux moyens relatifs aux trafics de stupéfiants ont émergé : les livraisons à domicile, les Ubershits, la logistique avancée, les promotions et publicités, l’utilisation des réseaux sociaux qui facilitent la mise en relation des consommateurs et des trafiquants".
1,1 million de Français ont consommé de la cocaïne en 2023
"Fumer un joint, prendre un rail de cocaïne, c'est avoir du sang sur les mains", a encore assené le ministre. "Overdoses, règlements de comptes, fusillades, enlèvements avec séquestration… Le trafic de stupéfiants draine dans son sillage des victimes toujours plus nombreuses et plus jeunes", insiste son ministère dans son dossier de presse.
"En 2023, 1,1 million de Français en ont pris au moins une fois dans l'année contre 600.000 en 2017", alertait l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) dans une étude publiée le 27 janvier. Le marché de la cocaïne est "en passe de devenir le premier marché de drogues illicites en valeur avant le cannabis". Cette expansion s’inscrit "dans un contexte d’explosion de la production mondiale grâce aux gains de productivité et l’optimisation de trafic", explique l’observatoire. Elle peut s’expliquer aussi par la pénibilité des conditions de travail dans des métiers marqués par des cadences difficiles (marins-pêcheurs, restauration…). Dans une autre étude, l’observatoire soulignait la diversification des modes de consommation avec la diffusion de la cocaïne base (crack) ou le développement de nombreuses drogues de synthèse, notamment dans les milieux de la "fête", des "chemsex" ou encore l'apparition des opioïdes (voir notre article du 14 janvier).
Le milieu politique n'a pas de raison d'être épargné, c'est ce qui a poussé le maire écologiste de Grenoble, Éric Piolle, à appeler lundi à conduire "de façon anonyme" des tests de recherche de stupéfiants sur les parlementaires et les ministres pour "voir si le problème touche aussi les cercles de décisions".
Cette campagne intervient au moment où le gouvernement muscle son discours et apporte son soutien à la proposition de loi narcotrafic, adoptée à l'unanimité au Sénat cette semaine (voir notre article du 5 février).