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Au moins trois Campus d’excellence par région à l’horizon 2022 

Le gouvernement veut faire émerger des "Harvard" de la voie professionnelle en créant des campus rassemblant lycées, centres d'apprentissage et universités dans l'espoir de répondre plus directement aux besoins de main d'oeuvre. Une première vague de 23 campus a été annoncée jeudi 6 février 2020. 

Ce jeudi, ils n’étaient pas moins de quatre ministres - Travail, Education nationale, Enseignement supérieur, secrétariat d'Etat auprès du ministre de l'Economie -, à présenter les 23 campus lauréats de l'appel à projets "Campus des métiers et des qualifications d'excellence", qui vont obtenir un label. Un "coup de projecteur", bienvenu pour certains, sur cette filière qui concerne un lycéen sur trois. En lançant il y a deux ans la réforme de la voie professionnelle, le ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer, disait vouloir créer "un enseignement qui fasse envie", avec notamment des "Harvard du pro", du nom de la prestigieuse université américaine.

Quelque 80 "campus des métiers" existent déjà depuis 2013 mais ils pâtissent d'un manque de visibilité. En labellisant des campus "d'excellence", qui vont réunir à l'échelle d'une région des lycées professionnels, des centres d'apprentissage et des universités, le gouvernement espère pouvoir "faire rayonner la voie professionnelle". "Tout ce qui peut permettre de donner un coup de projecteur sur cette voie, qui pâtit d'un déficit d'image, est positif", réagit Mohamed Attia, du syndicat SE-Unsa. De plus, fait remarquer Frédérique Vidal, la ministre de l'Enseignement supérieur, "l’offre de formation, jusqu’à l’été 2018, était assez rigide ; on entrait dans des silos de formation, en se concentrant sur les connaissances acquises". "Aujourd’hui, on peut construire un diplôme par bloc de compétences", se félicite-t-elle. 

Favoriser l’émergence de Campus dédiés au secteur tertiaire

“En lien étroit avec chacun des présidents de région, l’objectif est donc de faire émerger au moins trois Campus d’excellence par région à l’horizon 2022”, a-t-il été rappelé lors de l’annonce des lauréats. Un nouveau cahier des charges pour les Campus des métiers et des qualifications, avec notamment la création d’une catégorie Excellence pour les campus répondant à un enjeu socio-économique territorial et national particulièrement stratégique, a été rédigé depuis le 13 décembre 2018. 

L’appel à projets reste ouvert jusqu’au 31 juillet 2020 avec deux dernières vagues de sélection les 16 mars et 1er juin 2020. Le cahier des charges a été complété en début d’année 2020 pour favoriser l’émergence de Campus dédiés au secteur tertiaire “C’est un message à toutes les régions à tous les projets : le jeu est ouvert pour une nouvelle vague très significative”, a encouragé Jean-Michel Blanquer.

80 millions d'euros pour une 1ere vague de 20 à 30 projets 

Quelque 665.000 élèves suivent actuellement un parcours scolaire menant à un CAP ou un bac professionnel. Leur insertion professionnelle reste peu satisfaisante : 51% des titulaires d'un CAP et 34% des bacheliers professionnels sont au chômage sept mois après l'obtention de leur diplôme. Dans le même temps, chaque année, plus de 150.000 offres d'emploi restent non pourvues, selon les données de Pôle emploi.
L'un des objectifs des campus sera de développer des formations portant sur de nouvelles spécialités afin de répondre au plus près aux besoins des entreprises. Un financement du programme investissement d'avenir (PIA3) doté de 80 millions d'euros permettra de soutenir une première vague de 20 à 30 projets. Cette somme est complétée par au moins 80 millions d’euros issus des différents acteurs du territoire. “La Banque des Territoires, opérateur majeur du PIA, apporte son expertise financière et technique au développement des Campus”, précise le dossier de presse.

“On a un gros défaut en France”

Dans tous les pays européens, de nouvelles approches de formation sont recherchées pour les jeunes : nouveaux diplômes, nouveaux contenus, nouvel environnement de travail, nouveaux modes d’apprentissage. “On a un gros défaut en France”, fait remarquer Frédérique Vidal, expliquant que lorsque l'on obtient son diplôme, “c’est une fois pour toute et c’est assez particulier dans le monde de l’enseignement supérieur. Partout ailleurs, on a un premier diplôme, une expérience professionnelle et puis on retourne se former et c’est beaucoup plus fluide”.  L’originalité française, c'est aussi "de mettre en synergie tous les acteurs d’une filière économique et de l’éducation au sein d’un territoire pour apporter à ces mutations une réponse juste (...]", souligne dans le dossier de presse. Un partenariat a par ailleurs été établi avec les territoires d’industrie pour soutenir, via les Campus d’excellence, la réindustrialisation des territoires. 

"Une vitrine" 

A Blagnac, près de Toulouse, le campus des métiers de la filière aéronautique et spatiale est l'un de ceux qui vont obtenir le label d'"excellence". Parmi ses projets : développer en quelques mois des enseignements portant sur de nouvelles spécialités.
"La production aéronautique sera bientôt totalement 'digitalisée', il faut que nous dispensions des formations sur mesure pour faire face à cette exigence", explique par exemple son directeur opérationnel, François Vives. En soulignant la volonté de "faire connaître la filière, de donner envie aux jeunes, en particulier aux filles".
Un autre campus basé à Oyonnax, dans l'Ain, spécialisé dans la plasturgie, a été labellisé. "Une reconnaissance", se félicite la directrice des opérations, Christelle Abis. "Nous allons pouvoir intégrer à notre campus des technologies novatrices, remettre à neuf notre internat, et colorer nos diplômes en fonction des besoins des entreprises de la région", explique-t-elle.

"Un coup de com" ? 

A en croire certains connaisseurs de la filière, comme Pascal Vivier, secrétaire général du Sneeta-FO, premier syndicat de la voie professionnelle, ces labels seraient avant tout un "coup de com'". "L'objectif d'en créer plusieurs dizaines sur le territoire, tous reliés à une école d'ingénieur, n'est pas réaliste", estime-t-il.
Il salue en revanche les autres aspects de la réforme de la voie professionnelle : des enseignements généraux mieux articulés avec les enseignements professionnels, l'augmentation du nombre de places en BTS pour les lycéens de bac pro...
"Le discours positif sur cette voie mal aimée commence à porter ses fruits", se félicite-t-il.
"Ces campus sont une vitrine de la réforme, et vont concerner très peu d'élèves", juge plus sévèrement Sigrid Gérardin, co-secrétaire générale du Snuep-FSU. Et celle-ci de regretter que dans le même temps, des moyens aient été enlevés aux jeunes les plus en difficulté, citant notamment la diminution du nombre d'heures d'enseignement général ou la mise en place d'une spécialisation en classe de première, et non plus en seconde, "ce qui repousse l'accès au savoir professionnel".