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Rénovation urbaine - Anru 2012 : Moins de moyens, plus d'humain

L'Anru a réuni, vendredi 26 octobre, les acteurs de la rénovation urbaine à la Cité des sciences et de l'industrie (Paris, La Villette). Occasion de valoriser le visage "humain" de la rénovation, et faire oublier les incertitudes de long terme quant aux financements.

"J'ai mangé un tajine". Pierre Sallenave se souvient de ce "moment très sympa" qu'il a passé, il y a quelques jours, dans le quartier de Hautepierre, à Strasbourg, dans un restaurant tenu par vingt-cinq dames du quartier, qui proposait une "cuisine multiculturelle". C'est par cette anecdote que le directeur général de l'Anru a débuté la conférence de presse organisée vendredi 26 octobre, dans le cadre du Forum inter-régional des acteurs de la rénovation urbaine (Fraru). Tout au long de sa présentation sur les perspectives de l'Anru, il a incarné, par de petites touches personnelles et sensibles, le visage que l'Anru cherche plus que jamais à montrer : un visage "humain".

"Ces sourires que l'on croise dans les rues"

Se félicitant que les deux tiers des 45.000 bénéficiaires d'une clause d'insertion Anru occupent aujourd'hui un emploi durable, le directeur général commente : "humainement, cela vaut bien plus que des nombres". C'était pour lui "un moment extraordinaire" que l'inauguration du stade Lilian Thuram, en présence du footballeur, dans le quartier du Luth à Gennevilliers, le 3 octobre dernier. Il se rappelle de ce directeur de collège, à Antony, qui lui confiait qu'à l'issue de la rénovation urbaine, le taux de réussite au brevet était passé de 50 à 80%. Il se souvient également avec émotion de son premier jardin partagé visité ("c'était il y a trois ans, à Aulnay-sous-bois…"), il "adore" les murs peints et se ressource auprès de "ces sourires que l'on croise dans les rues" des quartiers rénovés qui lui font dire qu'il faut "entretenir la flamme". Son but : "donner aux habitants l'envie d'aller de l'avant".
"L'Anru, ce ne sont pas des bétonneurs sans âme", est déjà convaincu Rémi Frentz, directeur général de l'Acsé, reconnaissant ainsi que son agence n'avait pas le monopole du social dans la rénovation urbaine. Pas question pour autant d'annoncer une fusion prochaine entre l'Anru et l'Acsé. L'efficacité de la mise en œuvre des politiques se construirait "à 95 % sur le terrain", répond Remi Frentz dès que le sujet revient.

Un financement sécurisé jusqu'en 2015

Pour les moyens, il n'y a pas lieu de se réjouir trop. Si la directrice de cabinet de François Lamy, la préfète Christiane Barret, a bien rappelé en ouverture de la journée que le financement de l'Anru était sécurisé jusqu'à 2015, la question demeure entière pour les années à venir. "La rénovation urbaine est et restera le sujet des vingt prochaines années", est convaincu Gérard Hamel, qui a déjà vu trois ministres de la Ville depuis son fauteuil de président de l'Anru. "Il y aura une suite, qui ne s'appellera pas PNRU, mais il y aura une suite…", ajoute-t-il. "Après, en fonction de ce que pourront mettre les uns et les autres, il faudra hiérarchiser en fonction des urgences, et étaler les opérations dans la durée."
"Les uns et les autres", ce sont déjà les collectivités locales. Au cours de la première plénière, Rodolphe Thomas, maire d'Hérouville Saint-Clair, a soutenu l'idée de faire davantage participer les conseils généraux et régionaux, "dans leurs domaines de compétence". Tout le monde espère également que les nouveaux contrats, de part leur dimension intercommunale et leur statut de contrat "global", amèneront à des économies d'échelle. "Même si ces projets seront portés par le président d'un EPCI, les maires devront rester des éléments moteurs", insiste Gérard Hamel, "il est important qu'ils se sentent impliqués".

Mobiliser les investisseurs privés

"Les uns et les autres", ce sont aussi les investisseurs privés que l'Anru ne désespère pas de mobiliser. Dans le contexte actuel de "défi de la construction de logements, surtout en Ile-de-France", Pierre Sallenave a un argument de choc : il estime le potentiel de nouveaux logements franciliens à 200.000 unités dans les quartiers. Mais à la condition de ne pas renouveler les erreurs du passé, c'est-à-dire de "ne pas concentrer la pauvreté et introduire de l'accession et du locatif sur le marché libre". Aux investisseurs, il redit que le foncier est aujourd'hui plus attractif qu'ailleurs et les laisse envisager une rentabilité dans ces lieux où résident "des gisements d'avenir". Il s'appuie sur le modèle développé par l'Epareca qui, dans le champs de l'immobilier commercial, "assure la part de risque qui fait peur au privé" puis, quand l'opération est rentable, cède l'équipement à un investisseur privé (souvent une société foncière locale). C'est pour cela que l'Anru entend donner dans le "marketing territorial" pour "faire savoir aux investisseurs et aux promoteurs que ces quartiers rénovés sont transfigurés, qu'il y a des services à la population et du foncier disponible", explique Pierre Sallenave.
En espérant que cela ira plus vite que pour l'Epareca (seulement 14 centres commerciaux cédés depuis sa création en 1998, sur 101 passés entre leurs mains), qui réfléchit d'ailleurs à "un nouveau modèle économique pour favoriser le retour des centres dans le droit commun", explique son directeur général Thierry Febvay. "Nous avons un rôle de catalyseur privé", poursuit-il, "nous n'avons pas vocation à être l'unique promoteur commercial dans les quartiers".

Mettre fin au saupoudrage ?

Soupçonnée régulièrement de saupoudrage (30.000 actions financées par an, auprès de 12.800 porteurs de projet dont 72% sont des associations, 439 millions d'euros au budget 2012), l'Acsé devrait également réviser son modèle. Les résultats de la concertation lancée par François Lamy, et surtout le CIV de début janvier indiqueront les perspectives. Pour Rémi Frentz, il sera difficile de resserrer le champ des thématiques (prévention de la délinquance et des discriminations, éducation, emploi, santé…), "d'ailleurs personne ne le demande". Réduire le nombre de territoires bénéficiaires ? Surement, "mais cela ne voudra pas dire que ce sera le désert absolu en termes de solidarité nationale", répond-il, faisant référence aux politiques de droit commun à mettre à contribution. Quant à la réduction du nombre de porteurs de projet, ce serait "évidemment" plus facile, mais l'enjeu est surtout de choisir des "partenaires structurants", par exemple "des associations qui acceptent des objectifs communs et mesurent un minimum les résultats de leurs actions". Et d'insister : "même si elles sont toutes petites".
Au total, 323.000 logements ont été rénovés et 139.000 construits, dans plus de 100 quartiers, depuis le lancement du PNRU en 2003. Il reste 390 quartiers à rénover, où les chantiers sont dans des états d'avancement très variables.