Astrid Panosyan-Bouvet lève le voile sur une partie des propositions sur le financement des CFA
Avec en toile de fond la concertation sur la réforme du financement des CFA, la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a livré lors des Rencontres sénatoriales de l’apprentissage les premières pistes qui seront présentées le 23 avril prochain. Écartées par la réforme de 2018, les régions se réjouissent pour leur part de l'association des Crefop à la carte des formations en apprentissage qui doit se traduire dans un décret.

© Capture vidéo Sénat/ Astrid Panosyan-Bouvet
C’est le président de la Chambre haute en personne, Gérard Larcher, qui a ouvert le débat organisé dans le cadre des vingtièmes Rencontres sénatoriales de l’apprentissage qui se sont tenues jeudi 10 avril dernier. Un événement dont la précédente édition datait de 2019. Dominique Estrosi Sassonne, sénatrice LR des Alpes-Maritimes et présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, a posé d’emblée les enjeux : faire de l’apprentissage "un choix d’ambition" ; travailler à l’adaptation des compétences aux besoins des entreprises ; et contribuer, à travers l’apprentissage, "à l’égalité des chances" dans un objectif de justice sociale. "L’apprentissage est une voie d’excellence, a-t-elle réaffirmé, une passerelle entre le monde de la formation et celui de l’entreprise" qui doit être mieux valorisée. Vice-présidente de la commission des affaires sociales du Sénat, Pascale Gruny (sénatrice LR de l’Aisne) a rappelé pour sa part que la loi de 2018 avait été "couronnée d’un succès quantitatif indéniable", passant de 367.000 contrats d’apprentissage conclus en 2019 à plus de 800.000 en 2023. Avant de pointer le déficit constant de France compétences et plus globalement un "montant total des dépenses en faveur de l’apprentissage devenu déraisonnable", soit 15,3 milliards d’euros en 2023. Tout l’enjeu consistant, dorénavant, à rationnaliser davantage sans pour autant sacrifier la dynamique à l’œuvre.
Renforcement des mécanismes de certification
Interrogée sur la mise en œuvre des nouvelles modalités des aides à l’apprentissage, la ministre Astrid Panosyan-Bouvet a souligné que "l’effort de rationalisation reste très conséquent". La différenciation selon la taille des entreprises a, certes, rebattu les cartes, mais la ministre a rappelé dans le même temps que "85% des apprentis" étaient sous contrat dans des entreprises où les montants d’aides restaient les plus élevés au regard des nouveaux seuils. Elle a par ailleurs insisté sur la nécessité "d’une plus grande régulation par la qualité", avec en toile de fond la question des taux de rupture. Les résultats de la concertation sur le financement des CFA, lancée mi-novembre, seront présentés le 23 avril prochain, a ajouté la ministre qui a levé une partie du voile en annonçant un renforcement du mécanisme de certification qualité avec "une meilleure transparence des résultats" des organismes formateurs en lien avec les informations disponibles sur la plateforme d’orientation InserJeunes qui devra mieux indiquer les taux d’insertion à 6 mois ou encore les rémunérations attendues, ainsi qu’un renforcement des mécanismes de lutte contre les fraudes pointés par plusieurs sénateurs dénonçant "un effet d’aubaine" créé par la mise en œuvre de la loi de 2018, notamment s’agissant des formations en distanciel. "Nous serons intransigeant sur la question de la fraude", a insisté la ministre évoquant la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques, présentée par le député Thomas Cazenave (EpR) et les décrets à suivre.
Sur la question des coûts-contrats, la ministre a rappelé que le critère essentiel devait être celui de l’adéquation aux besoins des entreprises en matière de compétences. Et sur ce sujet, "les branches professionnelles sont les mieux à même de fixer les priorités". La ministre se dit prête à "bonifier certaines priorités" notamment dans l’industrie ou encore la transition écologique. Autre priorité du gouvernement, les niveaux de qualification 3 et 4 doivent clairement être favorisés, estime la ministre qui promet des annonces en ce sens le 23 avril prochain. Et d’ajouter : "On souhaite que la qualité soit au rendez-vous." Enfin, s’agissant des qualifications de niveau 6 et 7, qui concernent 36% des apprentis à l’heure actuelle, la ministre a annoncé le lancement d’une mission d’inspection interministérielle qui devra se pencher sur la question du contrôle des établissements d’enseignement supérieur.
Rapprocher les formations des besoins en compétences à l’échelon régional
En conclusion des échanges, Astrid Panosyan-Bouvet s’est dit confiante sur la possibilité d’améliorer plusieurs points clés en matière de financement de l’apprentissage, notamment s’agissant d’une plus grande adéquation entre l’offre et les besoins de compétences dans les territoires. "Les branches professionnelles et l’État doivent définir les priorités et les régions ont leur rôle à jouer !" Régions de France a réagi dans la foulée de l’intervention de la ministre devant le Sénat par la voix de François Bonneau, président de la commission éducation-orientation-formation-emploi, qui a fait état des discussions qui s’étaient tenues la veille (le 9 avril) avec Astrid Panosyan-Bouvet ; entretien au cours duquel la ministre a proposé d’élargir à la carte des formations en apprentissage les missions des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (Crefop). L’objectif étant de rapprocher les formations financées des priorités définies avec les branches professionnelles au niveau régional. Régions de France a confirmé en parallèle qu’un décret en Conseil d’État était en préparation "pour mettre en œuvre cette évolution inspirée de bonnes pratiques qui ont déjà cours dans plusieurs régions".
François Bonneau a rappelé à ce titre que depuis la mise en œuvre de la loi de 2018, "les régions ont perdu toute visibilité sur la carte des CFA sur leur territoire", dénonçant une "libéralisation de l’apprentissage" qui s’est traduite "par des manques au niveau de l’offre dans certaines formations", a fortiori dans les territoires "délaissés" hors des métropoles. François Bonneau a enfin demandé à la ministre de reverser aux régions "une partie des sommes économisées grâce aux nouvelles règles sur les niveaux de prise en charge des contrats par France compétences". Des moyens qui pourraient ainsi être réinvestis dans le financement des CFA.