Agriculteurs : entre deux séries d'annonces, les régions posent leurs priorités
Alors que la mobilisation des agriculteurs se poursuit, le Premier ministre s'apprête à faire une deuxième série d'annonces, ce mardi. Les régions, elles, continuent de soutenir le mouvement et posent leurs priorités.
Au soir de la première série d'annonces de Gabriel Attal pour les agriculteurs, l'association Régions de France a tenu à réaffirmer, vendredi, son "soutien" et son "engagement" à leurs côtés. Alors que le Premier ministre s'apprête à faire une deuxième série d'annonces mardi, les régions appellent le gouvernement à passer aux actes et posent leurs priorités. Elles réclament une meilleure rémunération "par un contrôle renforcé de l’application de la loi Egalim sur les marges de la grande distribution", la garantie de l'accès à l'eau, la préservation de l’accès au foncier "pour favoriser l’installation des nouvelles générations d’agriculteurs, éviter la prédation des terres et la spéculation", l'encadrement des importations intra-européennes et étrangères et l’arrêt de la surtransposition des normes européennes. L'association devait fournir une "liste complémentaire de propositions concrètes au gouvernement pour chacune de ces priorités". Les régions rappellent en outre qu'elles ont accordé plus d’1,2 milliard d’euros à l’agriculture et au développement rural en 2023.
Certaines de ces demandes ont trouvé un début de réponse vendredi, le gouvernement s'étant engagé notamment à multiplier les contrôles et à prononcer des "sanctions très lourdes" contre trois entreprises, non nommées. Depuis une exploitation agricole de Montastruc-de-Salies (Haute-Garonne), les notes posées sur une botte de paille, Gabriel Attal a appelé à "laisser respirer" l'agriculture. Il a affirmé que la France s'opposait à la signature de l'accord de libre-échange controversé avec le Mercosur, sans convaincre les syndicats qui, sur ce sujet, font cause commune.
Exception alimentaire
Dans une tribune publiée la semaine dernière sur son compte X (ex-twitter), le président de la région Bretagne et président de la commission Agriculture à Régions de France, Loïg Chesnais-Girard plaide pour une "exception alimentaire au même titre que l'exception culturelle", thème défendu par la présidente de la Coordination rurale, Véronique Le Floc'h, mais aussi par le Rassemblement national qu'il combat par ailleurs farouchement. Car Loïg Chesnais-Girard défend l'Europe des régions et des territoires, arguant que "c'est à partir de ses régions que l'on pourra mener le combat de la souveraineté, des circuits courts à la grande distribution". "Je me bats pour renforcer la stratégie alimentaire européenne (la très controversée stratégie "Farm to Fork", ndlr) et acter enfin que poursuivre les efforts de la transition écologique ne peut se faire sans remettre en cause le libre-échange", expose-t-il également, condamnant la volonté de certains de "délocaliser la production qu'ils ne veulent plus voir chez nous".
Dix mesures immédiates de simplification
Mais, lors de son déplacement, le Premier ministre a surtout annoncé des mesures d'urgence, comme l'abandon de la hausse progressive sur la taxation du gazole non routier (GNR) prévue jusqu’en 2030. Une revendication forte de ces derniers jours. Certaines annonces visent à venir en aide à des régions et des filières touchées par des crises : 50 millions d'euros pour les élevages frappés par la maladie bovine MHE (le taux d'indemnisation sera par ailleurs porté de 80 à 90%), rallonge de 50 millions d'euros pour la filière bio qui traverse une période difficile avec la baisse de la consommation, doublement du fonds d'urgence pour venir en aide exploitations bretonnes affectées par la tempête Ciaran, soutien à la viticulture…
Gabriel Attal était aussi très attendu sur le terrain de la simplification. Il a annoncé dix mesures immédiates de "simplification administrative" : une loi instaurera une "présomption d'urgence" pour limiter les contentieux à dix mois, les règles de débroussaillement, de gestion des haies et de curage des cours d'eau seront allégées, les délais de recours contre les prélèvements d'eau et les procédures ICPE seront réduits de quatre à deux mois, avec passage direct devant une cour d'administrative d'appel, l'Office français de la biodiversité sera placé sous l'autorité des préfets (comme le demandait la FNSEA)… Des préfets placés comme les interlocuteurs privilégiés des producteurs. Enfin, le Premier ministre a appelé à une pause dans la transposition des textes européens sur les zones humides et les tourbières, le temps d'organiser la concertation.
Certaines mesures passeront par décret, d'autres figureront dans le projet de loi de Marc Fesneau récemment reporté. Le cœur de ce texte tient au mur démographique qui s'approche à grand, avec le départ d'un tiers des exploitants dans les dix ans. Sur ce point, la Coordination rurale demande la suppression des droits de succession, ainsi qu'une revalorisation des retraites agricoles. Les engagements gouvernementaux n'ont pas convaincu les principaux syndicats qui ont appelé à poursuivre le mouvement. La FNSEA demande au gouvernement qu'il "change de logiciel", notamment en s'opposant au "Pacte vert" européen et en renonçant à toute surtransposition sur les pesticides. "La surcharge administrative doit être allégée sans que cela ne remette en cause les normes protectrices pour notre santé, nos droits sociaux et notre planète", plaide de son côté la Confédération paysanne. Pour le syndicat, les mesures d'urgence étaient "indispensables" mais elles doivent s'accompagner de "mesures structurelles" : prix minimums garantis, régulation des marchés (y compris en Europe), maîtrise des volumes.