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Décentralisation - Avec un enthousiasme mesuré, le Sénat adopte le projet de loi sur l'action publique territoriale

Les sénateurs ont adopté en deuxième lecture, par 156 voix contre 147, le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale. Après des débats passionnés sur la métropole du Grand Paris, ils ont débattu de dispositions plus techniques concernant par exemple la prévention des inondations.

Après l'examen marathon sur les articles relatifs à la métropole du Grand Paris (lors des séances des 3 et 4 octobre), le Sénat a continué sa course de vitesse le 7 octobre, puis dans la nuit du 7 au 8 octobre, afin de venir à bout des dispositions restantes du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles. Dans la foulée, il a adopté le texte, 156 sénateurs se prononçant pour et 147 faisant le choix inverse. Côté pour, dix sénateurs centristes et trois de l'UMP ont ajouté leur voix aux socialistes et aux radicaux de gauche. Côté contre, dix centristes, ainsi que les groupes communistes et écologistes ont mêlé leurs voix à cent deux sénateurs du groupe UMP. Comme au premier tour, les abstentionnistes ont été nombreux à l'UMP (27 sénateurs) et au centre (15 sénateurs).
Lors des explications de vote, plusieurs intervenants ont souligné l'importance de "faire entendre la voix du Sénat" en votant un texte. L'objectif est atteint, car non seulement le projet de loi a passé l'étape du Sénat, mais celui-ci porte bien sa "griffe". Ainsi, dans le viseur du Sénat, au motif qu'il pourrait lui faire concurrence, le Haut Conseil des territoires est passé à la trappe (lire ci-contre notre article du 3 octobre). En outre, les conférences territoriales de l'action publique (CTAP) sont de nouveau régies par des modalités souples, celles qu'a voulues le Sénat dès la première lecture. Les sanctions prévues par le gouvernement ont également disparu. Par ailleurs, les compétences dévolues à la métropole du Grand Paris sont allégées par rapport à ce que prévoyait le texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale (lire notre article du 7 octobre).
Dans les dernières heures de l'examen du projet de loi, le Sénat a essentiellement adopté des dispositions consistant en des ajustements techniques.

Taxe pour la prévention des inondations

S'agissant des métropoles autres que celles de Paris, Lyon et Marseille, la Haute Assemblée a procédé à de menus aménagements. Elle a adopté un amendement prévoyant que le département et la métropole passeront avant le 1er janvier 2017 un accord sur la gestion de la voirie départementale située sur le territoire de la métropole. A défaut de convention, la compétence est transférée de plein droit à la métropole. Elle a aussi autorisé le conseil de la métropole à créer quatre ans après la création de la structure une commission permanente, à qui elle délègue une partie de ses attributions, dans le but de rendre plus aisée et rapide la prise de décisions. Il faut se souvenir que la commission des lois du Sénat avait, le 18 septembre, restauré le caractère facultatif de la transformation en métropole pour les intercommunalités concernées. C'était le principal souhait du Sénat.
On notera que, sans surprise, les sénateurs ont rejeté un amendement du groupe écologiste proposant de rétablir dans le texte l'élection au suffrage universel direct d'une partie des conseillers métropolitains en 2020. En commission, les sénateurs avaient supprimé cette disposition introduite en première lecture par les députés, sur proposition du gouvernement. Dans l'hémicycle du palais du Luxembourg, la ministre de la Réforme de l'Etat n'a pas défendu ce principe.
Les sénateurs ont apporté des précisions aux dispositions concernant la prévention des inondations par les communes ou les communautés. Ils ont décidé de la création d'une seule taxe – au lieu de deux – afin d'assurer son financement. Elle serait acquittée par les personnes physiques ou morales assujetties aux taxes foncières, à la taxe d’habitation et à la cotisation foncière des entreprises. Son montant serait limité à 40 euros par habitant et par an. Rendement espéré : 600 millions d'euros.
Ils ont encore prévu la possibilité pour les collectivités de créer des établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau, ainsi que des établissements publics territoriaux de bassin. Ces groupements qui réuniraient plusieurs communes et éventuellement plusieurs intercommunalités, seraient chargés de la gestion des cours d'eau et de la prévention des inondations. Le transfert à ces établissements de la gestion des ouvrages précédemment assurée par les départements, les régions et l'Etat pourrait faire l'objet, par convention, d'une compensation.
Les sénateurs ont aussi précisé les conditions d'indemnisation des communes et groupements victimes de catastrophes naturelles de grande ampleur.

"Pôles ruraux d'équilibre"

Le Sénat n'a pas retouché les dispositions sur les "pôles ruraux d’équilibre et de solidarité territoriale". Il faut dire que la commission des lois du Sénat avait remodelé substantiellement le dispositif imaginé par les députés, afin de le rendre moins "contraignant", selon le rapporteur de la commission du développement durable, Jean-Jacques Filleul. "L’objectif que nous avons assigné à ces pôles est d’être un outil de coopération et de synergie destiné à la mise en œuvre de projets communs, et non le préalable à une nouvelle refonte de la carte intercommunale", a-t-il souligné, critiquant ainsi la version adoptée par l'Assemblée.
Les sénateurs ont enfin adopté des amendements d'ordre technique sur le stationnement payant, la gestion des fonds européens et les communautés urbaines.
Avant le vote final, la ministre de la Réforme de l'Etat a renoncé à soumettre à une seconde délibération trois amendements sénatoriaux qui, au grand dam du gouvernement, réduisent le champ d'intervention de la métropole du Grand Paris. Elle a voulu "éviter de prendre un risque trop grand", a-t-elle avoué.
Le projet de loi doit à présent retourner à l'Assemblée nationale pour la seconde lecture. On peut s'attendre à ce qu'elle rétablisse le Haut Conseil des territoires et les CTAP dans leur version votée par les députés en première lecture.