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Baromètre de la commande publique : après quatre années de baisse, la reprise se confirme

L'année 2017 a été marquée par une reprise de la commande publique. Cette petite embellie, dont témoignent les derniers résultats du Baromètre de la commande publique mis en place par la Caisse des Dépôts et l'Assemblée des communautés de France, est principalement à mettre au crédit des collectivités locales. Avec, certes, des nuances en fonction du type de marchés et des politiques publiques. Les acteurs locaux espèrent maintenant que 2018 permettra de confirmer les signaux positifs et sera l'année d'un réel rebond de l'investissement sur les territoires.

Après quatre années de baisse continue, la commande publique a bel et bien dessiné une reprise l'an dernier. Tel est le premier enseignement que l'on retiendra des résultats 2017 du Baromètre de la commande publique présenté ce mardi 30 janvier par Marc Abadie, directeur du réseau et des territoires de la Caisse des Dépôts, et Jean-Luc Rigaut, président de l'Assemblée des communautés de France (ADCF). Sur un an, cette reprise se chiffre à +7,1%, soit +5,1 milliards d'euros.
L'embellie est toutefois à relativiser si l'on considère la courbe depuis cinq ans : le niveau atteint en 2017, de 77,3 milliards d'euros, demeure de 20% inférieur à celui qui avait été observé en 2012. Il était alors de 96 milliards d'euros. En regardant cette année 2017 d'un peu plus près, on constatera que le quatrième trimestre (20,1 milliards) est venu confirmer une hausse amorcée au deuxième trimestre (20,8 milliards) après le creux du troisième trimestre (18,6 milliards), à peine au-dessus du premier (17,9 milliards).
"C'est la première fois depuis la création de ce baromètre que l'on peut esquisser un sourire. Les deuxième et quatrième trimestres sont traditionnellement ceux au cours desquels les collectivités prennent leurs décisions. Ce quatrième trimestre marque un vrai rebond, qui laisse augurer des éléments intéressants pour cette année, même s'il reste du chemin à faire", a commenté mardi Marc Abadie. Qui sait notamment que par rapport au cycle électoral, 2017 aurait en principe dû afficher de meilleurs résultats. "Nous observons pour 2017 le frémissement que l'on aurait dû avoir en 2015, année n+1 suivant les élections", a complété sur ce point Nicolas Portier, délégué général de l'ADCF.

Ce Baromètre de la commande publique, mis en place en 2015 – avec un historique depuis 2012 – par la Caisse des Dépôts et l'ADCF, avec la contribution de la société Vecteur Plus, est un outil permettant de modéliser l'ensemble des contrats relevant de la commande publique (y compris les délégations de service public et les marchés de partenariat), en couvrant l'ensemble des maîtres d'ouvrage : les collectivités et leurs groupements, l’Etat et ses établissements publics nationaux (EPN), les entreprises publiques locales (EPL), les hôpitaux, les bailleurs sociaux, les opérateurs publics… Avec des résultats pouvant être croisés en fonction de la destination de la dépense (vingt grandes thématiques : bâtiments, habitat, environnement, santé-social, voirie, etc.), de la nature des prestations (travaux, fournitures, services et ingénierie) et de l'échelle territoriale (régionale, départementale, intercommunale). "C'est un bel outil, un outil unique", souligne Jean-Luc Rigaut. Pour lui, les chiffres collectés permettent à la fois de "tordre le cou à certaines idées reçues" (celle de collectivités dépensières collectionnant les ronds-points par exemple...) et d'"alerter".

D'une région à l'autre, une relative homogénéité

Les données territorialisées sont intéressantes. Où l'on remarque immédiatement que la reprise est constatée dans quasiment toutes les régions de métropole et d'outre-mer (voir carte page 6 du document à télécharger ci-dessous), à l'exception de la Bretagne, qui affiche une baisse de 2,4% (une petite baisse sans doute liée au fait, tout simplement, que cette région partait d'un haut niveau de commande publique). Les plus fortes hausses sont enregistrées en Corse (+36%), en Bourgogne-Franche-Comté (+16,2%) puis, loin derrière, en Ile-de-France (+8,4%) et en Nouvelle-Aquitaine (+7,7%).
Au-delà de ces variations, en termes de volumes, la répartition de la commande publique par région reste en fait quasi-identique à celle de 2016. Avec des poids régionaux qui révèlent peu de surprises. L'Ile-de-France, en tant que siège des administrations centrales et de grandes collectivités, est naturellement prédominante, suivie par la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Ramenés au nombre d'habitants, les chiffres affichent toutefois des niveaux beaucoup plus homogènes. En métropole, le montant par habitant va ainsi de 1.214 euros en Bretagne à 950 euros dans les Hauts-de-France. Et Marc Abadie de considérer que cette "homogénéisation" représente un atout en termes de cohésion des territoires. Une exception insulaire, toutefois, pour la Corse et ses 2.181 euros par habitant. Poids traditionnel du secteur public sur l'île, poids du "coût fixe" de chaque investissement rapporté à la population, fin du programme exceptionnel d'investissement (PEI), approche de la fusion... les raisons sont multiples. L'outre-mer connaît aussi des montants plus élevés que les autres régions françaises, dans une fourchette comprise entre 1.306 euros pour la Guyane et 1.481 euros pour la Martinique.

Dès lors que l'on s'intéresse aux catégories d'acheteurs, le poids des collectivités et de leurs groupements est évidemment prépondérant, représentant 53,6% de l'ensemble de la commande publique, un pourcentage quasi identique à l'année précédente. La part de l'Etat et des opérateurs publics a légèrement progressé en un an (respectivement 16,3% et 5,3%). A contrario, celle des bailleurs sociaux connaît une petite inflexion (12,9%, contre 13,9% en 2016). L'attentisme du secteur du logement social face aux premières annonces du nouvel exécutif a sans doute joué. Les difficultés statistiques liées à la multiplication des programmes mixtes en Vefa peuvent également être invoquées.
En toute logique, ce sont bien les collectivités et leurs EPCI qui ont stimulé la reprise de 2017, tout comme ce sont elles qui avaient pesé sur la tendance baissière jusqu'en 2016. Elles sont ainsi à elles seules à l'origine de plus de la moitié (54%) de la hausse observée l'an dernier. "Ce sont bien les collectivités qui sont au cœur du sujet, l'Etat est presque hors jeu", souligne Jean-Luc Rigaut.
Toutes les politiques publiques ont, certes à des degrés divers, connu cette reprise : bâtiments, voirie, social et santé, environnement, scolaire, culture / sports / loisirs, aménagement, transport, numérique, tourisme... à l'exception du champ logement-habitat, qui a subi une baisse de 3,9%. Bien que son poids reste modeste en volume, c'est "le secteur du numérique qui affiche la plus forte hausse, avec +17,8%", note Marc Abadie.

Travaux : un rebond lié au renouvellement

En termes de "nature" de marchés, ce sont les marchés de fourniture (+8%), de services (+18%) et d'ingénierie (+8%) qui ont tiré la commande publique vers le haut, tandis que les marchés de travaux, qui avaient connu une chute, particulièrement nette entre 2013 et 2014, se sont stabilisés.
Plus en détail, on constate que les marchés de travaux des collectivités et de leurs groupements ont progressé en 2017 : +6,5%. En sachant que ces collectivités représentent pas moins de 60% du volume annuel de l'ensemble des marchés de travaux, avec un volume de 16,8 milliards. Rien à voir toutefois avec le volume qui était celui de 2012, de 27 milliards, soit une baisse de 38%.Toutes les catégories de collectivités ou groupements sont concernés par la hausse de 2017, sauf les EPCI à fiscalité propre (-7%). Jean-Luc Rigaut explique cette exception des EPCI par le vaste mouvement de réorganisation qui a marqué l'intercommunalité l'an dernier.

Tous MOA confondus, il est important de noter que la reprise concerne en fait les travaux de renouvellement et de rénovation (+5,6%), tandis que les travaux neufs, eux, sont toujours en déclin (-5,7%). "Les travaux ont été la variable d'ajustement. Mais les chiffres liés au renouvellement montrent que l'on ne sacrifie plus l'entretien" du patrimoine immobilier ou des infrastructures, commente Marc Abadie. Jean-Luc Rigaut explique aussi que les travaux de renouvellement sont largement liés aux multiples mises à niveau exigées en matière, notamment, d'accessibilité et de performance énergétique.
Si l'on se penche sur les marchés d'ingénierie, là encore, les collectivités dominent puisqu'elles sont à l’origine de plus de la moitié des commandes de prestations d'ingénierie de l'ensemble du secteur public, avec une hausse de 4% en 2017. Les hausses liées à l'ingénierie sont loin d'être anodines. Il y a un an déjà, lors de la présentation des précédents résultats (voir notre article ci-dessous), le sursaut des marchés d'ingénierie avait auguré de l'embellie confirmée aujourd'hui. "Les marchés d'ingénierie sont forcément précurseurs de projets à venir", relève Marc Abadie. "On en verra les effets dans les années qui viennent", confirme Jean-Luc Rigaut.

2018 "doit être l'année de la reprise"

Les résultats du Baromètre offrent un focus sur les collectivités. En sachant que, de façon inchangée depuis 2012, le bloc local concentre 60% des achats des collectivités, dont 49% pour les seules communes.
La destination varie bien sûr sensiblement selon le niveau de collectivités concerné. Communes, communautés et conseils départementaux investissent en premier lieu dans les bâtiments et l’aménagement (respectivement 7,6 milliards, 2,9 milliards et 2,4 milliards), tandis que la dépense des syndicats intercommunaux est très largement fléchée vers l’environnement (2,5 milliards) et celle des conseils régionaux vers le champ scolaire (660 millions).
De multiples autres croisements de données sont possibles. En observant par exemple les données par région et par destination, on retrouvera une fois encore une relative homogénéité, Corse mise à part. Ainsi, pour la destination "bâtiments publics et aménagement", le montant par habitant va de 305 euros en Auvergne-Rhône-Alpes à 386 euros en Paca. Les investissements dans le domaine de l’environnement (eau, assainissement, déchets, énergie) varient toutefois davantage d’une région à l’autre, de 73 euros par habitant en Ile-de-France ou 86 euros dans les Hauts-de-France à 151 euros en Bretagne ou 147 euros en Nouvelle Aquitaine.

Au final, la légère embellie constatée l'an dernier permet surtout d'espérer "que 2018 sera l'année de la reprise de l'investissement sur les territoires", a insisté Jean-Luc Rigaut, comme il l'avait fait le 17 janvier lors des vœux de son association. "2017 a été une année de recompositions territoriales, de repositionnement des acteurs. De ce fait, la commande publique est malgré tout restée molle. Il est donc indispensable que cette année soit celle du redressement. C'est notre credo, notre message principal", développe-t-il. Selon lui, plusieurs facteurs positifs "convergent" – pas question, donc, de rater le coche : des indices de reprise économique globale, des élus locaux "ayant à cœur de sortir leurs projets"... sans oublier naturellement le fait que les années de baisse unilatérale des dotations de l'Etat aux collectivités soient désormais révolues. Place, pour les grandes collectivités, au mécanisme de contractualisation prévu par la loi de programmation des finances publiques. L'ADCF rappelle à ce titre la "bataille" qu'elle a menée avec succès pour que les dépenses d'investissement soient exclues du mécanisme. "Jusqu'à la Conférence nationale des territoires, ça n'était pas gagné", se souvient Nicolas Portier. Et Marc Abadie de mettre en avant la "lisibilité" dont devraient bénéficier les collectivités grâce au pacte financier tel que dessiné par l'accord issu de la CNT. "Des projets, sur les territoires, il y en a. Il s'agit aujourd'hui de trouver de nouveaux modes de financement. L'objectif de la Caisse des Dépôts est précisément de soutenir l'investissement sur les territoires", poursuit-il, en soulignant qu'un certain nombre de programmes structurants sont d'actualité. Dont le programme "Action Cœur de ville" (voir notre dossier), emblématique en ce qu'il sera, par le soutien aux projets de revitalisation de quelque 200 centres-ville, "un important facteur de dissémination de l'investissement sur les territoires".