Après les librairies, le Sénat adopte une proposition de loi sur les bibliothèques
Cette proposition de loi consensuelle "relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique", adopté le 9 juin en première lecture au Sénat, vient essentiellement conforter ou entériner des principes et des pratiques en les inscrivant dans le code du patrimoine : pluralisme, gratuité d'accès et de consultation, politique documentaire, rôle des bibliothèques départementales...
Semaine parlementaire faste pour la culture et le livre : après l'adoption en première lecture, le 8 juin, de la proposition de loi "visant à conforter l'économie du livre et à renforcer l'équité et la confiance entre ses acteurs" (voir notre article du 9 juin 2021), le Sénat a adopté, le 9 juin et à nouveau en première lecture, une proposition de loi "relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique". Dans les deux cas, les sénateurs ont adopté ces textes à l'unanimité. Et dans les deux cas, le gouvernement, en la personne de Roselyne Bachelot, a apporté en séance un soutien appuyé à ces propositions de loi, bien qu'elles émanent respectivement de LR et du PS. Des circonstances qui laissent présager que ces deux textes iront jusqu'au bout de leur parcours parlementaire, d'autant que le gouvernement a engagé la procédure accélérée sur les deux propositions de loi.
Une "consécration légale" pour les bibliothèques de collectivités
La proposition de loi sur le bibliothèques et la lecture publique est présentée par Sylvie Robert, sénatrice d'Ille-et-Vilaine, et l'ensemble du groupe socialiste. Lors de la discussion générale – marquée par un étalage de citations tirées des mêmes recueils de citations au point de se répéter d'un orateur à l'autre (Jorge Luis Borges, Umberto Eco, Saint-Augustin, Julien Green, Marcel Proust, André Malraux, Gaston Bachelard, Auguste Thiers et... Mary Higgins Clark) – Sylvie Robert a expliqué que le texte entend "préciser sans brider, encadrer sans enfermer". Plus précisément, la proposition de loi a pour objectif d'"ancrer les bibliothèques dans notre droit". Cette ambition part du constat que "seuls cinq articles les concernent dans le Code du patrimoine, douze fois moins que pour les archives [60 articles pour les archives et 30 pour les musées, ndlr]". Même si l'importance d'un secteur ne se mesure pas à l'aune des pages qu'il occupe dans les codes, "cette proposition de loi est une consécration légale".
Pour sa part, Roselyne Bachelot a rappelé que "les 16.500 bibliothèques constituent le premier équipement culturel de notre pays ; 13.000 collectivités territoriales y consacrent plus de 1,7 milliard d'euros chaque année", l'État gérant de son côté deux bibliothèques nationales, la Bibliothèque nationale de France (BNF) et la Bibliothèque publique d'information (BPI), et accompagnant les bibliothèques territoriales. Le gouvernement a donc choisi d'apporter son soutien à la proposition de loi, dans la mesure où le texte "affirme les missions des bibliothèques dans le cadre du pluralisme et de la neutralité du service public" – elles doivent "plus que jamais être des lieux hors de toute pression, où s'exprime la diversité des opinions" – et "rappelle que les bibliothèques doivent être accessibles à tous gratuitement".
Un texte qui conforte ou entérine des principes et des pratiques
Dans ces circonstances – et à la différence de la proposition relative à la librairie indépendante –, le texte adopté ne contient pas vraiment de mesures nouvelles. Il conforte ou entérine des principes et des pratiques en les inscrivant dans le Code du patrimoine. Ainsi, l'article premier prévoit que "les bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements ont pour missions de garantir l'accès de tous à la culture, à l'information, à l'éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs" et que "ces missions s'exercent dans le respect des principes de pluralisme des courants d'idées et d'opinions, d'égalité d'accès au service public et de neutralité du service public"
De même, l'article 3 précise que "l'accès aux bibliothèques municipales et intercommunales et la consultation sur place de leurs collections sont gratuits", tandis que l'article 5 réaffirme que "les collections des bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements sont pluralistes et diversifiées. Elles représentent, chacune à leur niveau ou dans leur spécialité, la multiplicité des connaissances, des courants d'idées et d'opinions et des productions éditoriales. Elles sont rendues accessibles à tout public, sur place ou à distance". Les bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements doivent également élaborer "les orientations générales de leur politique documentaire, qu'elles présentent devant l'organe délibérant de leur collectivité territoriale ou de leur groupement et qu'elles actualisent régulièrement". Cette présentation devant la collectivité peut être suivie d'un vote.
Des précisions sur les missions des bibliothèques départementales
La proposition de loi consacre également un chapitre au développement de la lecture publique. Un article précise ainsi le rôle des bibliothèques départementales. Celles-ci ont notamment pour missions de renforcer la couverture territoriale en bibliothèques, de favoriser la mise en réseau des bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements, de proposer des collections et des services aux bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements et, le cas échéant, directement au public, de contribuer à la formation des agents et des collaborateurs occasionnels des bibliothèques des collectivités territoriales ou encore d'élaborer un schéma de développement de la lecture publique à l'échelle du département, validé par l'assemblée départementale.
Un autre article prévoit que les établissements publics de coopération culturelle (EPCC) et les groupements d'intérêt public comprenant des collectivités territoriales ou leurs groupements, sont éligibles au concours particulier de l'État aux bibliothèques "pour les travaux d'investissements et les dépenses de fonctionnement non pérennes des bibliothèques dont ils assurent la gestion". Enfin, un dernier article prévoit que les collectivités et leurs groupements peuvent céder gratuitement les documents dont leurs bibliothèques n'ont plus l'emploi à des fondations ou à des associations relevant de la loi du 1er juillet 1901, ces dernières ne pouvant en revanche procéder à la cession, à titre onéreux, des biens ainsi alloués, sous peine d'être exclues de ce dispositif.
Référence : proposition de loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique (adoptée en première lecture par le Sénat le 9 juin 2021). |