Les nouveaux visages de l’apprentissage

Comment la réforme de 2018 a-t-elle impacté le paysage de l’apprentissage en France ? Voilà la question à laquelle le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq) tente de répondre. Entre objectifs comptables et nouveau paradigme.

La loi de 2018, intitulée "Pour la liberté de choisir son avenir professionnel", ambitionnait d’élargir la mobilisation en faveur de l’apprentissage. Sur le plan comptable, relève le Cereq dans une étude commanditée par l’Ires (Institut de recherche économique et sociale) et la CFDT, l’objectif "a incontestablement été atteint". Et tout cela en grande partie grâce à de nouveaux acteurs qui se sont positionnés sur le champ de l’apprentissage, apportant de nouveaux usages dans cette "relation tripartite unissant un jeune, une entreprise et un CFA".

En premier lieu, le Cereq confirme qu’entre 2017, année précédant la mise en œuvre de la réforme, et 2021, le nombre de contrats d’apprentissage signés annuellement a plus que doublé passant de 305.000 à 736.000. Avec une "singularité" : l’augmentation marquée des contrats signés dans l’enseignement supérieur qui représentent désormais 60% de l’ensemble des contrats d’apprentissage contre moins de 40% en 2017. La hausse concerne essentiellement des formations visant des certifications professionnelles comme les titres du ministère de l’Emploi, mais aussi les diplômes du Cnam, des grandes écoles de commerce, de l’Université ou encore les titres inscrits au RNCP. Autant de formations qui ne relèvent pas du système de diplômes de l’Education nationale, de l’université ou des écoles d’ingénieurs. Des formations nouvelles qui n’existaient pas en 2017 et qui, en 2021, concentraient 41% des contrats d’apprentissage signés. Concrètement, cette nouvelle offre de formation est "massivement le fait de nouveaux CFA", relève l’étude : sachant qu’un CFA sur deux accueillant des apprentis en 2021 a été créé en 2020 voire en 2021. En parallèle, le nombre des entreprises investies dans l’apprentissage a également plus que doublé passant de 187.000 en 2017 à 387.000 en 2021. Sept contrats sur dix sont d’ailleurs signés par des TPE-PME qui évoluent majoritairement dans les secteurs traditionnels de l’apprentissage tels que la construction, l’industrie, ou encore le commerce, les transports et l’hôtellerie-restauration.

Une nouvelle dynamique de mobilisation de l’apprentissage

Au-delà des chiffres, "une nouvelle dynamique de mobilisation" semble à l’œuvre avec un poids nouveau d’entreprises qui n’étaient pas présentes dans le champ de l’apprentissage avant la réforme et qui signent des contrats en lien avec des formations post-bac pour les deux tiers d’entre elles. Du côté des CFA, le Cereq souligne que ceux créés après 2018 mettent majoritairement en place des formations du supérieur. Au final, le public nouveau attiré par l’apprentissage est constitué de jeunes plus formés : la part des diplômés de niveau bac+3 poursuivant dans le supérieur par l’apprentissage augmente ainsi de 10 points par rapport à 2017. Autant de caractéristiques constitutives d’un nouveau paradigme qui semble s’adapter davantage aux besoins des territoires et des entreprises en termes de main-d’œuvre et de compétences. Certaines entreprises ont d’ailleurs saisi l’opportunité de créer leur propre CFA, moyen de répondre à une situation de pénurie de main-d’œuvre de court terme, commentent les auteurs de l’étude. Un choix qui vise tout autant à fidéliser des futurs collaborateurs.

Résultat des courses, "l’apprentissage se banalise", promesse d’une insertion dans l’emploi plus rapide et de meilleure qualité autant qu’un bon moyen "de vérifier et de tester le projet professionnel", voire "oser" une orientation nouvelle. Peut-on pour autant parler d’une "démocratisation" de l’apprentissage ? La prise en charge des coûts de formation ainsi que la rémunération ne sont pas sans effet sur l’attractivité de ces nouvelles filières, note le Cereq, mais "l’effet levier des ressources financières est difficile à évaluer", reconnaissent les auteurs de l’étude qui soulignent que "des facteurs d’inégalité renforcée se glissent surtout dans l’interstice des frais annexes de la poursuite d’études", tels que le logement ou encore les transports.

En conclusion, la loi de 2018 "a créé les conditions d’une mobilisation accrue de l’apprentissage". Un processus qui a pu prendre de l’ampleur à travers la mise en place de dispositifs tels que "1 jeune / 1 solution" qui permettent de réduire la charge financière d’un recrutement en apprentissage. Le Cereq évoque d’ailleurs à ce titre "un effet d’aubaine".