Après leur rencontre avec François Bayrou, les syndicats agricoles attendent du concret
Les syndicats agricoles ont été reçus ce 13 janvier par le Premier ministre. S'ils ont salué son écoute, ils attendent des actes concrets, et rapidement. Sans quoi les mobilisations pourraient reprendre. D'après leurs discussions, le projet de loi d'orientation devrait arriver au Sénat la semaine du 3 février, dans la foulée de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur.
Après leur rencontre ce 13 janvier 2025 avec un Premier ministre jugé "à l'écoute", les syndicats agricoles attendent des actions concrètes. "Maintenant place aux actes, a ainsi déclaré Pierrick Horel, président de Jeunes agriculteurs, à la sortie du rendez-vous avec François Bayrou, nous reprenons rendez-vous au Salon de l'agriculture". Un salon qui arrive à grands pas (du 22 février au 2 mars 2025) alors que, depuis plus d'un an, le secteur est traversé par un large mouvement de grogne. En cause : la hausse des coûts de production, la concurrence étrangère, la lourdeur des procédures administratives et les contraintes environnementales. Et l'annonce en décembre de la conclusion de l'accord de libre-échange avec le Mercosur a ravivé la colère des agriculteurs qui ont le sentiment de servir de monnaie d'échange.
Changer le mode de scrutin des élections aux chambres d'agriculture ?
Reçue elle aussi par François Bayrou, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) dit attendre également d'ici le salon une concrétisation d'engagements budgétaires, fiscaux, législatifs obtenus l'hiver dernier et réitérés par le Premier ministre. La Coordination rurale s'est montrée quant à elle plus remontée, regrettant un "remake pour réexpliquer ce qu'est l'agriculture" de la part de François Bayrou, et déçue quant aux réponses du Premier ministre concernant les contrôles menés dans les exploitations, jugés trop nombreux par le syndicat. "Franchement on se pose beaucoup de questions, a indiqué Véronique Le Floc'h, la présidente de la Coordination rurale, le délai pour y répondre, c'est demain, nous espérons entendre les revendications, ou du moins celles qui ne coûtent rien à l'Etat, dans son discours de politique générale". Celui-ci doit avoir lieu ce mardi devant l'Assemblée nationale et le lendemain au Sénat.
Enfin, la Confédération paysanne estime ne pas avoir eu de réponses sur les questions du revenu, des prix et des droits sociaux des paysans. Le syndicat a aussi regretté le refus de répondre à leur demande concernant plus de proportionnelle pour les élections aux chambres d'agriculture qui se tiennent du 15 au 31 janvier. Le mode de scrutin actuel favorise la liste arrivée en tête, qui obtient d'office la moitié des sièges aux chambres. A ce jour, l'alliance entre les JA et la FNSEA leur permet de détenir 97 chambres sur 101.
Des mesures annoncées en 2024… mais restées en suspens avec la dissolution
En début d'année 2024, le gouvernement Attal avait annoncé plusieurs mesures, dont des amendes pour les acteurs économiques qui ne respecteraient pas la loi Egalim, des mesures de simplification (limitation des contentieux à dix mois, allégement des règles de débroussaillement, de gestion des haies, de curage des cours d'eau, placement de l'Office français de la biodiversité sous l'autorité des préfets…) et d'urgence (fonds d'urgence pour la viticulture, renforcement de la mesure de défiscalisation pour l'élevage bovin, ouverture du guichet de prise en charge des frais vétérinaires dans le cadre de la maladie hémorragique épizootique-MHE…). Le Premier ministre avait aussi à l'époque promis que la France s'opposerait à la signature de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay). L'accord supprime une grande partie des droits de douane entre les deux régions, ce qui permettrait l'importation de nombreux produits sud-américains en Europe sur la base de quotas spécifiques. Pour les agriculteurs, ces produits seraient proposés à des tarifs défiant toute concurrence, avec des normes environnementales et sociales moins strictes que celles exigées par l'Union européenne à ses Etats-membres. Outre ces sujets, les agriculteurs font face à des revenus très bas, des difficultés d'installation, le foncier faisant défaut ou étant cher. Ils doivent aussi trouver des réponses quant à l'évolution démographique, 50% d'entre eux étant en âge de partir à la retraite d'ici dix ans…
Le projet de loi d'orientation au Sénat la semaine du 3 février
Si certaines des mesures annoncées par Gabriel Attal en plusieurs vagues ont été mises en œuvre, une grande partie est restée en suspens, du fait de la dissolution et de la censure du gouvernement Barnier. Plusieurs textes législatifs ont aussi été bloqués à cause de ce contexte et cette instabilité politique, dont le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (PLOSAA). Présenté en conseil des ministres en avril 2024, il est censé répondre au défi démographique du secteur mais il n'a toujours pas été examiné. Ce devrait être chose faite, à partir de la semaine du 3 février, les syndicats ayant obtenu le passage du texte au Sénat à partir de cette date après leur discussion avec le Premier ministre et d'après le communiqué commun FNSEA/JA.
Avant cela, une proposition de loi, visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, est programmée au Sénat la semaine du 27 janvier. Le texte s'attaque notamment à certains totems néfastes à l'économie agricole comme la séparation des activités de vente et de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques, le retour en arrière quant à certaines surtranspositions pesant sur la compétitivité du secteur.
Enfin, la préparation d'un texte de loi sur le revenu agricole est également prévue pour apporter des adaptations nécessaires aux lois Egalim. Objectif : permettre à tous les agriculteurs de vivre décemment de leur métier.
Des dispositifs fiscaux et budgétaires rétroactifs au 1er janvier 2025
Les syndicats ont aussi obtenu la confirmation des aides d'urgence et de trésorerie envisagées précédemment pour permettre aux exploitations de surmonter les conséquences de la crise sanitaire et climatique de 2024 : le dispositif de prêts de consolidation garantis gratuitement par l'Etat, qui devraient être mis en œuvre rapidement, et le guichet d'indemnisation de la FCO 8 (Fièvre catarrhale ovine sérotype 8), qui devrait être ouvert à la fin du mois de janvier. Ils ont aussi eu gain de cause, en tout cas en parole, concernant les dispositifs fiscaux et budgétaires promis il y a plus d'un an, et leur inscription dans les lois de finances pour 2025. Ces mesures doivent permettre d'améliorer la compétitivité, le renouvellement des générations et la résilience des exploitations, de sauver l'élevage français, d'inciter à la transmission et l'installation, de mettre en œuvre le calcul des retraites agricoles sur les 25 meilleures années et de favoriser l'emploi des saisonniers. Une fois votées par le Parlement, ces dispositions feront l'objet d'une rétroactivité en date du 1er janvier 2025.
Dernière chance pour rejeter le Mercosur ?
Enfin, dernier sujet discuté et non des moindres : le Mercosur. D'après les syndicats, le Premier ministre a réaffirmé que son gouvernement s'opposera à la mise en œuvre de l'accord entre l'Union européenne et les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay). Mais pour le moment, difficile d'y voir clair, la Commission européenne, pressée d'obtenir la signature et la mise en œuvre de l'accord, cherchant à écarter la possibilité d'un recours mené par la France avec plusieurs autres pays européens… Le 6 décembre 2024, l'Union européenne et le Mercosur ont en effet conclu à Montevideo les négociations en vue de l'accord après 25 ans de discussions. La France espère toujours obtenir une minorité de blocage au Conseil. Tout texte signé avec les pays du Mercosur doit être ratifié au Conseil de l'Union européenne en gagnant l'approbation d'au moins quinze Etats membres, représentant 65% de la population, et réunir une majorité au Parlement européen.