Au Sénat, des représentants des travailleurs indépendants tirent la sonnette d’alarme
Le second confinement aggrave la situation des travailleurs indépendants, loin d’être remis des derniers mois de crise économique et sanitaire. Au Sénat, les organisations représentant ces non-salariés ont réclamé, jeudi, augmentations et simplification des aides.
Deux semaines après le reconfinement et quelques heures avant les annonces de Jean Castex, plusieurs organisations représentant les travailleurs indépendants auditionnées par la délégation aux entreprises du Sénat alertaient, jeudi 12 novembre, sur la situation de leurs adhérents, replongés dans les difficultés depuis les nouvelles restrictions sanitaires du gouvernement. Celles-ci sont pourtant reconduites pour une nouvelle quinzaine de jours (voir notre article) en raison de la gravité de la situation sanitaire.
Or la fermeture des commerces "non-essentiels" crée "un nouveau choc" dont les répercussions se feront sentir "dans les semaines qui viennent", s’inquiétait pourtant Frédéric Lavenir, président de l’Association pour le droit à l’initiative économique, qui aide au démarrage de petites entreprises. Pour le président du syndicat des indépendants, Marc Sanchez, "la situation est très grave, beaucoup plus grave que dans le cadre du premier confinement". Il alerte sur un "climat légèrement contestataire" parmi les indépendants, qui réclament avant tout "une date de reprise quel que soit le protocole sanitaire".
Des aides "technocratiques" et "ridicules"
Les aides ne sont plus à la hauteur de la crise selon le syndicat des indépendants. "Les catégories sectorielles dans le fonds de solidarité ne correspondent pas à une réalité économique large", dénonce Marc Sanchez, réclamant ainsi une "politique de prise en charge générale massive moins technocratique et moins compliquée à mettre en place". "L’imbroglio des aides est une réalité. Bien souvent le cordonnier ne sait pas qu’il est dans une appellation de réparation d’objets informatiques et usuels", ajoute le président de l’Union des entreprises de proximité (U2P), Laurent Munerot. Ainsi observe-t-il des "trous dans la raquette" avec des secteurs très impactés mais n’étant pas concernés par les aides, comme par exemple les retoucheries indirectement frappées par l’arrêt des enseignes d’habillement.
Faute d’appartenir aux secteurs S1 et S1bis (jusqu’à 10.000 euros selon la perte de chiffre d’affaires et l’application du couvre-feu), la somme de 1.500 euros issue du fonds de solidarité est jugée "ridicule" par Marc Sanchez au regard de la dégradation continue des comptes des indépendants depuis le début de la crise. "Le gouvernement a réduit drastiquement le fonds de solidarité au bénéfice d’une hypothétique reprise qui s’est plus ou moins profilée à partir du mois de juin", abonde François Hurel, président de l’Union des auto-entrepreneurs. Il estime que 50% des indépendants ne bénéficient ni d’une aide ni d’un chiffre d’affaires "suffisant pour tenir suffisamment longtemps". Plus globalement ce sont les effets de seuil qui posent problème, selon Stéphane Chevet, président de l’Union des indépendants, une organisation affiliée à la CFDT. Les indépendants ont à choisir entre interrompre leur activité afin de bénéficier des aides ou la maintenir au risque de ne pas tenir.
De 1.000 à 3.000 euros d’aides supplémentaires
Des situations qui conduisent ces représentants à réclamer des aides supplémentaires : 500 à 1.000 euros par mois pour l’Union des autoentrepreneurs, "prime de relance" de 3.000 euros (Adie) et montant minimum du fonds de solidarité porté à 3.000 euros pour le syndicat des indépendants.
Ces intervenants réclament aussi des mesures fiscales, dont davantage d’exonérations. Et pour cause, les Urssaf ne proposent pas des étalements à 36 mois mais "à 6 mois", regrette Marc Sanchez, ajoutant que désormais, "plein de commerces nous disent qu’ils ne seront pas en capacité de payer la CFE", ajoute-t-il, demandant aussi des solutions à ce sujet.
Si le gouvernement ne leur a pas donné satisfaction sur ces deux sujets jeudi soir, il avance sur l’épineux problème des loyers : selon leur taille, les bailleurs pourront bénéficier d’un crédit d’impôt correspondant à 50% du loyer abandonné et un tiers du loyer dans le cas de plus grandes surfaces. Cette mesure sera intégrée dans le PLF 2021 en cours d’examen.
La digitalisation jugée hors sujet par les indépendants
Le e-commerce, une solution pour les petits commerçants ? Alors qu’un soutien de 500 euros a été annoncé par Bercy à destination des commerces pour financer par exemple l’ouverture d’un site internet (voir notre article), les représentants des petits indépendants soulignent tous que cette alternative n’a rien d’une solution miracle. Selon Marc Sanchez (Syndicat des indépendants), la digitalisation ne peut représenter qu’une petite part du chiffre d’affaires des commerces dans la mesure où les clients sont avant tout à proximité. "Une stratégie de digitalisation se construit sur du temps long. (…) Avoir un site de e-commerce ce n’est pas le même métier qu’une boutique", ajoute Hind Elidrissi, présidente du syndicat independants.co, qui estime que les aides à la digitalisation sont largement insuffisantes au regard des investissements qu’implique une telle démarche.
Se pose enfin la question des fournisseurs de sites ou de plateformes aux "commissions trop élevées" inaccessibles pour des petits indépendants, rappelle Stéphane Chevet (Union des indépendants). Des difficultés auxquelles certaines initiatives, comme "MaVilleMonShopping", élaboré par une filiale du groupe La Poste, espèrent cependant pallier. Le gouvernement a aussi créé la plateforme www.clique-mon-commerce.gouv.fr pour recenser les solutions digitales labellisées.