Après la crise sanitaire, gouvernement et collectivités veulent réduire la fracture entre jeunes et vieux
"Jeunes vs Vieux : en finir avec ce climat de défiance" : tel est l'appel inhabituel lancé, à l'occasion de la Semaine bleue, notamment par la secrétaire d'Etat Brigitte Bourguignon, mais aussi par François Sauvadet, président de l'ADF, et François Rebsamen, président du Réseau francophone des villes amies des aînés. Dans le contexte post-covid, Brigitte Bourguignon appelle à "faire vivre les solidarités intergénérationnelles" et lance le hashtag #générationssolidaires.
Les conséquences de la pandémie de Covid-19 sont aujourd'hui bien connues et documentées en matière sanitaire et en matière économique. Mais la crise a aussi provoqué, ou à tout le moins accéléré, une autre évolution, à caractère sociétal sans doute pernicieuse à terme : l'apparition d'un antagonisme, ou du moins sa mise en scène, entre "les jeunes" et "les vieux". Face au risque d'une défiance durable, voire d'une fracture entre générations, le gouvernement et les collectivités entreprennent de réagir.
"Il est important que les Français se refassent confiance"
Selon une petite musique qui instille un peu plus chaque jour, les jeunes auraient été sacrifiés durant la crise sanitaire au profit des personnes âgées. Hier, ils ont subi de plein fouet, pour protéger les aînés, les effets du confinement dans leurs études, leurs loisirs et leur vie sociale, alors qu'ils étaient peu exposés au risque du Covid-19. Demain, ils devront payer la dette colossale accumulée pour faire face à la crise sanitaire et ses conséquences économiques. Le tout sur fond d'inquiétudes et de rumeurs sur l'avenir des retraites et leurs possibles réformes, laissant entendre qu'ils n'auront pas la "retraite dorée" des générations du baby-boom.
A l'occasion de la 70e édition de la traditionnelle "Semaine bleue", qui se déroule cette année du 4 au 10 octobre, Brigitte Bourguignon appelle donc à "faire vivre les solidarités intergénérationnelles". Elle lance un appel à tous les Français, pour "tendre la main" aux personnes âgées. Sans évoquer ouvertement le risque de fracture sociétale, la ministre chargée de l'Autonomie est claire dans son communiqué du 1er octobre, en évoquant "la nécessaire cohésion d'une société". Elle cite d'ailleurs plusieurs mesures récentes en faveur de la solidarité intergénérationnelle : lancement dans 11 départements de l'expérimentation des "forfaits de cohabitation jeune/senior", création de 10.000 services civiques jeunes/seniors (dont 6.000 déjà recrutés), conventions de jumelage entre Ehpad et établissements scolaires, ou encore mise en place depuis cette année d'une "aide à la vie partagée", attribuée aux résidents d'un habitat inclusif.
Sans oublier le lancement, le 1er octobre du hashtag #générationssolidaires, à propos duquel Brigitte Bourguignon explique que "pour accompagner aujourd'hui la relance et refaire société, il est important que les Français se refassent confiance et réapprennent à vivre ensemble, à travers des #générationssolidaires".
"Une ligne de fracture semble s'être immiscée dans la société"
Plus explicite encore : une tribune publiée dans Le Monde le 1er octobre et reprise sur le site du ministère, intitulée "Jeunes vs vieux : en finir avec ce climat de défiance". Parmi les signataires de ce texte figurent Brigitte Bourguignon, plusieurs présidents d'associations (Uniopss, Unaf, Familles rurales, Armée du Salut, Petits frères des pauvres...) et le directeur général de l'Agirc-Arrco. Plusieurs élus et représentants de collectivités sont également signataires de la tribune. C'est notamment le cas de Fadila Khattabi, la présidente de la commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale, de François Sauvadet, le président de l'Assemblée des départements de France (ADF) ou encore de François Rebsamen, le président du Réseau francophone des Villes amies des aînés.
Le constat dressé par la tribune est sans ambiguïté : "Bien avant l'irruption du Covid, une ligne de fracture semble s'être immiscée dans la société : celle de l'affrontement entre jeunes et anciens. Partage des richesses, financement des retraites, attention portée à l'environnement, bénéfices du marché de l'immobilier, et récemment restrictions autour du Covid, sont des conflits caractérisés grossièrement par une opposition entre ces deux franges de la population. Jamais une ligne de partage générationnelle ne semble avoir été reproduite aussi régulièrement sur des sujets aussi différents les uns des autres". Or, estiment les signataires, "alors que notre pays semble être sur la voie de la reprise économique et d'un retour à une vie sociale de plus en plus normale, il n'est pas possible de laisser des plaies béantes au sein d'une Nation". Ils se disent toutefois conscients que "ce n'est pas le genre de réconciliation qui peut être actée par magie dans un discours, une simple rencontre ou quelques tweets. Mais par un ensemble de petits gestes et grandes évolutions sociétales, avec la mobilisation des territoires".
Parmi les mesures à développer évoquées par les signataires pour "souder ces populations" : des Ehpad davantage ouverts sur l'extérieur, le renforcement de solutions d'accompagnement à domicile et la lutte contre l'isolement, ou encore le développement de nouvelles vocations professionnelles dans les métiers du grand âge. Et à l'inverse, car la solidarité ne peut pas être unilatérale : l'appui des anciens au développement des plus jeunes, des investissements pour favoriser les formations professionnelles dans le secteur de l'autonomie (et donc des emplois futurs), des lieux de vie communs pour des projets communs sportifs et culturels.