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Habitat - Attribution des HLM : le dossier est sur la table

Les groupes de travail invités par Cécile Duflot à se pencher sur la question de l'attribution des logements sociaux posent les jalons d'une refonte du système actuel. Il s'agirait notamment de définir un système transparent de cotation de la demande, avec une attribution au niveau intercommunal. La ministre s'en inspire pour des "axes de réforme", mais joue la prudence. Les réactions des uns et des autres confirment que le dossier est sensible.

Les quatre groupes de travail mis en place en janvier dernier sur la question de l'attribution des logements locatifs sociaux (voir notre article ci-contre du 15 janvier 2013) ont remis leur rapport à Cécile Duflot. La ministre du Logement les avait chargés d'élaborer des propositions en vue de "réformer ce dispositif, afin qu'il gagne en efficacité, en transparence et en lisibilité pour le demandeur, en associant les partenaires locaux". Au vu de leur rapport, les quatre groupes de travail ont rempli leur mission, avec trente propositions concrètes, qui "posent les jalons d'une réforme majeure du système d'attribution des logements sociaux". Certaines de ces propositions ont en outre été amendées par un "comité des sages", présidé par Jean-François Debat, conseiller d'Etat et maire de Bourg-en-Bresse.

Critères transparents et échelon intercommunal

Parmi les trente propositions, les plus importantes consistent à définir un système transparent de cotation de la demande (combinant des critères nationaux de priorité et des critères locaux encadrés et spécifiques à certains attributaires), à retenir le niveau intercommunal comme échelon pertinent d'attribution des logements HLM, à mettre en place un service partagé d'information, d'enregistrement et d'accueil des demandeurs placé sous la responsabilité de l'organe de gouvernance intercommunal (et éventuellement de la métropole de Paris pour l'Ile-de-France), ou encore à expérimenter des dispositifs innovants comme les bourses d'échanges pour favoriser les mutations internes ou la "location choisie" (système britannique consistant à mettre les logements disponibles en ligne sur internet, à enregistrer les candidatures et à attribuer le logement au candidat disposant du plus grand nombre de points). Le dernier des groupes s'est centré, pour sa part, sur l'adaptation de l'offre aux besoins, avec un ensemble de propositions sur les politiques sectorielles de l'offre, la révision de la politique des loyers dans le parc social ou la réduction de la dépense nette de logement pour les ménages.
Les propositions des groupes de travail ne sortent pas du néant. Une ville comme Rennes met en oeuvre, depuis près de quinze ans, un système de cotation des demandes (dont le rapport s'inspire largement) et la ville de Paris vient de lui emboîter le pas (voir notre article ci-contre du 20 septembre 2012). De même, le "service partagé d'information d'enregistrement et d'accueil des demandeurs" n'est pas sans lien avec la mise en place, en avril 2011, du dossier unique de demande (voir notre article ci-contre du 1er avril 2011). Il reste que les propositions des groupes de travail ont le mérite de proposer une approche globale et transversale de la question.

Quatre "axes de réforme"

Cécile Duflot a réagi à la remise du rapport en annonçant le même jour non pas directement des mesures, mais quatre "axes de réforme principaux". Le premier concerne la simplification des démarches, dans le prolongement du dossier unique. Le second vise à améliorer l'information dispensée au demandeur tout au long de la procédure (explication du processus, accès à l'état d'avancement du logement, information régulière sur le délai d'attente...). Le troisième axe reprend la proposition consistant à gérer les attributions au niveau intercommunal, avec l'affirmation que "le rôle de pivot de l'organisation et du pilotage de la politique d'attribution des logements sociaux devra être confié aux agglomérations - au moins sur les territoires où la tension en matière de logement le justifie". Enfin, le dernier axe consiste en la mise en place d'un système de cotation des demandes, afin de "gagner en efficacité sans perdre en humanité". La ministre du Logement prend soin de préciser que "l'attribution d'un logement social est une question profondément humaine et qu'aucun système complètement automatisé ne pourra répondre à la globalité des situations".
La réforme de l'attribution des logements sociaux était attendue. Il n'est pas sûr cependant qu'elle suscite une adhésion générale, du moins dans certains de ses aspects. L'Union sociale pour l'habitat (USH) a ainsi été la première à réagir. Dans un communiqué du 22 mai - et tout en rappelant que "l'impartialité est une nécessité" face à 1,7 million de demandes en attente -, elle rappelle que les attributions sont "le coeur de métier des organismes HLM". Sans s'opposer à la réforme - qu'elle a contribué à alimenter par ses propositions - l'USH entend bien obtenir toute sa place dans sa mise en oeuvre et ne pas laisser déposséder les organismes HLM de leurs prérogatives.
De son côté, le DAL (Droit au logement) s'inquiète des dérives possibles d'une "gestion informatique de la demande", qui risquerait de pénaliser les ménages les plus fragiles. D'autres acteurs du logement veulent au contraire aller plus loin sur certains points. Ainsi, la Confédération générale du logement (CGL) demande une publication, sur internet et dans les mairies, de la liste des demandes et de celle des logements qui se libèrent.
Enfin, la réforme de l'attribution des logements sociaux ne va pas manquer de faire resurgir des questions délicates, comme celle des refus, par certains demandeurs (environ 10%), des logements proposés par les commissions d'attribution, qui pèsent lourdement sur le dispositif.

La réforme n'est pas pour tout de suite

Instruite par de précédentes réformes, Cécile Duflot a choisi de jouer la prudence. Ainsi, le mécanisme de cotation ne devrait pas figurer dans le prochain projet de loi Logement, prévu pour cet été. La ministre préfère ouvrir une "seconde phase de concertation" pour approfondir cette réforme, de même que la dévolution des attributions à l'échelon intercommunal. Un comité de suivi partenarial va donc se mettre en place pour prolonger la réflexion sur ces deux points. Il sera présidé par Jean-François Debat, le président du comité des sages. Et il devra trouver des relais dans les territoires, "selon des dispositions encore à définir". Les premiers textes ne sont donc pas pour tout de suite.
Pour calmer les impatiences, Cécile Duflot a pris soin de rappeler que la réforme de l'attribution des logements sociaux "ne résoudra pas à elle seule la crise du logement". Une formule qui avait déjà servi lors de la remise au goût du jour des réquisitions de logements vacants...

Jean-Noël Escudié / PCA

"La mixité sociale n’est ni un luxe, ni une utopie", plaide l'AMF

"Les maires sont attachés à une conception généraliste du logement social qui ne peut à leur sens être uniquement dédié au logement des personnes les plus en difficultés." C'est ce qu'a réaffirmé l'Association des maires de France, qui réunissait la presse le 22 mai pour évoquer les grands dossiers du moment… dont le logement social. Valérie Létard, vice-présidente de l'AMF, l'a dit autrement : "Il s'agit de ne pas céder à la pression qui existe sur cette question de l'attribution des logements, et donc d'éviter que la mixité soit un luxe, d'éviter de un logement social 'spécialisé" qui ne donnerait la priorité qu'à des personnes en grande difficulté". Et Valérie Létard d'évoquer les "politiques de peuplement" que tentent de mener les maires, entre autres dans le cadre des opérations de rénovation urbaine, lesquelles "ne doivent pas être mis à mal par les nouvelles règles d'attribution". A propos de rénovation urbaine, le bureau de l'AMF, qui a évoqué la question lors d'une réunion le 15 mai, regrette d'ailleurs "que la concertation sur les attributions de logements n'ait pas été suffisamment articulée avec les travaux menés sur la réforme de la politique de la ville."
Dans une note faisant écho aux propositions des groupes de travail, l'AMF explique que si le niveau intercommunal est pertinent pour définir un certain nombre d'orientations et de principes, "les maires souhaitent conserver la mise en oeuvre opérationnelle de ces orientations, sauf transfert volontaire au niveau intercommunal".
"A quel niveau doit s'opérer l'attribution ? Nous sommes pour une conjonction de critères nationaux et locaux, pour un partage d'information à l'échelle globale avec, toutefois, une possibilité d'attribution à l'échelle de la commune", résume Valérie Létard. L'AMF plaide aussi pour que le "dispositif concerté de partage de la demande de logement" tienne compte "des outils déjà mis en place tels que les fichiers partagés inter-bailleurs ou inter-réservataires" et reste réservée sur la création d’un guichet commun dans la mesure où "les maires ne souhaitent pas la mise en commun de droit de la gestion de la demande". Enfin, s'agissant des propositions relatives à la cotation, Valérie Létard relève qu'il faut "coter non seulement le dossier de demande, mais aussi le logement lui-même".
 

Claire Mallet

 

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