Autoconsommation d'électricité : la Commission de régulation de l'énergie lance une concertation
Phénomène sociétal ou niche vouée à le rester ? Pour Jean-François Carenco, président de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), "l'autoconsommation d'électricité est une pratique en plein développement qui nécessite d'être intelligemment interrogée". Une concertation est lancée jusqu'à l'automne, avant de trancher début 2018 sur le sujet tarifaire.
"Rentable, techniquement possible et portée par une certaine vision du citoyen dans la société, l'autoconsommation d'électricité est une dynamique inéluctable qui peut générer le pire comme le meilleur." Ce constat teinté de prudence est de Jean-François Carenco, président de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). L'ancien préfet de la région Ile-de-France et de Paris a expliqué, en ouverture d'un colloque consacré le 12 septembre à ce sujet, qu'il revient au régulateur de veiller à ce que cette pratique produise les meilleurs effets - en optimisant par exemple la production et les coûts liés au réseau ou en renforçant la participation citoyenne - mais aussi de veiller à éviter le pire, et "qu'elle ne fasse pas le lit du communautarisme ou signe un retour à une vision féodale de l'énergie".
Des réalités très différentes
Une concertation est donc lancée, qui s'achèvera à l'automne prochain. A son issue, cette autorité administrative indépendante donnera "d'ici décembre 2017 ou janvier 2018" son avis et un positionnement plus tranché sur cet épineux sujet. "Pour l'heure la concertation débute et prend la forme de cinq ateliers thématiques qui réuniront chacun une trentaine d'acteurs et d'experts au siège à Paris. Le sujet tarifaire fera pour sa part l'objet d'une consultation publique", ajoute Domitille Bonnefoi, directrice des réseaux à la CRE. Le régulateur ne se déplacera pas en région, comme il a pu le faire dans le cadre de précédentes concertations comme celle, beaucoup plus large, sur les smart grids. Les cinq thèmes retenus pour ces ateliers sont l'autoconsommation individuelle, l'autoconsommation collective, les mécanismes actuels de soutien, le cadre contractuel (complexe dans le cas de l'autoconsommation collective) et les offres de fourniture. "L'autoconsommation recouvre en effet des réalités très différentes qui ne génèrent pas les même bénéfices pour l'autoconsommateur et pour le système électrique", lit-on dans les éléments de réflexion que la CRE publie à cette occasion.
Concilier avec le maintien d'une solidarité nationale
Si le phénomène reste marginal - la CRE recense 14.000 autoconsommateurs, "soit 0,04 % des 37 millions de clients raccordés aux réseaux publics de distribution d’électricité" - il suscite aujourd'hui un réel engouement avec "près de la moitié des nouvelles demandes de raccordement de production aux réseaux de distribution qui sont en autoconsommation". Cela représenterait une production annuelle comprise entre 9 et 20 terawattheures, soit au maximum environ 4% de la consommation électrique française et cela permettrait aux foyers concernés d'économiser en moyenne 100 euros par an sur leur facture d'énergie, a détaillé lors du colloque Xavier Piechaczyk, membre du directoire du gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE.
Par certains aspects, ce développement viendrait réinterroger le modèle énergétique français. L'autoconsommation est en effet un phénomène "par essence localisé", poursuit le document de réflexion servant de base à la concertation lancée par la CRE, à l'opposé du modèle actuel de fourniture d'électricité qui "ne prend pas en compte la dimension spatiale des flux". Il implique en outre de réinterroger le sens à donner à deux principes chers aux élus locaux et aux collectivités, qui sont, rappelons-le, organisatrices des distributions d'électricité en tant qu'autorités concédantes : les principes de péréquation (tarifs de fourniture et de réseau indépendants de la localisation sur le territoire national du site de soutirage, ndlr) et de timbre-poste (le fait de rendre la tarification de l'accès au réseau indépendante de la distance entre le site d'injection et le site de soutirage, ndlr).
Il est donc temps d'ouvrir le débat, de se concerter et de rassembler, d'autant que des collectivités notamment régionales n'ont pas attendu et déjà affiché un soutien net à l'autoconsommation, via des appels à projets pour des installations photovoltaïques comme en Occitanie. A ce sujet, la CRE invite à veiller à ce que ces soutiens ne soient pas conçus de façon à "favoriser des effets contraires à l'objectif national de maîtrise de demande de l'énergie (MDE) ou à "entraîner des comportements purement financiers et absurdes du point de vue du système électrique".
De son côté, le gouvernement est "en réflexion" pour prolonger une exonération de taxe pour l'autoconsommation, a déclaré Michèle Pappalardo, directrice de cabinet du ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot. En parallèle, a-t-elle ajouté, le gouvernement va augmenter les volumes prévus d'appels d'offres dédiés à l'autoconsommation à partir de 2018.